Vivre entre le beige et le coloré
Par : Annie Dubé
La pièce Le show beige, tant attendue à La Licorne et signée par l’autrice de talent Camille Giguère-Côté, a fait grand bruit dans les médias, et elle est finalement arrivée sur les planches ! Ce spectacle est comme un bon cornet de crème glacée : rafraîchissant. Avec une mise en scène par Pascale Renaud-Hébert, on découvre dans cette œuvre une saveur plutôt originale et familière à la fois, qui change le mal de place pour le laisser derrière nous quand le rideau tombe.
Cornet à la vanille, au chocolat et au feu
Bien que lors des premières minutes, le public s’esclaffait déjà, c’est en plongeant plus profondément dans le déroulement de cette série de scénettes que j’ai apprécié le texte et le jeu des jeunes comédiens vêtus en maillots de bain de sirène à paillettes. J’ai d’abord été peu remuée par l’usage de mots d’église pour puncher des blagues ; non pas que ça me choque, au contraire, mais je suis si habituée aux sacres dans ma propre tête que je n’étais pas du tout dépaysée par l’audace. Ça me semblait un peu facile et trop familier avec ma propre narration de vie, peut-être ?
Mais à force de découvrir l’absurde imagination qui constitue l’œuvre, là j’ai fini par être prise de nombreux fous rires, en plus de trouver de la substance à illustration de la performance de nos propres vies, qui paraissent vouloir combler le vide et fuir toute banalité, dans nos mondes trop instagrammés au bord d’une piscine hors-terre l’été.
Rires et délires
Les hilarants comédiens (Ariel Charest, Benoît Drouin-Germain, Irdens Exantus, Simon Lacroix, Raphaëlle Lalande) réussissent à nous amener dans ce petit délire tranquille qui émane de nos existences follement ordinaires. Avec l’ambiance rocambolesque de la scénographie festive, et cette immense glissade sur scène, on est dans le trop gros, et c’est très bien. Malgré une ou deux scènes moins percutantes comme celle d’une magicienne en déprime qui coulait moins avec l’ensemble, la folie déjantée et cacophonique nous porte du début à la fin, comme une croisière sur un paquebot gonflable avec une tête de licorne comme ancre. Coup de cœur pour l’interprétation particulièrement intense d’Ariel Charest, parmi ce lot de talents en herbes. À elle seule, la moitié des bouffées de rires dans nos gorges.
C’est un spectacle un peu étrange, dans le bon sens. Plutôt jeune et entre les marges de ses propres limites, c’est une pépitte que beaucoup de jeunes gens apprécieront particulièrement, par son message sur la pression du bonheur éclatant à tout prix et ses codes. Une belle dose d’absurde s’y trouve pour mieux vivre nos vies plates : voilà qui fait toujours du bien. Parce qu’on se demande souvent comment ça va, sans vraiment se demander comment ça va, voilà un théâtre qui fait du bien et on en ressort en se sentant plutôt allégé. Comme un gros rêve un peu stupide, on aime bien y repenser après.
Pour voir cette pièce unique présentée avec des supplémentaires jusqu’au 5 mars, visitez le site web de La Licorne.
Crédit de couverture : Suzane O’Neill
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