La Virée classique OSM : une grande occasion à petit prix
Par : Annie Dubé
Rafael Payare et son orchestre nous ont servi cinq petites bouchées délicieuses dans le cadre de La Virée classique OSM à la Maison Symphonique, lors du concert Rhapsodie américaine : du folklore à la légende.
Il n’y a pas à dire : Montréal aime le maestro de son orchestre symphonique, et à le voir se mouvoir comme un Arlequin baroque, on comprend d’où vient la fraîcheur de son charme. Je dirais même qu’il y a un petit côté punk qui s’ajoute aux œuvres par ses mouvements énergétiques.
Cet événement est passé comme un coup de vent et les bas prix des sièges ont fait le bonheur de ceux qui n’ont peut-être pas la chance d’y aller très souvent.
Légendes, op. 76 de Jacques Hétu
Tout débute avec les pièces de Légendes, op. 76, du compositeur québécois Jacques Hétu. Alexis le trotteur part le bal, avec sa légèreté rebondissant dans un crescendo d’intensité féérique. Une aventure pour toute la salle se met en branle ! Les trompettes annoncent un grand départ vers la conquête des légendes du Québec, et non les moindres. On se croirait dans un générique de téléséries d’antan, dans le temps où la télévision était une odyssée pour découvrir le monde.
C’est ensuite Le diable au bal qui apparait comme une nuée de calme, le temps de se recentrer, et hop! Ça repart, et on s’emporte à nouveau dans des virevoltes délicates. On semble être les passagers d’un manège de cirque qui bouscule pour prendre encore plus de galon, on passe d’un état intérieur de lucioles à celui d’une fanfare d’éléphants.
Puis, les clochettes serpentines viennent à nous, nous sommes à bord de La chasse-galerie, possiblement la première compagnie aérienne dans l’imaginaire collectif québécois… Les archets semblent se déchaîner sur les cordes des violons, les percussions résonnent, les flûtes nous chatouillent les oreilles : cette grande puissance du vestige orchestral épique nous prend de court; est-ce que les violonistes vont se dévisser l’épaule ? Un pas presque militaire avance vers nos tympans, victorieusement troubadours, les musiciens ne cessent de nous prendre par les sentiments. Puis, moment sombre… Pouf! La finale explose.
Voilà un espresso trois shots d’Amérique condensé en musique, qui nous remet sur le piton !
Rhapsody in Blue de George Gerswhin
Arrivée d’un grand piano à queue, juste à temps pour Rhapsody in Blue de Gerswhin, avec le pianiste Sergio Tiempo qui fait son entrée sur scène. Tout débute sensuellement. Est-ce que c’est du jazz ? De la musique d’ascenseur des années 80 ? On ne sait sur quel pied danser sur nos sièges. Puis, ça parait évident : le piano et l’orchestre jouent deux trames distinctes qui forment une symbiose puis se déconnectent, qui trouvent leur chemin vers l’autre, pour mieux repartir chacun de son bord. On y reconnait un certain enthousiasme américain, sommes-nous à Broadway, où sont les mains jazz vêtues de gants blancs? Non, c’est un gazou qui émerge ! Où sommes-nous donc ? Les nombreux changements de rythme nous perdent pour mieux nous retrouver en exaltation, tout s’entrecroise, c’est jouissif, décidément. Comme ils sont joueurs, ces musiciens ! Tout le monde s’amuse sur cette croisière d’un océan à l’autre. Est-ce un cabaret, un saltimbanque chic, un long solo de piano, une enveloppe musicale qui nous emporte comme la houle des vagues de l’océan et qui nous ramène sur la plage de galets? Ce sont toutes ces choses, pour moi du moins. Est-ce un souper à la chandelle ? Non, c’est un gâteau d’anniversaire, je pense. Je ne sais pas, mais j’aime ça. Mon voisin aussi. Et la femme qui bouge la tête devant nous. C’est définitivement une fête. Plus on souffle la flamme et plus elle s’allume en un feu de Bengale. Brièvement, la finale ne nous semble être rien de moins que pharaonique ! On a bien mangé, c’est le moins qu’on puisse dire.
Danzón nº 2 de Arturo Márquez
Mais il reste encore de la place pour le dessert, Danzón nº 2 de Márquez. Est-ce une salsa exotique ? Un tango ? C’est absolument un rythme de concours de danse en couple, ponctué de pas de géants aux sonorités graves; un air dramatique effervescent. Voilà que les musiciens grattent les cordes des violons du bout des doigts comme des guitaristes mexicains, on croirait halluciner des maracas. C’est une valse, peut-être ? Est-ce une valse collective sur l’air d’un drame podométrique ? On ne sait plus sur quelle oreille danser, c’est eux qui mènent le bal des rythmes et des volumes alternants.
C’est terminé. On a l’impression d’être enchantés et sans mots. Heureusement que nous avions pris des pages de notes. Ce sera à refaire l’an prochain.
Crédit photo de l’image de couverture : Antoine Saito
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