Les véritables désirs
Par : Marie-Claude Lessard
Remporter un gros montant à la loterie… Admettons-le, nous y avons tous espéré au moins une fois… Pouvoir enfin s’offrir des biens matériels dispendieux tant convoités…Une Porsche, une villa dans le Sud, des billets de saison des Canadiens dans une loge, payer des dettes, couvrir de cadeaux des êtres chers…Mais, au-delà de tout cela, est-ce que devenir millionnaire du jour au lendemain enjolive réellement une vie ? Voilà sur quoi se penche brillamment la pièce La liste de mes envies, présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 12 novembre. Adaptée du roman à succès de Grégoire Delacourt, l’œuvre, à travers un savoureux mélange de rires et de larmes, soulève des enjeux moraux fort fascinants sans toutefois les explorer pleinement.
Mis en scène par la comédienne Marie-Thérèse Fortin et traduit par Maryse Warda, le spectacle suit le quotidien de Jocelyne Guénette (Marie-Chantal Perron), propriétaire de la boutique de tissus et de boutons Le fil d’Ariane et rédactrice d’un blogue de plus en plus populaire. À 47 ans, Jocelyne est mariée depuis 21 ans à Jocelyn (Steve Laplante). Malgré le tempérament violent de ce dernier et un deuil déchirant, Jocelyne est heureuse avec lui et ses meilleures amies, les jumelles esthéticiennes Luce et Lucie (Tammy Verge et Anick Lemay). Son mode de vie modeste lui convient parfaitement, tellement que lorsqu’elle gagne 18 547 301 $, Jocelyne va chercher son chèque à la date limite et cache la grande nouvelle à ses proches. Inquiète que son existence tourne au cauchemar et que les gens qu’elle aime ne la perçoivent que comme un guichet automatique, elle dresse la liste de ses envies dans un journal afin de l’aider à prendre une décision éclairée.
La liste de mes envies comporte des moments hilarants (une soirée arrosée dans laquelle les protagonistes s’adonnent à une partie de karaoké), des scènes touchantes entre Jocelyne et son père victime d’un AVC (Marc Legault) et des monologues (ceux de Jocelyne) qui favorise une certaine prise de conscience. Malgré un début plutôt lent, les 90 minutes que dure la pièce passent vite, en partie grâce aux performances inspirées de toute la distribution que Marie-Thérèse Fortin a dirigée avec brio. Marie-Chantal Perron était la personne toute désignée pour incarner le rôle principal. Humaine et chaleureuse, elle nous fait croire que le bonheur réside dans les petites choses et que la bonté du cœur prime sur tout le reste. Lors des quinze dernières minutes de la pièce, elle est tout simplement renversante. À ses côtés, en époux déprimé qui réalise trop tard la chance qu’il possédait, Steve Laplante propose un jeu parfaitement nuancé. Se chargeant de la portion comique du spectacle, Anick Lemay et Tammy Verge se débrouillent très bien d’affaire, évitant le cabotinage la plupart du temps. Avec ses grimaces et ses jeux de mots surprenants, Verge donne droit à de francs éclats de rire.
Or, il aurait été intéressant de plonger plus philosophiquement dans le dilemme de Jocelyne. La pièce ouvre la porte sur une panoplie d’interrogations existentielles intéressantes, mais se contente malheureusement d’explorer des avenues que l’on connaît déjà par cœur. L’argent ne doit pas nous changer. L’argent n’achète pas le véritable bonheur. L’argent ne nous apporte pas une passion ou l’amour. L’argent fait ressortir le pire de nous. Certes, mais encore ? Les réflexions manquent hélas de profondeur. On aurait voulu être davantage secoué par la proposition. Ceci dit, La liste de mes envies remplit amplement sa mission de divertir. Mettant en lumière des personnages infiniment attachants, elle constitue un réjouissant feel good théâtre qui saura plaire à un large public. Par contre, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle possède le potentiel pour être un tantinet plus mémorable.
La liste de mes envies est à l’affiche à Montréal jusqu’au 12 novembre. Elle prendra d’assaut tout le Québec dès le 13 novembre. Vous pouvez vous procurer des billets dès maintenant sur le site Internet.
Texte révisé par : Ho-Chi Tsui