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Les Gars du Nord : un vent de nostalgie et de fête avec Les Années Tranquilles

Entretien avec Wilfred LeBouthillier et Maxime McGraw sur les couleurs musicales de Les Années Tranquilles

Les Gars du Nord
Crédit photo : Photo officielle

Par : Ariane Monzerolle

Cette semaine, le groupe Les Gars du Nord a sorti son nouvel album Les Années Tranquilles, disponible sur toutes les plateformes et chez les détaillants depuis le vendredi 28 mars 2025. L’album nous plonge dans un univers narratif où l’on découvre et redécouvre des histoires 100 % acadiennes, le tout parsemé de touches de trad et de musique celtique. Le groupe Les Gars du Nord récidive avec un album à la fois festif et nostalgique.

J’ai d’ailleurs eu la chance de m’entretenir avec les membres Wilfred LeBouthillier et Maxime McGraw cette semaine pour parler de la sortie de leur nouvel album Les Années Tranquilles. On a pu discuter plus en profondeur des styles musicaux qui habitent le groupe, mais aussi de qui sont réellement Les Gars du Nord.


Question : En 2022, il y a trois personnes qui se sont ajoutées au groupe pour remplacer d’autres personnes qui étaient parties.  J’imagine qu’avec l’arrivée de ces personnes ça a un peu modifié le son, et ces personnes ont dû amener leur propre couleur?

Wilfred LeBouthillier : Ouais, en fait ça a tout changé. Avant ça, on n’était plus acoustique. Puis avec l’arrivée de ces trois membres,nous sommes devenus full band. C’est vraiment arrivé comme dans un bon temps parce qu’avant la séparation du band, on avait une ligne d’où qu’on voulait partir qui était plus country, mais on voulait apporter une petite touche celtique à tout ça. Puis on avait fait une première chanson qui a été notre premier extrait qui s’appelle Les hardes cirées.

À la sortie de cette chanson, on n’était pas encore full band avec les musiciens qu’on est là actuellement. Mais on savait déjà que c’était dans cette direction-là qu’on voulait partir. Avec l’ajout de ces musiciens, ça tombait qu’il y avait un gars qui s’appelle Nicolas Basque. Lui, c’est le celtique du groupe. C’était vraiment sa tasse de thé, ça l’a vraiment parfaitement tombé. C’est un country, mais il y a comme des influences vraiment celtiques à notre musique. Et ces influences font en sorte que c’est ça qui nous différencie!

Les Années Tranquilles
Crédit photo : Photo officielle

Question : Justement pour notre lectorat qui serait peut-être plus c’est quoi le « celtique », comment vous décririez ce style musical?

Maxime McGraw : En fait, la musique celtique vient déjà de l’Irlande, c’est de là où ça part. C’est une musique qui est souvent adjacente à la musique marine. Puis c’est raconté beaucoup dans nos histoires, l’espèce d’aspect marin. Mais la musique celtique vient avec une énergie quand même particulière à elle. C’est une façon de jouer les instruments qui vont coller à du celtique. C’est une musique qui rejoint quand même énormément le traditionnel de chez nous (l’Acadie) et qui se marie bien avec tout ça.

Wilfred LeBouthillier :  On voulait aussi que Les Gars du Nord apportent une touche qui soit représentative de notre région. Puis moi, Maxime (McGraw) et Nicolas (Basque), on est trois gars qui viennent de la Péninsule acadienne. Et la Péninsule acadienne, on est beaucoup métissés avec des Irlandais. Cette musique-là, quelque part coule dans nos veines. Tu sais chez nous, on a plein de Ferguson, des Richardson, des McGraw, Maxime par exemple. Moi, mon arrière-grand-père est un McMahen. Donc, je dis tout le temps que les Acadiens, on est les seuls à avoir réussi à assimiler des Anglais (rires!). Aujourd’hui, tous ces Irish-là parlent en français. Puis cette touche-là fait partie de la couleur des Gars du Nord, et on veut vraiment que le groupe soit ancré dans nos racines, dans nos origines. C’est aussi pour ça qu’il n’y a pas de camouflage d’accent. On chante ces chansons-là de la manière qu’on parle et sans emprunter un accent qui n’est pas le nôtre.

Question : Mais c’est ça, je trouve ça intéressant parce que dernièrement, je parlais avec Jacques Surette, qui a reçu le prix Edith-Butler au Gala de la SPACQ. On parlait de la fierté acadienne justement de vouloir parler avec son accent, de l’assumer, le normaliser aussi. Cet accent-là qui est très propre à lui-même. Est-ce qu’il y a cette volonté-là aussi dans votre groupe ou vous vous n’êtes même pas posé cette question-là ? C’était juste comme évident?

