Zamân ou on a le même temps qu’on avait : party de deuils !
Par : Annie Dubé
Je vous jure que lorsque j’ai appris que Zamân ou on a le même temps qu’on avait était la plus récente création à l’affiche de Mani Soleymanlou, je me suis presque illusionnée sur le fait que j’allais incarner l’objectivité journalistique la plus scientifique possible, afin de couvrir l’événement de manière neutre, sans coeur, sérieuse, plate. Mais j’ai dû vite faire face au réel : je suis une fan. Il faut savoir admettre ses failles.
Puis, dès que l’artiste et les musiciens du groupe Valaire ont fait leur entrée sur scène (bien que le sympathique pianiste avait déjà transformé la salle en piano-bar lors de notre arrivée dans la salle), je me suis souvenue des multiples raisons pour lesquelles je ressens chaque fois une sincère appréciation des créations de cet homme de théâtre. C’est parce que c’est vraiment bon.
Me voilà donc encore une fois en train d’écrire un simili de critique à propos de cette non-pièce de théâtre, de ce non-concert de musique, de ce oui-spectacle, et ce, avec le dessein secret, mais avoué, de le convaincre d’être mon ami. Encore une fois, puisque la quête n’est pas gagnée. Tant qu’à ne pas être un congélateur humain, allons-y à fond la caisse dans l’émotion irrationnelle de spectatrice de théâtre.
Dans ce quasi monologue, qui est à la fois de l’autofiction et de l’invention, on ne sait plus ce qui est vrai ou pas. On sait assurément qu’on retrouve encore une fois une chaise. Mani Soleymanlou s’assoie dessus. Voilà le fil conducteur de beaucoup de ses œuvres, un fil conducteur dont l’électricité n’est nulle autre que Mani. Notre vieil ami Mani ! Mais cette fois, il y a aussi des amplis. Des musiciens. Et un ordinateur. Et une scène complètement recouverte de tapis persans, et de bougies électriques. Il y a un arbre de Noël qui scintille de tout son Hydro-Québec.
On résume. Il y a donc une chaise, Mani, des amplis, des musiciens, un ordi, des lumières, et un sapin de Noël. Voilà une scénographie qui me parle. Du jamais vu. Sauf la fois que je suis allée dans un café de hipsters qui boivent du thé. J’oublis c’était où, j’oublis si c’était vrai.
C’est économique, comme spectacle, car on n’a pas besoin d’avoir fait des hautes études théâtrales pour apprécier la soirée haute en intelligence et en failles personnelles. Je me confesse, j’ai croulé de rire en entendant l’auteur-comédien parler des sujets les plus tristes de l’humanité. La maladie de sa mère (on ne sait pas si c’est un mensonge, on ne sait même pas s’il a vraiment une mère !) qui s’est découvert trois cancers du cerveau d’un seul coup; le deuil de tout; le temps qui passe et le temps qui dépasse; la guerre; les injustices; les ressources naturelles dont le quota est atteint, les dommages collatéraux : tout y passe, lors de ce gros party ironique des plus champ gauche, aux airs de laboratoire gypsie cool.
La présence des membres du groupe Valaire était particulièrement enlevante, avec leur charisme et plaisir d’y être, leur talent et puis, bien oui, leurs tounes. Ils ont bien rentabilisé leur cachet, dans un ratio musique-théâtre parfaitement équilibré, tout en déséquilibre. Ce fut un plaisir de faire connaissance avec leurs ambiances funky.
Que la rigueur objective me pardonne. J’ai ri plus fort que l’étiquette du spectateur ne le permet, mais dans ce cas-ci, tout est permis. C’est un objet culturel des plus ouverts et vivants, disons, grâce à ces réflexions labyrinthiques qui plongent vers l’obsession,jusqu’à l’absurdité libératrice. La narration de son récit, si l’on peut l’appeler ainsi, est succulente. Comme il fait bon entendre les histoires nombrilistes de ce comique sensible. Quoi de plus universel qu’une …personne !
Dans les spectacles de Soleymanlou, on trouve de tout, même un Mani qui nous fait mourir de rire. Et on en repart bien vivant ! Toutes les dates sont complètes, malgré l’ajout de la supplémentaire de ce dimanche le 15 décembre à 15h00. Il est trop tard ! Faites-vous à l’idée : vous avez manqué ça. Bon, qui sait ce qui adviendra dans le futur… Il faut cesser de dormir, le monde. Mettez-vous une alerte Google, quelque chose. Cessez de manquer de savoureux spectacles.
En guise de conclusion, puisqu’il en faut une : vive les limbes du cerveau appréciablement étrange de Mani Soleymanlou ! On ne se tanne pas de toutes ces errances magnifiquement ordinaires. On y trouve assurément notre compte. Allez, prenez des notes : on s’y voit lors de son prochain show ! Ok ? Ok.
Crédit de couverture : Valérie Remise
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