Le paradoxe Kanye
Par : Marie-Claude Lessard
Jusqu’au 29 juillet, le Zoofest propose un spectacle expérimental sur Kanye West. Oui, oui, le rappeur autrefois brillant qui s’est perdu dans son ego surdimensionné. Cette série de sketchs à la prémisse extrêmement intrigante accomplit un exploit : être en mesure de justifier ses ambitions et ses imperfections en fin de parcours.
Théâtre, danse, humour et musique s’allient pour illustrer les diverses facettes de l’artiste qui s’autoproclame Jésus avec le surnom Yeezus. Pour initier les spectateurs moins familiers avec l’univers de Kanye West, la pièce débute avec une sublime messe au cours de laquelle le curé encense la carrière de son Dieu. Truffé de blagues acides sur les faux pas du chanteur, les spectateurs comprennent d’emblée avec ce numéro que les contradictions de Yeezus se feront écorcher sans censure. En terme québécois, Kanye se fait ramasser solide!
Il continue d’en prendre pour son rhume dans l’analyse philosophique et absurde à souhait de Philippe-Audrey-Larrue-St-Jacques. Ce dernier commente le clip de la chanson Bound 2. L’essence du numéro repose essentiellement sur la comparaison entre cette vidéo et le spectacle Bond2 de Philippe Bond. L’humoriste déclare abondamment que les deux, Kanye West et Philippe Bond, incarnent un vide culturel et une popularité difficile à comprendre. C’est drôle au début, mais moins après dix minutes.
Ridiculiser la collection de vêtements troués hors de prix de Kanye, ses références ridicules à son sexe masculin, ses déclarations narcissiques, bref ses projets grotesques au nom de l’art, prend trop de place lors de la première partie du spectacle. Le public a l’impression que les créateurs ont fait le tour de la question, spécialement pendant le quizz Queezy où ils démontrent que penser que Kanye est un génie révèle de la folie. Évidemment qu’ils ont raison, mais, d’un autre côté, Kanye n’a pas fait que des erreurs dans sa prolifique vie publique.
Au moment où l’on croit que ces nuances et étalages des bons coups de Kanye ne seront point montrés, voilà que des danseurs exécutent des chorégraphies à la fois poétiques et violentes. Vincent Lemire offre des versions acoustiques fort jolies de Coldest Winter et Heartless. Avec ces éléments, Mon sombre et beau fantasme tordu réussit à critiquer de manière globale et satisfaisante les cruels hauts et bas de la célébrité détruisant bien trop souvent l’art. En moins de trois minutes, grâce à une narration finale en auto tune, les artisans décrivent avec une précision admirable tout le paradoxe de Kanye et des superstars qu’il a engendrées. Chapeau… ou plutôt Shutter Shades!
Texte révisé par : Annie Simard