Wilfred LeBouthillier : Non, mais ce n’est même pas pour le normaliser, c’est juste pour être nous-mêmes. C’est nous autres, on est ça. Je pense qu’il faut être authentique, puis c’est en étant authentique que de toute façon tu apportes une couleur qui est différente des autres, parce que tu es différent. Si tu tombes dans le cliché de faire comme les autres, tu ne vas pas te démarquer. J’ai comme l’impression qu’avec notre groupe, cette couleur-là nous aide beaucoup à nous démarquer.

Question :  Votre groupe s’inspire de plusieurs styles, on est à la fois dans la musique trad, dans le country, dans le bluegrass, mais aussi le celtique. Pourquoi c’est important d’avoir un ADN aussi riche dans la musique que vous présentez et de pas simplement vous cantonner à un style? Surtout qu’aujourd’hui la musique trad, j’ai l’impression qu’il y en a de toutes les couleurs, de toutes les saveurs. Pourquoi avoir décidé de faire ce mélange-là et puis est-ce que vous vous arrêtez seulement à ce mélange-là ou vous permettriez d’aller faire du jazz ou du rock, si c’est quelque chose qui vous intéresserait aussi?

Maxime McGraw : Bien je pense que ça vient naturellement, en étant sept dans le band avec sept différentes couleurs, on arrive avec beaucoup de bagages. C’est aussi un peu l’identité qu’on a voulu créer, déjà avec notre style musical. Dans la création, on a une idée d’où on veut amener le produit. On ne s’arrête pas à penser à ce qui pourrait fonctionner, on fait ce qu’on a envie de faire puis on fait ce qu’on trouve qui nous plaît à nous autres, et ça amène indirectement au produit final qu’on a aujourd’hui.

Les Gars du Nord Acadie
Crédit photo : Photo officielle

Question : Je trouve ça intéressant parce que justement j’ai l’impression que la musique trad aujourd’hui revient un peu avec une nostalgie. On a une grande nostalgie du passé, de comment on est arrivé ici. Pourquoi vous embrassez cette nostalgie-là? Puis est-ce que la musique trad, justement c’était le filon vers lequel vous vous êtes tourné pour embrasser ça ou ça s’est juste fait naturellement. Je sais que vous avez déjà parlé de l’esthétique du passé qui était un élément assez important, mais pourquoi?

Wilfred LeBouthillier : Je te dirais que c’est vraiment parti avec la tournée du temps des Fêtes. La tournée du temps des Fêtes, on s’est rendu compte que les gens qui venaient voir nos spectacles aimaient beaucoup les histoires qu’on racontait dans les chansons, qui étaient des histoires qui avaient rapport à des Noël d’antan. C’était même avant qu’on commence à composer nos propres chansons. Comment nous autres on avait vécu ça? Comment nos grands-parents avaient vécu ça?

On se faisait beaucoup dire, suite au spectacle, que ça leur faisait du bien de retourner dans le passé, pour reconnecter avec le temps des Fêtes. Un show des Gars du Nord aidait à ravigoter les gens avec la magie du temps des Fêtes. Ça nous a donné vraiment comme un filon à ce moment-là. On va essayer d’écrire des textes dans le même genre des histoires qu’on raconte.

Le trad c’est dans la musique, mais c’est aussi dans ce que ça raconte. Le trad c’est souvent typique à raconter des histoires régionales et d’apporter des couleurs de la région à travers les chansons. Le premier album qu’on a fait qui n’était pas un album du temps des Fêtes, c’était de faire la suite logique de tout ça, de faire le pont. Le groupe Les Gars du Nord, c’est les gars du nord, puis c’est ce qu’ils racontent, c’est ce qu’ils véhiculent comme message. Malgré qu’on arrivait avec un full band qui allait apporter beaucoup plus de couleurs musicales, mais reste que la base reste ce qu’elle est au niveau des valeurs familiales, puis au niveau des valeurs traditionnelles.

Pour nous, cette couleur-là est vraiment importante. On est reconnaissants de ce que les gens nous ont raconté après nos spectacles. De voir, à quel point, que ça leur faisait du bien cet espace-temps qu’on leur accordait. Au moment qu’ils s’assoient dans une salle de spectacle, ils étaient capables de voyager et de revivre des choses qu’ils avaient déjà vécu ou qu’ils avaient entendu parler leurs parents ou leurs grands-parents.

