Rendez-vous dans l’intimité de Geneviève et Alain
© Geneviève et Alain, photo de Gaelle Leroyer
Par : Myriam Bercier
MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, c’est au duo dans la vie et dans la musique Geneviève et Alain qu’on s’intéresse.
Geneviève et Alain est un duo d’auteurs-compositeurs-interprètes franco-ontariens. Les deux membres, Alain Barbeau et Geneviève Roberge-Bouchard, ont tous les deux un parcours musical depuis des années. Alain, de son côté, a étudié à l’École Nationale de la chanson (ÉNC) et a un album solo à son actif, Chemin Freeman. Geneviève, quant à elle, a une formation en théâtre musical et suivra les traces d’Alain en faisant l’ÉNC quelques années plus tard. En 2016, ils présentent leur premier album en carrière : On est deux, après s’être exilé à Saint-Élie-de-Caxton. La même année, ils gagnent la Chanson de l’année du concours Ma première Place-des-Arts. Trois ans plus tard, un deuxième album pointe le bout de son nez : De la rivière à la mer.
En 2020, la pandémie les amène à prendre part au Bluesfest d’Ottawa en formule ciné-parc. Ils sortent également la même année une chanson de Noël, appelée De la guitare pour Noël dans laquelle on retrouve un fingerpicking qu’Alain, celui derrière la guitare dans le groupe, a pensé pour rendre hommage à ses idoles Chet Atkins et Patrick Normand. En 2021, le duo fait paraître son troisième album en carrière, en deux parties : la première partie, J’attends, paraît le 14 mai alors que l’autre devrait sortir à l’automne. Le premier extrait, À travers mes yeux, est une chanson pop folk qui rend hommage à tous les gens qui les ont quittés avant d’avoir pu aller à la rencontre de leurs rêves.
J’ai eu la chance de parler à Geneviève et Alain sur Zoom la semaine passée. Nous avons entre autres discuté de leur rencontre musicale et amoureuse, de leurs spectacles en Guyana et au Suriname, de la raison derrière leur album en deux parties et leur spectacle du 10 mai. Sans plus attendre, voici notre discussion!
Myriam : Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la musique individuellement?
Alain : J’ai eu la chance de grandir à côté de chez mes grands-parents, donc dès que je pouvais traverser chez mon grand-père qui était déjà à la retraite à ce moment-là, je le faisais et je passais mes journées là. Il avait un gros meuble plein de vinyles, il jouait de la musique quand il était plus jeune donc il avait des accordéons, des violons et des banjos qui traînaient. C’est vraiment ce qui m’a donné le goût. J’ai commencé en chantant.
Geneviève : Quand j’étais jeune, mon père était chansonnier, il faisait des ateliers. Il allait dans les écoles secondaires et il donnait des ateliers d’écriture de chansons, de rap, des ateliers littéraires. Ma mère donnait des cours de violon à la maison. Ça faisait un petit peu partie de la famille, j’ai toujours chanté avec mon père et ma mère, qui m’a acheté mon premier violon quand j’étais petite. Je ne joue plus, mais ça a été un de mes premiers instruments. Mon père me racontait qu’à trois ans, je faisais des harmonies sur les chansons qu’on faisait ensemble et il capotait. Je ne savais trop ce que je faisais, je trouvais ça beau et je ne comprenais pas pourquoi il capotait. Ça n’a pas arrêté depuis ce temps-là. (rires)
Myriam : Et ensemble? Quelle est la genèse de votre projet?
Alain : Ensemble, ça fait bientôt déjà huit ans que le projet existe. C’est un projet musical et un projet de couple en même temps (rires). C’est la même date que l’on fête notre couple et le projet.
Geneviève : On s’est rencontré dans un spectacle. C’était comme un spectacle collectif… à la base c’était un concours étudiant avec la relève du secondaire qu’on a fait tous les deux, pas en même temps, car on a six ans de différence donc on n’a pas été au secondaire en même temps. Ce qui nous a réunis à travers cet événement-là, c’est qu’il y a eu un numéro des anciens. Tous les anciens qui avaient fait le concours se réunissaient pour faire un numéro. Je suis devenue une ancienne, à un moment donné (rires) donc on a travaillé ensemble pour monter ce numéro-là. On s’est tout de suite bien entendus, ça a été un coup de foudre, car on avait les mêmes idées, on avait la même direction, on voulait les mêmes affaires, on avait le même professionnalisme dans notre vision, donc on s’est tout de suite accroché. On s’est découverts.
