Changer de plan
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Par : Johanne Mathieu
Dans cette chronique littéraire, la conclusion de Rentrer son ventre et sourire nous est proposée par l’auteure Laurence Beaudoin-Masse, livre publié chez les Éditions de la Bagnole (Collection Jeune ADULTE). Suite – et fin – douce-amère de ce roman portant sur la relation au corps et à l’image, et qui nous fait replonger dans l’univers fascinant des influenceurs.
Élie poursuit son ascension dans l’univers merveilleux des influenceurs et elle connaît le succès, le tout entre une recette de lait d’avoine et la maîtrise de l’art de se prendre en photo dans les miroirs. La jeune femme est une inspiration pour les centaines de milliers d’abonnées qui la suivent assidûment. Elle fait aussi l’envie de toutes, elle qui partage son quotidien avec le chanteur Samuel Vanasse. Malgré ce succès obtenu, elle n’arrive tout simplement pas à être pleinement heureuse et souhaiterait davantage écouter son cœur. Mais plus Élie essaie de garder le contrôle de sa vie, plus elle le perd : son père connaît des ennuis de santé, elle ne demeure pas insensible au charme énigmatique de Dave et la pression à laquelle elle se soumet régulièrement ne fait que s’accentuer… Que fera la jeune femme pour reprendre le contrôle de sa destinée?
Ado, je n’en pouvais plus d’être décevante, invisible. J’aurais changé de place avec n’importe qui.
Et le pire, c’est que j’ai réussi. Et on m’a aimée comme ça, nouvelle, transformée.
D’Élizabeth, je suis devenue Élie.
Dans ce deuxième et dernier tome de Rentrer son ventre et sourire, les lecteurs renoueront avec le personnage attachant d’Élie, toujours en quête de la réussite tant rêvée, de nouveaux abonnés et de nouveaux projets, mais aussi toujours – et de plus en plus – en quête d’authenticité, de sa propre vérité… toujours en quête d’elle-même. Mais le jeu des apparences et de l’image est souvent le plus fort, et la jeune femme découvrira que le moindre détail de sa vie doit être pensé et planifié. Et dans cet univers des influenceurs dans lequel elle a choisi d’évoluer, être soi est beaucoup plus difficile qu’elle le voudrait. Quelle est la limite entre s’aimer soi-même et être aimée? Pour Élie, s’aimer soi-même commence par aimer ce corps qu’elle a forgé, à coup de renonciations, et dont elle est si fière. Même si elle est de moins en moins à l’aise dans le rôle dans lequel elle se conforte, celle-ci s’acharne à se montrer à la hauteur. À la hauteur de ses milliers d’abonnées, de Sam, de Dave, mais surtout de son père, ce père dont elle a toujours voulu faire la fierté, ce père qui est maintenant malade.
Encore une fois, l’auteure place l’image corporelle et la recherche de sa perfection au centre de sa thématique, à laquelle se greffent d’autres sujets : les troubles alimentaires et leurs effets dévastateurs, le besoin de faire l’unanimité, l’atteinte d’un idéal, l’amour et l’estime de soi, le désir de plaire versus le risque de déplaire, la rivalité féminine. Deux autres thèmes occupent d’autre part une place importante. Laurence Beaudoin-Masse continue de démontrer la force positive des médias sociaux, qui peuvent être source de réussite et de motivation, mais aussi le côté malsain de ceux-ci, alors que l’on peut briller durant un instant et voir tout s’effondrer l’instant d’après. Elle aborde aussi le deuil sous différents angles : deuil d’une relation, d’un être cher, d’un idéal. Elle lève notamment le voile sur la relation souvent dure et inflexible entre Élie et son père, qui ne laisse pas place qu’à des souvenirs heureux pour celle-ci. L’auteure nous montre finalement qu’à défaut d’atteindre le bonheur et l’idéal tant souhaités, il faut parfois changer de direction, seulement changer de plan. Tout comme le premier tome, l’auteure a réservé quelques surprises pour clore l’histoire d’Élie, et pas des moindres. Un roman très actuel, plein d’authenticité.
Pour relire le résumé et la critique du tome 1 de Rentrer son ventre et sourire, c’est ici.
Rentrer son ventre et sourire, la suite, de Laurence Beaudoin-Masse (2021), Éditions de la Bagnole, Collection Jeune adulte, 336 pages.