À quelque part, ça leur faisait du bien de se regrounder avec nous autres. Tu sais, ça fait du bien aussi comme musicien d’entendre des choses comme ça parce que tu veux faire de la musique pour t’amuser, mais tu veux aussi faire de la musique pour toucher les gens. Et savoir qu’on avait réussi à toucher les gens à ce point-là. Ben pour nous autres, ça nous a donné aussi de dire : « OK, nous autres Les Gars du Nord, c’est ça qu’on est. On est une gang qui part en autobus et qui se promène de ville en ville, de village en village pour aller en mission et faire voyager les gens à travers des émotions qu’ils ont déjà vécues dans le passé. Et pour le temps qu’on est là, on va faire comme si le passé est le présent. »

Question : J’aime l’idée de dire aussi qu’un spectacle, un concert c’est vraiment une expérience précise dans le temps. Un peu comme si c’était un party de famille chaque soir. Est-ce que c’est comme ça que vous le voyez?

Wilfred LeBouthillier : Ouais, de cuisine. Exact!

Wilfred LeBouthillier
Crédit photo : Photo officielle

Question : Pourquoi c’est important pour vous d’amener justement ce côté un petit peu plus festif, qu’on retrouve justement dans les fêtes de Noël? Pourquoi l’amener à l’année longue maintenant?

Maxime McGraw : Le plaisir qu’on a de jouer nos chansons devant un public, qui aime nos chansons. C’est le plus grand cadeau qu’on peut recevoir en tant qu’artiste. Sur scène, il n’y a rien de fake. Tout ce qu’on fait sur la scène, le plaisir qu’on a, il est tout réel. Ce n’est pas facile de regrouper sept personnes, ça veut quand même dire qu’on est dix en tournée, dix qui voyagent ensemble. Ça, ça veut aussi dire que c’est dix horaires différents. C’est beaucoup de choses à joindre et d’arriver justement à faire la tournée avec ces gars-là, de passer énormément de temps en show, entre 60 à 70 jours par année, considérant qu’il y a 365 jours par an. C’est beaucoup de journées, de voyages, de spectacles. On passe donc énormément de temps ensemble. Ça crée justement cet univers-là. Ça crée aussi l’énergie qui vient sur scène avec nous. Je pense que ça revient encore à ce que je disais tantôt, ça s’est fait naturellement! Je pense que c’est ce qu’on voulait du côté musical. En tout cas, on voulait arriver avec quelque chose qui va faire bouger les gens, les faire sourire, puis les faire voyager. Avec justement les textes qui accompagnent cette musique-là, qui est propice aussi à la fête. Arriver avec un projet où est-ce que toute la gang , on a le gros sourire sur la scène, que nous sommes contents de se retrouver à chaque soir, de soir en soir, sur scène, à jouer ses chansons-là.

Wilfred LeBouthillier :  Reste qu’on est des gars de famille aussi. On a grandi dans des grandes familles. Aujourd’hui mes parents sont vieux, ça fait en sorte qu’il y a beaucoup de membres de la famille qui sont partis. Pour moi, faire des shows comme ça, ça me fait revivre ces souvenirs-là. Chez nous, c’était un lieu de rassemblement, mes deux grands-pères restaient chez nous. Mon grand-père du côté de ma mère, il avait douze enfants, puis du côté de mon grand-père Lebouthillier, il en avait sept. Ça faisait en sorte que les rassemblements, c’était chez nous. Maxime aussi, il est de grande famille, ils sont tissés serrés. C’est pas mal comme ça pour tous les membres du groupe. Juste Nicolas Basque, qui vient de l’une des plus grandes familles acadiennes. On est tous des gars qui viennent des familles comme ça. Véhiculer ce message-là, c’est une richesse. On a une histoire à raconter , c’est ça aussi qu’on veut transmettre aux gens.

Question : Comment, on va puiser dans ces histoires-là, parce que c’est justement plein de mini-histoires pour la plupart de vos chansons?

Wilfred LeBouthillier : Danny Boudreau a vraiment trouvé le filon pour raconter des histoires à travers des personnages, mais qui a tout le temps un rapport. Il s’inspire ben gros aussi des affaires qu’on va se raconter. Il est derrière le crayon, mais on le challenge beaucoup dans certaines tournures. C’est lui qui est la plume, mais il se met vraiment dans son personnage des Gars du Nord. Il sait ce qu’il y a à écrire comme message et sait ce qu’il y a à écrire comme histoire. Danny, avant Les Gars du Nord, n’aurait pas pu écrire ces chansons-là pour son projet solo ou pour n’importe quel autre artiste. Autant que moi, ce n’est pas la façon que j’écris au niveau de ma musique pour mes projets solo.

