Rencontre avec un artiste touchant et humain
© Dominic Berthiaume
Par : Myriam Bercier
MatTv vous présente une nouvelle chronique : On vous présente … En effet, dans les prochaines semaines, nous vous ferons découvrir des artistes underground qui méritent d’être plus connus. Cette chronique se déclinera en trois parties : un aspect descriptif de l’artiste, des questions générales sur sa carrière et un quiz musical rempli par l’artiste. Nous avons brisé la glace avec Dave Chose!
Si vous habitez ou avez habité Hochelaga-Maisonneuve depuis 2011, vous avez peut-être déjà croisé Dave Chose au dépanneur, comme l’artiste à la longue chevelure a puisé beaucoup de son inspiration pour son premier album dans ces endroits mythiques. Dave Chose, c’est un surnom qu’il s’est choisi alors qu’il faisait parti du groupe Faudrait Faire la Vaisselle qui lui permet de se rappeler qu’il ne doit pas trop se prendre au sérieux. Le jeune homme originaire de L’Ascension-de-Notre-Seigneur au Lac-Saint-Jean se produit en solo depuis 2016 et a notamment participé aux Francouvertes en 2017. D’ailleurs, l’édition de 2017 a accueilli entres autres Lydia Képinski, Les Louanges et Laurence-Anne.
© Dominic Berthiaume
Il a lancé son premier album éponyme en 2018 dans lequel on lui découvre une plume honnête qui sait rendre grandiose le banal de la vie, comme le grand bonheur de savoir rouler ses cigarettes lui-même (Lacteur rose), recevoir un texto (machine) ou encore de vomir dans un lit avec sa fréquentation après avoir picoler dans un bar de quartier un peu trash (Chez Françoise). Sa langue mélange des expressions du Lac-Saint-Jean et d’Hochelaga : on peut par exemple l’entendre dire dans une de ses chansons le mot «lacteur» qui ne signifie rien de moins que lighter ou encore «teur» dans la chanson Machine qui signifie «quelque chose de croche». Enfin, le 18 mars dernier, il a lancé un double single contenant les chansons Poffes et De l’inconvénient d’être né.
Je me suis entretenue avec l’homme avenant derrière l’artiste, en respectant les mesures de distanciation sociale (on a fait ça par appel sur Facebook Messenger) et voici le fruit de notre discussion touchante et humaine :
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Dave : Oh mon Dieu… La force des choses j’ai l’impression! C’est un peu un concours de circonstances finalement que je me suis ramassé à faire ça. Tu sais, dans la vie, je me considère comme étant un mélomane, je veux dire, la musique m’a sauvé la vie plus d’une fois. Je ne me suis jamais dit que j’allais faire ça, parce que je pensais pas être capable, mais finalement il y a des gens qui ont cru en moi plus que moi je croyais en moi, donc ça a déboulé d’une certaine façon que je me suis ramassée à faire ça et j’en suis infiniment heureux, clairement. Mais tu sais je ne me lance pas trop dans le futur, j’ai de la misère à faire des plans. Je ne me suis jamais dit «ah, je veux faire ça dans la vie, il faut absolument que j’y arrive», c’est juste comme arrivé (rires).
Myriam : Justement, j’ai lu que tu avais vraiment peur de la scène à tes débuts, c’est pour ça la question : qu’est-ce qui t’a amené là? Comment tu as fait pour vaincre ta peur? Est-ce que c’est un peu grâce à ton ancien groupe Faudrait Faire la Vaisselle?
Dave : Oui, étant donné que c’était assez punk et assez «lousse» comme band, on dirait que ça me mettait moins de pression et que j’ai appris à mieux vivre mettons avec le fait de faire des erreurs … bin sur la scène là! (rires) dans la vie je gère ça encore très mal (rires). Ça m’a beaucoup aidé ça parce que tu sais le trac, je pense que c’est quelque chose de positif, mais le stress et l’angoisse d’avant show et même pendant un show, ce l’est moins. C’est ce qui m’empêchait de faire des shows et d’être bien je pense, c’était d’avoir peur de chier ça, de foirer ça, de faire une erreur et de pas être capable de vivre avec. Tu sais, moi j’ai de la misère à gérer l’humiliation dans la vie, c’est quelque chose qui me fait bien capoter, je pense que je suis un peu susceptible aussi des fois à ce qu’on me dit (rires). Finalement, c’est tout relié à l’idée de mal vivre avec l’idée d’être «under the spotlight», de faire une erreur et d’avoir l’air épais. C’est moi avec moi, dans le fond. Donc, ce band-là m’a amené à mieux vivre avec le fait que si tu te trompes dans tes paroles, on s’en fout, il faut juste que tu rebondisses là-dessus. Bref, je pense que ça venait de là, ma peur de la scène, chose que maintenant je n’ai plus.
