Trouver l’ailleurs et le soi
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Par : Johanne Mathieu
Est-il possible d’être soi et d’être un rêveur encore aujourd’hui, en sortant des sentiers battus, en confrontant l’idée préconçue que l’on se fait de la réussite et en se défaisant du moule social traditionnel dans lequel se fondent tant de gens? C’est dans cet esprit que Simon Nadeau nous présente L’Art de rater sa vie, paru aux Éditions du Boréal.
Las de voir cette dépendance que les siens et les autres autour de lui ont envers le téléviseur et la technologie, Mèche-au-Vent s’en va en révolution, rêvant d’une patrie de l’ailleurs. Il la réalisera à travers certains gestes – éteindre le téléviseur, ne pas posséder de téléphone portable ou d’ordinateur, se promener seul et sans but, ne travailler qu’à mi-temps – et une série d’écarts, pensés et voulus, avec son époque. Cette révolution se fera au prix de la réussite professionnelle, financière et sociale telle qu’on l’entend. Le lecteur découvrira que l’on peut rater sa vie avec art et qu’il existe plusieurs façons de réussir.
Roman? Récit? Essai? Quoi qu’il en soit, et comme le mentionne la quatrième de couverture, L’Art de rater sa vie est un « renversement des valeurs, une échappée du monde contemporain tel qu’il va. » Que faut-il à l’homme pour atteindre une véritable indépendance, une véritable liberté, lui qui s’astreint à une foule d’obligations, et lui qui est esclave de l’écran et de l’ordinateur? Et quelle place cela laisse-t-il au rêve?
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Mèche-au-Vent est un raté aux yeux du monde, mais c’est un artiste dans l’art de rater sa vie, car il décide de la vivre autrement, selon ses propres croyances, ses propres règles. Et dans cet art, se retrouvent son rêve, sa liberté et sa voie, qu’il découvrira entre autres par le biais de l’écriture. Mais cet art reste difficile. Mèche-au-Vent ne choisit pas la facilité, car être soi, c’est aller au-devant d’une grande solitude, mais durant ce combat, ce périple intérieur contre le monde extérieur, il rencontrera des êtres d’exception comme lui, comme le prince bouquiniste ou le petit bouddha sauvage.
Le roman de Simon Nadeau contient certes des longueurs, qui peuvent rendre plus difficile la lecture, mais cela ne nous fait pas perdre de vue l’essentiel de l’œuvre, au bout du compte. Le propos de l’auteur est sans contredit une invitation à devenir soi, à ne pas faire taire son moi intérieur. À attraper son destin sans le tenir en laisse et à faire rayonner sa singularité. C’est ainsi que s’ouvre à nous une œuvre sentie et riche de sens.
L’Art de rater sa vie, de Simon Nadeau (2018), Éditions du Boréal, Montréal, 280 pages.
Texte révisé par : Annie Simard