Et au moment où qu’on tombe en studio, on fait des choses en studio qui n’aurait pas nécessairement été là. Je prends par exemple Mike Bourgeois qui est vraiment comme un gars des années 80 avec un style de guitare électrique qui appartient à cette époque-là. Avec Les Gars du Nord, on l’amène carrément ailleurs. On est vraiment comme une équipe qui du moment qu’on est ensemble, on devient un. On n’existe plus individuellement, on est tous là au service de ce projet-là.

Question : Mais ça doit être le fun de vivre cette synergie-là, de se dire qu’on abandonne un petit peu nos projets solo pour vivre ça. J’ai l’impression que ça doit nourrir énormément.

Maxime McGraw : Absolument, ça nourrit beaucoup de choses. On dit souvent en joke, moi, Wilfred ou Danny, qu’on n’aurait jamais une chanson sur nos albums solo qui s’appelle Ti-Joe à Billy. Ça ne collerait pas à nos projets individuels, mais les sept ensembles, justement ces sept différentes pensées qui se joignent, ça amène un projet qui ne ressemble pas à d’autres choses. C’est sûr qu’en partant, avoir sept personnes avec sept différentes idées, ben ça n’a pas le choix d’être diversifié. Ça donne une belle couleur.

Avec les années aussi, on s’est rendu compte que ça fait deux ans, deux ans de tournée déjà qu’on est ensemble les sept. On est déjà beaucoup plus connaissant de chacun. Ça a quand même eu un gros impact sur le deuxième album, la création. On savait déjà comment travailler ensemble.

J’ai vraiment hâte de voir la réponse, mais je pense que c’est une très belle continuité de notre dernier album Les fils du père.

album Les fils du père
Crédit photo : Photo officielle

Question : J’ai l’impression que votre deuxième album Les Années Tranquilles vient plutôt compléter le premier album, que de créer un univers complètement différent, est-ce que je me trompe ? Est-ce qu’il y a des grosses différences de style entre les deux projets ?

Maxime McGraw : Je te dirais il n’y a pas tant de différences. Peut-être le côté celtique, il ressort un petit peu plus.

Wilfred LeBouthillier : C’était important pour nous autres que les deux albums se ressemblent et que ça ne soit pas totalement différent. Peut-être qu’on a un style plus assumé sur le deuxième? Nos tounes celtiques sont vraiment celtiques.

Maxime McGraw : Puis c’est un petit peu ça que je disais tantôt. La différence entre le premier et le deuxième, c’est surtout la connaissance de tous et chacun et du projet qui s’est fait pendant la réalisation. C’est peut-être plus assumé si on veut, mais je ne pense pas qu’on déroge beaucoup du premier album avec le deuxième. On ne peut pas décevoir ces gens-là en arrivant avec un turbo projet qui serait plus radiophonique. On a décidé de garder notre ligne d’idée. C’est aussi ça qui est vraiment le fun avec Les Gars du Nord, c’est qu’on fait, ce qu’on aime.

Puis à la fin de la journée, le plaisir qu’on a c’est de jouer ces chansons-là en live devant des gens qui aiment ces chansons-là. Ça résume bien le plaisir du projet, il est basé sur ce qu’on a le goût de présenter.

Wilfred LeBouthillier : C’est une grande liberté. C’est comme Maxime disait, on peut arriver avec des chansons plus humoristiques avec des vieux mots acadiens, plus ça va faire Les Gars du Nord!

C’est une liberté qu’on a jamais pu avoir dans nos carrières solo. Dans nos carrières, on a toujours eu des moments que pour pouvoir jouer dans les radios, on ne pouvait pas dire tel mot de telle manière. Mais, avec Les Gars du Nord, c’est assumé à 100 % puis c’est ça qui est la beauté. D’être capables d’avoir cette liberté-là, puis à notre surprise parce qu’on ne savait pas à quel point que le premier allait être reçu.

À la base, on faisait nos shows au Nouveau-Brunswick, c’est de même qu’on a commencé et ça visait ce marché-là ! Puis cet été, on a 22 festivals au Québec de booké et l’été passé, c’était la même chose.

C’est le fun de voir qu’en étant nous-mêmes, ça nous donne l’opportunité de sortir un peu de chez nous et d’avoir cette couleur qui est probablement exotique pour les Québécois. Ben pour nous autres, c’est comme mission accomplie! On a vraiment hâte de voir ce que cet album-là va nous donner


N’oubliez pas d’aller jeter un coup d’œil à leur nouvel album Les Années Tranquilles, disponible sur toutes les plateformes et chez les détaillants depuis vendredi 28 mars 2025. Pour plus de détails sur leurs prochains spectacles.