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à jouer le style de musique que tu fais présentement, parce que ce n’est vraiment pas le même style que Faudrait Faire la Vaisselle?
Dave : Non, vraiment pas. Bien, vraiment pas… ça reste quand même mes compositions, donc… bon avec Faudrait Faire [la Vaisselle] c’était 50/50, il y avait Gab Lapierre qui composait des chansons, moi j’en composais une autre partie. Qu’est-ce qui m’a amené à … j’étais un peu tanné, je me tanne vite en fait. Comme là, pour le deuxième disque, j’ai envie de «on va ailleurs, on fait autre chose»… Je suis quelqu’un qui écoute beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup de différents styles musicaux, comme tout le monde je pense un peu. Et j’ai tout le temps envie de tout faire les styles de musique en même temps. Donc oui, j’avais envie pour le premier disque, j’avais envie de faire quelque chose de mieux produit, de plus large, de plus … comment dire? J’aurais envie de dire plus sérieux, mais c’est pas ça parce que je veux dire, le premier disque de Faudrait Faire la Vaisselle, on voulait quand même donner quelque chose qui représentait bien l’esprit du band mais je sais pas, ça me tentait plus de faire du folk garoché. J’avais envie de faire quelque chose de plus rock, de plus cru et de plus … subtil (rires).
Myriam : Écoutes, je vais rebondir. Tu as dit deuxième album. Il y a deux chansons qui sont sorties dernièrement de toi. Est-ce que ça veut dire qu’il y a un deuxième album qui se prépare?
Dave : oui oui oui! Je suis en composition en ce moment. Il y a quatre chansons qui sont déjà enregistrées. On est allés au B-12 faire ça. On est encore dans le processus d’enregistrement. Bon là c’est sûr que tout ça ça break un peu mais en même temps j’en profite pour finir des chansons, d’essayer d’avancer et de me faire une idée de la teneur musicale du deuxième album. Mais ouais c’est ça on est en train de travailler sur un deuxième album. Mais les deux chansons que j’ai sorties là, c’est un peu comme des «B-side», c’est des fonds de tiroir.. bon des fonds de tiroir… c’est péjoratif mais c’est des fonds de tiroir que j’aime beaucoup et c’est deux chansons qui ne se retrouveront pas sur le deuxième album. J’avais juste envie de les sortir, parce qu’elles dormaient sur un disque dur depuis comme un an. Donc c’est ça, j’avais comme envie de les sortir un peu comme vomir de brosse là t’sais (rires).
Myriam : Tu disais que tu veux aller dans une direction différente. Ton premier album, on s’entend, ça parlait pas mal de dépanneur, de détresse et du quotidien. Qu’est-ce qui inspire Dave Chose?
Dave : My god … Pas mal drette ça quand même. Mais le dépanneur m’inspire plus comme avant par contre … ouain je pense que j’ai fait le tour en *sti de la question (rires). Ouais non c’est ça, ça m’inspire plus tant, le dépanneur, mais en même temps, c’est encore un endroit que je chéris beaucoup. Mais je pense qu’en ce moment, ce qui m’inspire le plus, c’est ce que je ressens, en tout cas, je sais pas à quel point c’est comme cliché et évident de dire ça, mais c’est un peu l’auto réflexion. J’ai l’impression que si les gens trouvaient que mon premier album était déprimant, je pense qu’ils vont trouver que le deuxième est énormément déprimant (rires)!
Myriam : Donc on peut s’attendre à plusieurs chansons qui ressemble à Trou?
Dave : Ouais, peut-être… En tout cas, dans cette veine-là. En même temps, je sais pas encore ce que ça va donner, mais au niveau des thèmes, c’est très très personnel disons. Je pense que je n’ai jamais écrit des trucs aussi personnels. Et quand on creuse, on trouve souvent un fond «deep», «dark» et … je sais pas je suis un peu là-dedans, mais à voir! Je sais pas si ça va être aussi emo que je le ressens mais j’ai l’impression que … J’écoute beaucoup de emo du début des années 2000 depuis comme un an, un an et demi, comme The Weakerthans et Car Seat Headrest, ce genre de bands-là qui me motive à faire quelque chose de sensible et de fragile, mais en même temps de rassembleur disons (rires). Je sais pas, c’est quand même des grandes phrases. Je pense que c’est ça que j’aimerais faire. J’aimerais ça faire quelque chose de emo et de deep, mais d’arriver à faire en sorte que ce soit rassembleur et que les gens peuvent se voir au-travers de ce qui moi m’inspire, pour que ça puisse leur faire du bien. Parce que moi, ce qui est emo et que les gens considèrent comme de la musique déprimante, moi c’est pas mal l’affaire qui me fait le plus du bien au monde quand ça va pas. Donc j’aimerais ça arriver peut-être à faire quelque chose dans ce sens-là (rires).
