La violence comme fil narrateur
Le mercredi 30 novembre a eu lieu la première médiatique de la pièce Le virus et la proie de Pierre Lefebvre, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
La pièce est une création du Nouveau Théâtre expérimental, en coproduction avec le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, le Festival TransAmériques et le Théâtre français du Centre national des Arts.
L’oeuvre est un comme une lettre ouverte qui dénonce une longue liste de problèmes sociaux, d’injustices, d’émotions ressenties par ceux et celles qui ne sont pas en haut de la chaîne alimentaire capitaliste.
Avec comme idée narratrice la violence, les interprètes s’entrelacent dans des monologues pour décrire comment ils et elles expérimentent les différentes formes de violence, soit sociale, financière, bureaucratique, etc. Ils exposent les sources de cette violence qui les ronge de l’intérieur.
Pendant une heure et demie, les quatre comédiens Tania Kontoyanni, Alexis Martin, Ève Pressault et Madani Tall, délivrent leurs lignes avec talent, s’adressant à un « monsieur » qui n’est pas là pour répondre à leurs critiques.
Une longue plainte chargée
La pièce semble être une longue tirade de critiques et de plaintes qui dénoncent les mécanismes politiques et sociaux qui créent des divisions, des espaces, des animosités entres les humains.
La structure est celle d’une plainte collective – mais individuelle puisque chaque personnage a une expérience unique des autres – contre le « monsieur » qui représente la figure floue d’une personne qui est identifiée comme les électeurs des partis qui cherchent à maintenir les violences dénoncées en place.
Ce monsieur en question est à la fois une figure pas définie, et pourtant, tous les membres de l’audience ont quelqu’un en tête lorsqu’il est décrit.
C’est une œuvre qui s’adresse à ceux qui votent pour des partis – et les membres du parti en tant que tel – qui ne veulent pas améliorer la situation présente, où la misère sociale est le statu quo pour la majorité des citoyens.
La quantité d’éléments qui sont présentés comme dysfonctionnels entre les quatre monologues s’accumulent et finissent par peindre un tableau de la société « civilisée » qui n’est que misère et malheurs.
Et après?
Les gens dans la salle riaient de façon complice par moments, faisaient des sons en accord lorsqu’ils devaient s’offusquer des descriptions des peines vécues.
Essentiellement, l’œuvre cherche à dénoncer l’étendue de notre attitude passive face aux décisions prises par « les gros qui grignotent les petits » en spécifiant que ce n’est notre faute, aux « petits, » mais bien le résultat de comment la société est structurée.
À force de « faire comme il faut » on se défait de son humanité, on se transforme en masse molle, liquéfiée pour devenir malléable et pouvoir assouvir les moindres besoins des entreprises.
Lorsqu’on ressort sur la rue Saint-Denis après avoir assisté à la représentation, il semble que rien n’est bien dans notre société. La question se pose alors, qu’est-ce que la pièce cherche à accomplir?
On se dit que ce sont des critiques légitimes, mais ça aboutit à quoi, après tout ça?
Le « monsieur » qui est critiqué, est-ce qu’il assiste aux œuvres de théâtre?
Le titre de l’oeuvre, l’idée du virus et de la proie, est mentionné brièvement vers la fin de l’oeuvre. La proie se questionne si devenir virus – comme celui qui le guette – pour combattre l’injustice, en vaut la peine. L’idée de « crosser l’autre pour pas qu’il nous crosse nous » est introduite, illustrant le débat éthique interne des personnages qui ne veulent pas devenir le « monsieur, » mais qui sont jaloux de sa paix d’esprit.
La pièce est présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 2 décembre.
Photo de couverture : Marlène Gélineau Payette
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