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L’Avare

La langue de Molière

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© Gunther Gamber

Par : Sébastien Bouthillier

À notre époque où les paradis fiscaux sont dénoncés, les thèmes abordés par Poquelin sont encore contemporains. À plus forte raison quand on mesure la réussite ou le bonheur par la quantité d’objets, neufs, luxueux ou design, possédés. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le niveau de vie au-dessus du nécessaire alimente le prestige supputé et la respectabilité apparente.

« Quand on a peur que les choses nous échappent, on essaie d’enfermer, on accumule pour se sécuriser », souligne Jean-François Casabone, qui incarne l’avare.

Jouant ainsi Harpagon, Casabone agit avec rapacité même envers ses enfants. Le père promet sa fille Élise (Laetitia Lambert) à un riche seigneur, trop vieux pour elle, parce qu’il accepte de l’épouser sans recevoir de dot. Il projette d’épouser une femme qui conviendrait mieux à son fils Cléante (Simon Beaulé-Bulman), mais il s’agit moins d’amour que d’acquérir la mainmise sur les biens de la promise.

Le quiproquo constitue la trame de l’Avare. Seul le spectateur connaît l’objet de la méprise, ce qui déclenche le rire du public, Molière dépeignant les travers de la société par la satire. Par exemple, l’avare Harpagon parle à Valère de son coffret bourré de dix mille livres, mais celui-ci lui parle de la femme qu’il convoite : Élise. Ils se comprennent pourtant, croyant parler de la même chose.

Sur le ton de la comédie, ses pièces critiquent les comportements de son époque. En 1668 paraît l’Avare, alors que Louis XIV accroît les impôts et que l’économie stagne, époque où les simples gens empruntent pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Molière dénonce l’usure, l’intérêt sur le prêt.

Si le ton est comique, la langue de Molière devient québécoise dans cette pièce mise en scène par Claude Poissant. La diction pointue s’estompe pour le plaisir d’entendre les alexandrins prononcés dans l’accent populaire d’ici. Une cloison placée sur la scène approche le jeu du public et, lorsqu’elle est levée, des cubes dorés symbolisant la richesse accumulée débordent de la profondeur.

Avec Shakespeare et Cervantes, pour Hamlet et Don Quichotte, Molière et son Avare se classent parmi les classiques du théâtre à voir. Joué depuis environ 350 ans, ce personnage mérite de l’être encore parce que les mêmes émotions transpirent du texte à travers les différentes époques : « Des pièces comme celles de Molière nous ramènent à ce qu’est l’homme depuis toujours et nous montrent l’essence même de notre race humaine », confie Gabriel Szabo, le valet de Cléante.

L’Avare, présenté au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 8 avril.

Crédit photo : Gunther Gamber

Texte révisé par : Annie Simard