Émile Poulin et ses provisions d’avenir
© Émile Poulin, photo tirée de sa page Facebook
Par : Myriam Bercier
Ma chronique On vous présente est de retour pour l’année 2021! En guise de rappel, On vous présente vise à vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, pleins feux sur Émile Poulin.
Émile Poulin est un auteur-compositeur-interprète qui offre une pop douce et déroutante. Ses influences sont multiples et passent du jazz au rock progressif, en passant par le indie pop, l’électro et la musique classique. En 2017, il a fait paraître son premier EP, Ce qu’il nous reste, dans lequel on ressent une grande vulnérabilité de la part de l’artiste, exacerbé par le côté très épuré de l’album.
© Émile Poulin, photo tirée de sa page Facebook
En novembre 2020, il a fait paraître son deuxième EP en carrière, Provisions d’avenir. On y retrouve évidemment sa voix douce et son piano. Or, l’artiste s’amuse avec le son de son instrument et le distortionne, ce qui a pour effet de le rapprocher d’une guitare électrique, lui donnant un goût plus rock. Ce EP est complètement DIY et plus chargé que son EP précédent. On y retrouve notamment les thématiques d’amour et de désir.
J’ai passé un coup de fil à Émile Poulin la semaine passée. Nous avons parlé entre autres de sa formation en musique de film, de ce qui l’a poussé à se lancer en solo (comme il faisait partie avant du groupe L’Estrade), de ses projets à venir et d’intelligence artificielle. Sans plus attendre, voici l’entrevue!
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Émile : Ma mère enseigne le piano classique depuis que j’ai neuf ou dix ans. J’avais commencé avec elle, puis j’ai mis ça de côté jusqu’au secondaire. Mon grand-père faisait du piano aussi, j’ai donc toujours eu de la musique autour de moi dans les partys. Ça a toujours été, je pense, encouragé chez nous de pousser ce qu’on avait envie d’explorer. Je pense que ça vient clairement du milieu familial. Puis à l’adolescence, tu cherches une façon de s’exprimer, je pense que pour moi ça a été la musique qui a pris cette place-là.
Myriam : Qu’est-ce qui t’inspire pour créer une chanson?
Émile : C’est un peu cliché, mais clairement ce qui se passe autour de moi, les histoires de gens, de ma tribu si on peut dire, le monde proche de moi, les amis. Soit c’est des sentiments irrésolus personnels, soit c’est des histoires de gens proches de moi que j’ai envie d’approfondir qui me trotte dans la tête. C’est en faisant des chansons que j’arrive à me les sortir de la tête.
Myriam : Quel est ton processus de création?
Émile : Ça varie en fait de quel genre de création, mais pour ce EP-là, le processus de création s’est fait sur le long terme. C’est en jouant du piano qu’il y a quelque chose qui vient, qui m’accroche. J’accroche là-dessus et des paroles, quelques mots parfois, vont sortir. Je vais essayer de tisser quelque chose à partir de là. C’est quelque chose qui se fait petit à petit. J’y reviens, ça me trotte en tête, je retourne au piano. Pour l’album spécialement, ça a été plus long parce que j’ai fait tous les arrangements, j’ai fait toute la réalisation. Ça a été plus long finalement parce que j’ai pris toutes les tâches. Ça a été un plus long processus de création.
Myriam : Comment ça s’est passé de prendre toutes ces tâches-là? Parce que je pense que tu n’avais jamais fait ça avant encore…?
