Un monde à réinventer
Par : Johanne Mathieu
Dans son tout dernier livre, Le Monastère buissonnier, Simon Nadeau propose une conception bien différente du monde tel qu’il est. Ce roman est paru aux Éditions Boréal.
De l’ancienne Assyrie jusqu’à la Gaspésie d’aujourd’hui, en passant par Montréal, le Japon, le Cameroun ou l’Inde, Simon Nadeau imagine des vies autres qu’ordinaires, des compagnonnages libres, des solitudes amies, d’ardents nids spirituels, des communautés spontanées, à l’idéal fervent. À travers différents temps et lieux, une rumeur urbaine court : celle d’un monde à réinventer.
L’auteur nous offre un roman aux allures romanesques et poétiques, entre les Mille et une nuits et le conte philosophique. Un baume contre « l’air du temps », bien loin du monde d’aujourd’hui, avec ses écrans et ses jeunes loups cravatés. Et si on pouvait repenser le monde tel qu’on le connaît? C’est ce que font les personnages imaginés par Simon Nadeau. Atsumi, Nembo, Ramlochan ou Audrey… Leurs histoires se succèdent, au fil des pages. Elles sont toutes reliées entre elles par un autre personnage, La-Mèche-Noire, un conteur flamboyant, guidé par l’ardeur et l’imagination.
Le monde est lourd, le monde t’oppresse, te donne des buts qui ne sont pas les tiens – à toi d’être plus créateur que le monde.
Peu importe le pays ou l’époque, les protagonistes passent à travers les mailles du conformisme. Ils progressent sur le chemin de la liberté, de la vérité et de la petite voix intérieure. Pour eux, l’univers est trop vaste pour se soumettre à une seule et unique règle : « […] il y a deux chemins que l’on peut suivre, les pensées tristes et celles qui nous rendent joyeux ». Ils créent ainsi un nouveau monde, où la littérature, la philosophie, « l’espace au-dessus du cœur », l’intérieur, mais aussi le fait de transmettre et de partager sont des richesses. Chacun à leur manière, ils trouvent de nouvelles façons de désirer, de rêver, de penser. Ils trouvent un ailleurs. Cet ailleurs, c’est l’idée du monastère buissonnier, un monastère libéré de ses chaînes, où émergent une communauté et un idéal de vie.
L’auteur aborde la question du sort de l’esprit et de la culture à notre époque. Il engage une réflexion et bouscule nos croyances sur ce qui est censé nous libérer, mais finit plutôt par nous asservir : tous ces écrans, ces réseaux, ces images. Tout ce train-train quotidien qui nous prive de nous-mêmes et de notre imagination. Un roman introspectif, un roman de l’intérieur, sur la dépendance, l’essence propre, l’oubli de soi, l’émerveillement, la liberté, sur une façon plus personnelle de concevoir notre existence. Comme avec son précédent livre, L’art de rater sa vie, Simon Nadeau demeure dans des thèmes qui lui sont chers. Un roman éclatant et inspirant.
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La chronique littéraire : L’art de rater sa vie
Le Monastère buissonnier, de Simon Nadeau (2022), Éditions Boréal, Montréal, 304 pages.