Alain : Ça a pris un an avant qu’on devienne un couple.
Geneviève : Ça a pris un an parce que j’avais un chum, mais ça, c’est une autre histoire (rires).
Myriam : Qu’est-ce qui vous inspire pour écrire des chansons?
Alain : Je dirais que pour composer, j’ai besoin de prendre le temps de le faire. J’ai besoin de prendre du temps pour moi, relaxe, avec ma guitare. C’est ce dont j’ai besoin. Nous avons la chance d’habiter dans le bois en forêt dans une cabane en bois rond. Il n’y a pas plus relaxe que ça. C’est un peu pour ça qu’on est déménagé ici.
Geneviève : Pour moi aussi, passer du temps avec moi-même, c’est important. J’en profite beaucoup en habitant ici, je vais prendre de longues marches en forêt et sur le rang tous les jours, ce sont mes moments préférés et les plus créatifs. Tu es dans ta tête avec toi-même. Toutes mes chansons ont été écrites en marchant.
Myriam : Avez-vous un processus de création? Si oui, lequel?
Geneviève : Ça varie, mais on a une façon de faire qui a fonctionné pour plusieurs chansons…
Alain : … et qui se répète souvent. Souvent, je compose la musique, j’arrive avec une mélodie et tous les accords, je fais entendre ça à Geneviève avec des lalala ou la guitare qui fait la mélodie et Geneviève ajoute des paroles et vient transformer mes chansons. Des fois, mes chansons n’ont pas de refrain, donc je demande à Geneviève de me composer un refrain là-dessus et elle me revient avec un. C’est rare qu’on s’assoie ensemble et qu’on se mette à composer. Souvent, c’est séparément.
Geneviève : J’adore sa façon de composer, j’aime beaucoup ses idées. Souvent, l’arrangement de guitare va venir en même temps que la mélodie, donc c’est déjà très inspirant. Il a de bonnes idées, j’adore prendre ça et j’aime beaucoup le défi de mettre les bons mots là-dessus, parce que c’est un défi de prosodie que les accents toniques fonctionnent, que les distances aient une belle direction. Ce casse-tête-là me fait bien plaisir, surtout quand ce sont des mélodies qui sont super agréables à chanter dans le bois (rires). Après, on se retrouve, on l’enregistre en préprod dans notre petit studio maison.
Myriam : J’ai vu qu’après votre premier album en 2016, vous avez fait de nombreux spectacles dont en Suriname et au Guyana. Comment est-ce arrivé, dans quel contexte?
Alain : Je connaissais une fille au primaire, que je n’avais pas vu depuis ce temps-là quasiment… je l’ai peut-être vu au secondaire, mais je ne l’ai pas revu depuis ce temps-là. Elle m’est arrivée un jour en me disant qu’elle travaillait pour l’ambassade du Guyana et qu’ils cherchaient des artistes. L’ambassade voulait un spectacle de possiblement Fred Pellerin et nous, parce qu’elle nous avait suggérés parce qu’elle savait qu’on faisait de la musique. Comme Fred Pellerin, c’est du conte et que c’est un pays qui n’est pas francophone, ils ont préféré prendre le projet musical, et on a été envoyé là-bas. On a passé une semaine dans les deux pays. Ça a tombé en même temps que ma fête en plus.
Geneviève : C’était assez extraordinaire de voir et de vivre …
Alain : … et de faire voyager la musique au-delà de la langue.
Geneviève : On est habitué, nous autres, à écouter de la musique en anglais, mais le contraire aussi se peut! C’était impressionnant de le vivre comme ça, que nous autres on devenait de la musique du monde dans leurs oreilles. C’est spécial.