Émile : Non, c’est ça je n’avais jamais fait ça. C’était tout nouveau parce que j’ai étudié en musique de film à l’UQAM et ça m’a donné des outils que je n’avais pas avant. C’est un peu pour ça que je suis allé étudier là, au-delà de la musique de film, c’était pour me dire « OK je suis capable de mener un projet musical, je ne suis pas pris dans » juste » la composition » parce que j’avais un groupe avant et je me fiais quand même sur les deux autres gars pour faire ces trucs techniques là. Je ne voulais pas trop savoir comment ouvrir un ampli. J’exagère, mais plus tu en sais, plus ça te donne des responsabilités (rires). J’essaie de garder mes tâches au niveau musical, mais je me suis rendu compte que c’était un peu handicapant, surtout là en 2021. Le marché de la musique a tellement changé que là, je ne voulais plus me nicher à la composition, j’avais le goût de savoir ce que je faisais. De créer ce EP-là, ça a été beaucoup de temps, mais en même temps ça a été assez fluide aussi. Ce que ça a pu avancer, c’est que je me suis limité dans les instruments. J’avais deux synthétiseurs, un pour la basse, un pour l’accompagnement, un piano, la voix et la batterie synthétique. Ensuite, quand j’ai eu la basse, j’ai fait appel à différents musiciens que je connaissais déjà parce que je savais qu’ils avaient leur place. On a fait des percussions, de la batterie par-dessus la batterie électronique, quelques lignes de basse aussi ; des fois, ça manquait par-dessus la basse synthétique. J’ai fait ça comme un collage, un après l’autre, j’ajoutais les saxophones, les chœurs… ça a été de prendre ma base et d’imaginer ce qui collait le plus et monter ça comme un collage.
Myriam : Tu viens d’en parler un peu, tu faisais partie d’un groupe avant, L’Estrade, quels impacts a eu ce groupe sur ta carrière solo?
Émile : Ça m’a permis de me découvrir quand on jouait ensemble, de savoir ce que je voulais explorer parce qu’en groupe je crois qu’on avait quelques divergences stylistiques, de concepts musicaux tabous si on peut dire : tu amènes une idée et pour l’autre c’est un « no-go. » Je me suis rendu compte en frottant mes idées aux autres ce que j’avais vraiment le goût d’explorer.
Myriam : C’est à cause de ces différences stylistiques que tu as décidé de te lancer dans une carrière solo si je comprends bien?
Émile : Oui, c’est ça, entre autres. Je pense que ça a été aussi un timing si on veut. J’ai composé beaucoup avec Mikaël Rondeau, lui il faisait beaucoup les paroles, puis je pense qu’avec le groupe qui s’est séparé, les autres ont pris une autre direction et moi j’ai pris ce chemin-là, de continuer de faire des chansons et d’explorer ce que j’avais envie finalement. Je me rends compte qu’après avoir fait deux EPs solo, je me rends compte que c’est cool d’avoir un peu de gaz d’autres personnes. Je suis en train de préparer deux EPs ou un album complet je ne sais pas exactement encore. Clairement, une fois que les chansons vont être prêtes, je vais approcher un réalisateur. J’ai envie de travailler avec plusieurs personnes pour les paroles, j’ai envie de faire ça un peu plus collectif parce que je sens que ça a des limites les projets solos.
Myriam : Ce serait plus collectif, mais tu n’irais pas dans un groupe?
Émile : C’est ça. Ça ne s’annonce pas comme ça en tout cas. On ne sait pas comment ça va tourner (rires). Pour le moment, j’écris les chansons, j’aime ça tirer les ficelles, avoir une idée plus précise de ce qui va se passer, mais laisser plus de place au regard extérieur.
Myriam : Tes deux EPs, lancés à trois ans d’intervalle, sont quand même assez différents. Comment expliques-tu ces différences?