Myriam : Dans ton album éponyme et même dans De l’inconvénient d’être né, une thématique semble coller, perdurer : le besoin d’être sauvé, voire un appel à l’aide. Est-ce que ta musique te permet de parler des émotions que tu vis ou est-ce que c’est des thèmes qui t’inspirent avec lesquels tu aimes jouer?
Dave : C’est un mélange des deux. Oui c’est des thèmes qui m’inspirent. «De l’inconvénient d’être né», par exemple, c’est une chanson qui m’a été … en fait c’est mon bon ami Jean-Martin Gagnon, qui est réalisateur, qui a fait un film qui s’appelle Puisqu’on se tue toujours trop tard, qui est un film que moi j’adore, ça éclate de beauté bin raide. C’est inspiré d’un recueil du philosophe Emil Cioran. Justement, ce recueil s’appelle De l’inconvénient d’être né. Moi ça m’a beaucoup parlé dans la vie. Ce que je trouve intéressant dans cette affaire-là c’est que ça parle pas de suicide, ça parle de «bon, maintenant, tu es né, le mal est fait, vis avec». Je trouve que c’est des thèmes qui me parlent moi. Mais après, je pense que quand je trouve des thèmes comme ceux-là qui me parlent, je vais puiser dans ce que je vis, dans ce que je ressens, qui est souvent énormément emo. Donc je pense que c’est un mélange des deux : oui c’est des thèmes qui me parlent et qui m’inspirent, et après je m’en sers pour … Parce que évidemment, ce qui m’inspire le plus finalement, en tout cas ces temps-ci, c’est ce que je vis dans mon intérieur emo.
© Affiche officielle du film
Myriam : Qu’est-ce que tu souhaites le plus à ta musique?
Dave : Ce que je souhaite le plus à ma musique… Je lui souhaite qu’elle demeure intègre, pertinente et sensible. (rires)
Myriam : Ok, la dernière question, c’est comme une question bonus. Il faut que tu comprennes que cette question-là me vient d’un d’un podcast de Jason Bajada fait qui disait avec Fanny Bloom que les journalistes culturels posent souvent des questions ordinaires. Donc je me suis dit que j’allais te demander ce que tu avais envie de te faire demander comme question. Est-ce qu’il y a une question que tu aimerais te faire poser en entrevue? Mais il faut que tu y répondes. Tu peux pas juste me dire «j’aimerais ça que les journalistes me demandent plus souvent la racine carré de pi» et que tu le saches pas.
Dave : je comprends! (rires) Je sais pas, par exemple, la racine carré de pi (rires). Qu’est-ce que j’aimerais me faire poser comme question… j’aime tout le temps ça me faire poser des questions, peu importe, j’imagine que c’est mon côté égocentrique (rires). J’aime ça répondre à des questions sur ce que je fais, je trouve que ça me permet d’y réfléchir moi à mon tour. Je pense qu’il n’y a pas tant une question en particulier que j’aimerais me faire poser, mais je pense que c’est plus une question que moi, j’aimerais poser. J’aimerais ça, souvent, demander dans une entrevue, chose qui arrive jamais, te demander toi, comment ça va aujourd’hui? (rires).
Myriam : Mais là, c’est bin cute! Mais ça va bien! (rires).
Quiz musical, répondu par l’artiste avec ses commentaires :
1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle? Je dirais Videotape de Radiohead. C’comme impossible que j’me tanne de l’immense beauté de c’te toune-là.
2. Ta chanson de rupture préférée? The Ballad of The Costa Concordia de Car Seat Headrest
3. Ta chanson d’amour préférée ? Your Magic is Working de Of Montreal
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ? Larynx, le nouveau projet d’Alexandre Larin le chanteur de Rust Eden
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel? Oh My God de Kevin Morby
6. La chanson qui te rend le plus heureux ? This Moment de French Horn Rebellion
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ? John K. Samson le chanteur de The Weakerthans
8. La chanson qui t’obsède en ce moment? Fullblown Meltdown de PUP
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite? A New Love (Can Be Found) de Daniel Romano
10. Ta chanson (à toi) préférée? Benson Gold je dirais!
Soyez des nôtres alors que jeudi prochain, nous aurons le privilège de vous présenter Olivier Bélisle.