Lysis : continuer entre l’ancien et le nouveau monde au TNM
Par : Annie Dubé
Voilà une pièce qui a un pied dans la révolution et un autre dans l’éternel recommencement de la lutte des femmes : Lysis. C’est aussi le prénom du personnage central de cette œuvre.
Lysis profite d’un momentum d’usure des pouvoirs du boys’ club d’une puissante compagnie pharmaceutique où elle travaille comme chercheuse et qui traite l’infertilité par un médicament qui affecte la santé mentale des femmes. Elle coule au grand jour l’information et revendique, avec ses sœurs de combat, une grève de la natalité, et ce tant que les femmes ne seront pas traitées avec équité et respect. Inspirée par les mythes et la vie contemporaine, on est dans un univers à la fois parallèle et qui nous ressemble.
C’est d’un rire grinçant que le public reçoit des tonnes de répliques de sexisme ordinaire, le genre qui ne fait que mal paraître ceux qui les prononcent avec mépris. Un feu s’allume en nous : ce n’est pas que du théâtre, c’est l’histoire du monde, surtout du nôtre.
Cette pièce, avec une large distribution talentueuse, porte à bout de bras le texte des autrices Fanny Britt et Alexia Bürger, dans une mise en scène de Lorraine Pintal. Les actrices sont particulièrement inspirantes dans leurs représentations diverses de femmes alliées au combat, mais la question est : est-ce que la sororité peut sauver le monde?
Est-ce que les femmes seront, après tout, les plus grandes sacrifiées lors de cette lutte pour l’avenir d’enfants qui ne doivent plus naître avant que tout soit mieux?
Entre mouvement et stagnation
La mise en scène, avec son rythme dynamique et ses déplacements chorégraphiés, offre des moments puissants, mais aussi des évocations symboliques avec projections numériques sur la scène pour nous transporter au cœur d’un mouvement populaire viral, mais qui rappellent parfois une danse de ralliement de Power Rangers. On n’y croit moins, dans ce temps-là.
D’autres fois, elles sont déterminées, nous soulèvent; touchantes, choquantes, uniques. On est traversés par des chants en chœurs, qui rappellent le théâtre antique, et des musiciennes aux airs rock sur la scène qui rythment de manière intéressante l’action – on est quelque part entre le début des temps et demain.
On s’amuse, on approuve, on n’est pas sûr. Un mélange de toutes sortes. De tout pour faire un monde, en somme.
C’est un propos et une réflexion qui valent la peine d’être explorés, et qui inspirent occasionnellement la force de la révolution en nous, pour une équité qui ne vient pas facilement. La fin m’a cependant laissée confuse et dubitative. Possiblement triste. C’est probablement voulu, il ne faut pas tomber dans la science-fiction d’une révolution éternelle et rassurante, après tout. Il faudra travailler avec la société qui nous maintient dans le statu quo et la transformer en boucles infinies de répétition.
L’histoire et la naissance du monde
Peut-être qu’au final, à travers ce mouvement social imaginaire, mais proche de ce qui habite plusieurs femmes ordinaires du vrai monde, chaque femme trouvera son destin personnel, parfois heureux, parfois tragique. C’est l’histoire du monde. Des hommes comme des femmes, et de la résistance qui appartient à chacun d’eux pour un monde un peu meilleur pour soi et les autres, si possible.
Faut-il baisser les bras, avant de les relever, et recommencer à chaque génération? Peut-être que oui, peut-être que non. C’est une lutte et une pièce qui ne finissent pas.
Lysis est une création qui ne donne ni n’enlève l’espoir, ce qui est probablement sage, possiblement décourageant, mais soutenue par d’excellents interprètes, dix-sept au total. Des hommes et femmes qui, par leur talent de jeu, nous frustrent, nous inspirent, nous rappellent le réel inventé par des pouvoirs, et qui nous font espérer s’élever ensemble… ou en solo. Elle est présentée au TNM jusqu’au 1er juin 2024
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