Alain : Même que là-bas, ce sont des pays qui ne reçoivent pas beaucoup de musique et de spectacles en général. Ils nous ont dit « ne soyez pas surpris si personne n’applaudit, ils ne sont pas habitués à voir des spectacles… » Finalement, c’était vraiment cool! Le premier spectacle était dans un énorme centre commercial avec un bar extérieur. Ça tombait en même temps que la Saint-Patrick aussi…
Geneviève : On a séjourné à l’ambassade aussi! Grosse histoire qu’on va se rappeler toute notre vie! (rires)
Myriam : Donc, c’était quand même vraiment différent de ce que vous vivez normalement, ce n’est pas comparable à ce que vous vivez au Québec, en Ontario, en Acadie…?
Geneviève : À la base, de voyager ailleurs pour le travail, pour faire des spectacles, pour la musique, c’est déjà spécial. C’est sûr que quand on fait de la tournée au Québec et en Ontario, c’est ça, mais à une échelle différente, mais surtout parce que c’est moins dépaysant, comme on va rejoindre des gens d’autres régions qui ont peut-être des accents différents des nôtres, mais on se reconnait.
Alain : Là, c’était complètement dépaysant. On est arrivé là-bas et c’était comme si on était dans un autre monde.
Geneviève : Ben, on était dans un autre pays! (rires).
Myriam : Votre troisième album sera lancé en deux parties, la première va sortir en mai, la prochaine à l’automne, pourquoi avoir choisi de le lancer ainsi?
Geneviève : En fait, la création de cet album-là a été plus facile que ce qu’on avait pensé. Ça s’est tellement bien déroulé, tout est tombé où il fallait. On est rentré en studio en mars dernier, ça ne fait pas longtemps, on a enregistré l’album complet en cinq jours, on est sorti de studio et on se disait : « C’est tout? On a un album? Je n’ai pas rêvé? » Donc on ne pouvait pas attendre, on dirait que la musique avait hâte de sortir, les chansons étaient prêtes, mais en même temps, on voulait se donner la chance de faire peut-être un lancement devant des gens en présentiel. On a décidé de lancer une partie maintenant et l’autre moitié à l’automne pour se donner cette opportunité-là.
Alain : En espérant qu’on puisse le faire…
Geneviève : C’est aussi une façon de rester en contact avec le public d’une certaine façon vu qu’on le sort en deux parties, faute de pouvoir être en personne avec les gens, on est là deux fois plus pour notre lancement. À la base, on avait le projet de faire un EP, c’est juste qu’on avait trop de chansons, donc on a fait deux EPs (rires).
Myriam : Le 10 mai vous avez présenté une série de six chansons dans six lieux représentatifs pour vous. Comment avez-vous fait vos choix? Comment avez-vous décidé de pairer telle chanson avec tel lieux, par exemple?
Alain : Les lieux n’ont pas été très difficiles à trouver. On a fait une liste de dix lieux qui avaient du sens pour nous.
Geneviève : Les chansons n’ont pas toujours un lien avec les lieux, mais ce sont des chansons qu’on avait envie de faire. C’était dans un but de raconter notre histoire par les lieux et par les chansons. Parfois, les chansons ont un lien avec le lieu, mais pas toujours. C’est comme deux histoires en un spectacle (rires).
Myriam : Voulez-vous nous parler un peu des lieux que vous avez choisis?
Alain : Oui! On joue à la salle Odyssée, qui est l’endroit où on a présenté le premier spectacle, l’endroit où on s’est rencontrés. Ensuite on est allés chez le père de Geneviève.
Geneviève : On est allés jouer dans le milieu des poules, parce que mon père a un gros poulailler. On est allés aux Brasseurs du temps, où on a fait nos premiers spectacles ensemble et où Alain a fait tellement de spectacles avant qu’on sorte ensemble…
Alain : Les Brasseurs du temps, qui est une microbrasserie de Gatineau. On est allés dans la salle de brassage. C’était la première fois que j’allais de ce côté-là! J’ai passé beaucoup de temps aux Brasseurs du temps dans ma vie, mais maintenant ça fait sept ans que je ne bois plus. C’était spécial de me retrouver dans une salle de brassage, c’était vraiment cool.
