Le Misanthrope : toutes les vérités sont-elles bonnes à dire?
Par : Annie Dubé
Le Théâtre du Nouveau Monde continue de remettre au goût du jour des classiques des grands maîtres de la dramaturgie, avec cette fois-ci un Misanthrope de Molière plutôt dépaysant! Cette pièce classique, mise en scène par Florent Siaud et dont le protagoniste, Alceste, est incarné par Francis Ducharme risque de vous offrir des moments épatants de fous rires. Rarement un personnage se voulant désagréable fut aussi attachant que ce misanthrope authentique, transposé dans un décor ultra luxueux et moderne.
Le texte original, avec ses vers et ses rimes qui défilent à toute vitesse, fait dire à notre oreille contemporaine qu’elle aimerait pouvoir savourer chacun des mots un peu plus lentement afin de ne rien manquer. Mais le texte défile comme les drames et rebondisements qui tombent sur les personnages de cette comédie indémodable. Un feu roulant qui ralentie légèrement vers la finale.
De grandes toiles représentant des peintures aux motifs animaliers divisent les actes, et elles se fondent sur elles-mêmes sont d’une immense beauté aux effets un peu psychotroniques, et contrastent lors de la levée du rideau avec le décor presque entièrement blanc, qui rappelle un chic penthouse surplombé d’un chandelier de verre gigantesque. On sent le privilège tout autour de ces gens mondains, qui circulent et gravitent autour d’un homme d’exception, qui se refuse à faire parler autre chose que la franchise radicale du cœur.
Un Misanthrope attachant
Le jeu des acteurs et la mise en scène sont parfois d’une magie hilarante incontestable. Certains moments de grande comédie sont si ingénieux et surprenants, on frôle le cabotinage pour cependant atteindre un moment d’extase où l’on pouffe de rire dans son siège, avec du mal à reprendre son souffle. Certains passages presque dignes d’une mauvaise comédie musicale d’il y a quelques siècles sont d’un génie comique des plus modernes.
Tout au long de la quête entre vérité et diplomatie, le look immaculé de la scène en prend pour son rhume ainsi que ses personnages, qui ne cessent de se salir et de se rouler dans la bouette. A contrario, tout le monde semble se pointer en visite en apportant d’immenses bouquets de fleurs comme cadeau pour l’hôte. Cette tension entre fleurs et pots demeure tout au long, mais le Misanthrope nous emporte avec lui dans sa désillusion au sujet des hommes et des femmes de son époque, mais aussi à son propre sujet.
Des préoccupations intemporelles et humaines, de Molière à notre époque
Malgré son éthique inflexible, le protagoniste ne peut lutter contre les désirs de son cœur envers des êtres qui ne partagent pas son éthique de franchise à tout prix. Entre jalousie et fidélité, compliments et critiques, nous n’avons pas le choix de nous demander en voyant cette pièce de quel côté notre cœur de spectateur penche.Pour le découvrir, il n’y a pas de formule magique : il faut voir la pièce.
Certaines projections aux murs sont toutefois demeurées absolument cryptiques dans l’esprit de la journaliste, mais on oublie vite ces mystères facultatifs, bien trop occupés à sourire dès qu’Oronte (Dany Boudreault) apparait avec ses tatouages lyriques inoubliables pour leur part.
Voilà donc une pièce imparfaite (la perfection n’est pas de ce monde!) mais qui vaut le déplacement. D’une durée d’un peu moins de deux heures, elle est présentée au TNM jusqu’au 10 février 2024, avec une supplémentaire le dimanche 11 février. Pour des places, visitez le site Web du Théâtre du Nouveau Monde.
Mise en scène : Florent Siaud
Distribution : Alex Bergeron, Dany Boudreault, Francis Ducharme, Matthias Lefèvre, Mélodie Lupien, Iannicki N’Doua, Alice Pascual, Evelyne Rompré, Dominick Rustam, Mounia Zahzam
Crédit photo de couverture : Yves Renaud
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