Émile : Entre temps, j’ai plus appris à faire moi-même les choses. L’expérience en 2017 était vraiment le fun aussi avec Frédéric Levac de feu Pandaléon […]. C’est quelqu’un qui a vraiment une bonne oreille et une belle musicalité. On avait quand même fait de quoi d’intéressant, je pense, mais là je pense qu’avec le deuxième EP, j’ai réussi à aller plus loin musicalement en général. Je pense que c’est un peu plus fourni, il y a plus de mordant à mon goût. Les trois ans qui ont passé m’ont permis d’apprendre pendant ce temps-là (rires), je ne pense pas qu’il va y avoir trois ans avant la prochaine publication. Là, c’était vraiment un moment charnière où je me disais que je devais prendre une petite pause, je trouvais ça angoissant par moment de me dire que je ne lançais rien, dans un monde où si tu ne publies pas quelque chose un mois plus tard tu es oublié, je me sentais un peu à côté de la track, mais je pense que c’était pour le mieux. À partir de là, je construis sur ce que je connais déjà, ce n’est plus inconnu.
Myriam : Tantôt tu en parlais un peu, il y aurait peut-être deux EPs ou un album, est-ce qu’on peut l’espérer pour 2021?
Émile : J’aimerais au moins ça lancer une chanson en 2021, mais tout l’album, je ne pense pas. Je pense que ça serait un peu poussé. J’aimerais ça lancer au moins une chanson ou deux en 2021. J’en ai une douzaine qui sont en chantier, ça avance de mon côté. Tout l’album, c’est long, et je ne veux pas précipiter les choses. J’ai un projet chanson mais j’ai aussi un projet que je porte depuis longtemps de musique un peu spontanée, c’est des thèmes que j’ai enregistrés dans ma pédale de loop. Je faisais de la musique pour des cours de yoga et j’ai créé plein d’atmosphères et je pense que ça serait le fun, un court album avec des loops. C’est le genre de musique qui est le fun le matin. J’essaie de penser des fois à la musique que j’aurais envie d’écouter, des musiques que je pense qui seraient pertinentes, ça, je pense que c’est quelque chose qui serait bienvenu.
Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Émile : (rires) Donc je suis le maître de la question?
Myriam : Exactement, mais tu dois y répondre donc tu ne peux pas te demander n’importe quoi!
Émile : C’est ça hein! Je me demanderais : est-ce que tu penses que l’intelligence artificielle va remplacer les musiciens? Qu’est-ce que je dirais à ça? Je dirais que c’est une maudite bonne question. Déjà dans le monde de la musique classique, il y a des fans de Bach qui se font avoir par des logiciels qui composent de la musique avec une intelligence artificielle. Je me dis qu’en musique populaire si on peut dire, ça reste que c’est des effets de masse, des effets sociaux qui créent ce qui devient populaire, mais déjà on voit en Corée je pense, dans ce coin-là, il y a des vedettes déjà qui sont des hologrammes (pour plus d’informations, à ce sujet, cliquez ici et ici), des robots, mais est-ce que c’est eux qui composent leur musique? Je ne sais pas. Je me demande « est-ce que l’intelligence artificielle va arriver à composer de la musique pop et faire sa place au même titre qu’un artiste en chair? » Je n’ai pas la réponse…
Myriam : Je n’ai pas la réponse non plus, mais il me semble que j’ai un ami qui m’avait envoyé une vidéo dans le temps de Noël, une intelligence artificielle qui avait écrit une chanson similaire à une chanson des Beatles… (pour le vidéo, c’est par ici)
Émile : Oui, c’est ça, ils sont nourris avec un répertoire incroyable, eux font des choix là-dedans. Après ça, est-ce qu’il peut émerger comme étant un créateur officiel ou est-ce que les gens vont être rebutés par ça? On ne verra peut-être pas ça pas de notre vivant, peut-être que oui. Je ne sais pas.
Myriam : Ça va amener des questionnements sociétaux…
1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Wooden Arms – Patrick Watson
2. Ta chanson de rupture préférée?
Present tense – Radiohead
3. Ta chanson d’amour préférée ?
Frozen – Sabrina Claudio
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
Laurence-Anne
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Jean Leloup – L’étrange pays
6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Move on up – Curtis Mayfield
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
Klo Pelgag
8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
Black Diamond – Half Moon Run
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Comme un fou – Harmonium
10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
J’ai jamais su