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La femme qui fuit au TNM

Magistrale adaptation du roman

TNM
Crédit photo : Yves Renaud

Par : Marie-Christine Jeanty 

La Femme qui fuit, le roman biographique d’Anaïs Barbeau‑Lavalette (2015), a bouleversé des dizaines de milliers de lectrices et de lecteurs. Pour porter à la scène cette histoire singulière de la grand-mère maternelle de l’autrice, l’artiste Suzanne Meloche, Lorraine Pintal a fait appel à la metteuse en scène Alexia Bürger et l’autrice Sarah Berthiaume. Cette oeuvre qui embrasse les blessures intimes, les fulgurances artistiques et les gestes radicaux d’une femme intimement liée aux artistes du Refus global a été adaptée magistralement pour la scène.

La partition fluide de Sarah Berthiaume condense avec intensité le récit d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Avec une foisonnante distribution de 19 interprètes, dont Catherine De Léan dans le rôle de la femme qui cherche, Alexia Bürger a réussi le pari à la fois audacieux et ambitieux afin que les corps transforment la scène du TNM en un vaste tableau automatiste, continuellement changeant, perpétuellement éphémère. La scénographie signée par Simon Guilbault de haute qualité complète efficacement la mise en scène et est rehaussée magnifiquement par les éclairages de Martin Labrecque, sans oublier les éblouissants costumes de Julie Charland. L’ensemble est un ravissement pour le public.

La femme qui fuit
Crédit photo : Yves Renaud

Dans le rôle de la narratrice, crucial tout en étant ingrat, puisque toujours en marge de l’action, Catherine De Léan fait preuve paradoxalement à la fois d’assurance et de réserve. Elle ajoute de la lumière à ce bouleversant récit de Suzanne Meloche certes mais aussi de cette lignée de femmes.  Les membres de la distribution ne personnifient pas les protagonistes, ils portent leur voix, s’assurent que leurs histoires traversent les époques. Devant cet ensemble de 17 voix, de 17 corps, parmi lesquels ceux de trois danseurs fabuleux, le public est charmé d’autant plus que la langue est si riche et vivante. Les mots de Suzanne Meloche résonnent à travers six comédiennes d’exception : Justine Grégoire (en alternance avec Agathe Ledoux), Anna Sanchez, Zoé Tremblay-Bianco, Éveline Gélinas, Marie-France Lambert et Louise Laprade.

Cette adaptation théâtrale arrive à survoler une époque riche en un acte d’un peu mois de 90 minutes. La filiation, la quête de liberté sont parmi les thèmes qui m’habitent encore. Disons-le, cette pièce panse certaines blessures de nos grands-mères. La distribution, quant à elle, nourrit le rêve d’une scène théâtrale québécoise plus inclusive. Avec cette pièce, le public montréalais est convié à un spectacle choral qui crée un véritable tableau vivant, d’une beauté inouïe et si bouleversant. La pièce est présentée jusqu’au 11 octobre.