Dans l’univers déstabilisant de Daniel Leblanc-Poirier
Par : Johanne Mathieu
Réalité, confusion ou paranoïa… C’est dans une ambiance déstabilisante que Daniel Leblanc-Poirier nous plonge dans son plus récent roman paru chez VLB éditeur, La disparition des miroirs.
Robert Laramée est un chanteur populaire qui a connu son heure de gloire et souhaite faire son grand retour. Son gérant et ami d’enfance, Gaétan, le presse de sortir un nouvel album. Il se met à la tâche… Sans grande conviction. Entre les quatre murs de son appartement de Rosemont, il occupe son temps à dormir, à observer ses voisins et à se rendre à l’occasion au café Odessa, où travaille Maude, la serveuse aux cheveux bleus. Dans ce quotidien plutôt calme et banal, des événements étranges commencent à se produire autour de lui. Avec ses airs de mafieux, un vieillard semble être partout où il va…
J’ai couru dans l’entrée, mais avant que j’arrive à la porte, à nouveau, les coups avaient cessé. J’ai ouvert. Personne encore, et toujours aucune trace. Ça m’embêtait sérieusement.
Que nous réserve Daniel Leblanc-Poirier avec ce tout dernier roman? Ce livre ne fait que quelque 144 pages, un roman court. Mais l’auteur ne précipite rien et prend tout le temps de bien déployer son intrigue. On y découvre le personnage de Robert, quelque peu léthargique, nonchalant, qui nous paraît dépassé par la suite mystérieuse d’événements à laquelle il est confronté : des coups sont frappés à sa porte sans que personne ne s’y trouve, des conversations ou des faits dont il a du mal à se souvenir donnent lieu à des malentendus inexplicables ou tendus, une certaine ambiguïté amoureuse s’installe entre lui et Brigitte, l’épouse de Gaétan. Il y a également la présence constante de Benjamin, le vieillard inquiétant qui le suit presque comme une ombre, d’autres événements qui seront plus dramatiques, car il y aura des morts… Troublé, le chanteur peine à démêler le vrai du faux et à trouver un sens à ce qui lui arrive. Le protagoniste vit ces situations dans une sorte de brouillard, comme s’il était le spectateur de sa propre existence. À chaque fois qu’il semble reprendre pied, avoir un regain de vie quelconque, quelque chose lui arrive et le replonge dans le flou. Comme pour son personnage, Daniel Leblanc-Poirier provoque la déroute et la perplexité chez le lecteur. La réussite de ce roman réside dans l’ambiance parfaitement angoissante et le climat incertain qu’a su créer l’auteur et nous amène sans cesse à nous demander : où cela nous mène-t-il? Avec une finale en suspens qui nous laisse encore plus interdits, l’énigme est complète. Une intrigue enrobante, une ambiance hypnotique et paranoïaque, une œuvre fantastique forte.
La disparition des miroirs, de Daniel Leblanc-Poirier (2021), VLB éditeur, Montréal, 144 pages.
En bref…
Dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL), la pièce Rêve et folie, de Georg Trakl, sera présentée à la cinquième salle de la Place des Arts, du 25 au 27 septembre.
Georg Trakl était pharmacien soldat sur l’un des fronts les plus meurtriers de la Première Guerre mondiale. Il est aussi considéré comme le plus grand poète lyrique de langue allemande du XXe siècle. Il est décédé le 3 novembre 1914, à l’âge de 27 ans, d’une overdose de cocaïne. L’œuvre qu’il a léguée est brève, hors norme et extrême, inspirée par l’urgence de dire. Rongé par l’angoisse et la folie, Georg Trakl refuse le monde qui l’entoure, un monde qui sombre dans le chaos et la violence.
À la mise en scène, Brigitte Haentjens propose une exploration radicale et verticale de la pièce. Sébastien Ricard se retrouve seul sur scène pour donner vie aux mots de ce poète expressionniste tourmenté, accompagné par la musique de Roger Tailer-Craig et par les images du cinéaste Karl Lemieux à la vidéo.
Le festival en lui-même débute aujourd’hui, le vendredi 24 septembre, pour s’étirer jusqu’au dimanche 3 octobre. Plusieurs activités sont à surveiller. Vous voulez avoir plus de détails sur cette représentation et sur la programmation complète? C’est ici.