Geneviève : On est aussi allés au Zibi, le site qui est entre le Québec et l’Ontario : il a une partie de chaque côté. On a choisi cet endroit parce que le spectacle s’appelle entre le Québec et l’Ontario, il y a des lieux des deux provinces, car moi je suis native de l’Ontario, Alain du Québec donc c’était une façon de représenter les deux provinces. Sur ce site-là, on a eu la chance d’expérimenter la formule drive-in avec les spectacles devant les voitures. Je pense que ça va nous avoir marqués à vie (rires). C’était pour le Bluesfest d’Ottawa en première partie de Patrick Watson. Après, on vous invite ici chez nous et on termine dans le ballon d’une montgolfière parce qu’on a fait nos plus gros spectacles au Festival des montgolfières à Gatineau.
Alain : Là où on s’est rencontrés, dans le spectacle du secondaire qu’on parlait tantôt, ils avaient un partenariat et ils organisaient des spectacles avec le Festival des montgolfières de Gatineau.
Geneviève : Donc on y est allés souvent pour jouer. Ça représentait quelque chose d’important pour nous deux.
Alain : Ils nous ont passé une montgolfière, donc on était vraiment content.
Geneviève : C’est assez spécial! Ce sont des lieux un peu inusités, à part la salle Odyssée peut-être, ce sont tous des endroits que l’on n’aurait pas pensé faire des spectacles. On pense que ça va être intéressant pour l’œil!
Myriam : Vous en avez parlé, de votre expérience de ciné-parc de l’été passé, qu’est-ce qui vous attend cet été? Est-ce qu’il y a des expériences similaires qui vous attendent?
Geneviève : Il y a des spectacles normaux qui s’organisent, on essaie de retourner à cette formule-là. On est programmé au Festival de Tadoussac, sinon on se boucle des spectacles en plateau double avec Céleste Lévis. Je ne sais pas si c’est confirmé, mais on est censé venir à Montréal et Québec au mois de juin. Ça commence à rentrer, on verra si ça a lieu ou pas, c’est tout le temps ça. On est tout le temps en train de booker débooker, mais on espère ne plus avoir à débooker. Il y a toujours des choses qui s’en viennent.
Myriam : Si vous pouviez prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question vous poseriez-vous, en y répondant?
Geneviève : Si on pouvait retracer quelqu’un pour vous donner la chance de lui dire merci, ce serait qui? J’aurais envie de remercier mon prof de musique du primaire, à l’école Massé. J’étais dans le programme de Concentration musique et M. Maurice m’a beaucoup marquée. C’est certainement une de mes grandes influences qui fait que j’ai choisi ce métier-là. Je n’ai jamais eu la chance de le recroiser pour lui dire.
Alain : Est-ce que vous avez des animaux ? Oui ! On a une chienne tannante qui s’appelle Mouffe (Border Aussie), 2 chats ; Boubou et Yogi. On a déjà eu des cailles, un lapin qui s’appelait Papi et des poules ; Corneille, Garou et Roch Voisine. (NDLR : Les Forever Gentlemen, bon choix! ????)
Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
G : « Cette nuit papa » de Pied de Poule, chanté par Carl Poliquin
A : « And So It Goes » de Billy Joel, une chanson qui vient me chercher à tout coup… Je déprimerais sûrement à l’écouter sur repeat par exemple !
Ta chanson de rupture préférée?
G : La 1re fois que je me suis fait laisser, ado, on m’avait suggéré d’écouter « Solsbury Hill » de Peter Gabriel. Ce que j’ai fait en boucle.
A : Encore « And So It Goes » de Billy Joel, une chanson que j’ai découvert par une version instrumentale de cette même pièce. Ça m’a bouleversé quand j’ai entendu la version originale.
Ta chanson d’amour préférée ?
G : Je pense que ce serait « Mon amour », la chanson d’amour qu’on s’est écrit à nous-mêmes haha !
A : « Still Crazy After All These Years » de Paul Simon.
Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
G : Double Magnum
A : Geneviève Racette, une amie auteure-compositrice-interprète qu’on aime beaucoup Geneviève et moi !
Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
G : Le 1er ou le 2e album de HAIM
A : Le dernier album de Taylor Swift , « Evermore ». Il joue sur repeat dans mes écouteurs depuis sa sortie.
La chanson qui te rend le plus heureux ?
G : Le classique « Don’t Worry Be Happy » de Bobby McFerrin
A : « Queen of California » de John Mayer, sur l’album Born & Raised. Dès que ça part, il y a un sourire sur mon visage à tout coup !
Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
G : ABBA
A : Tommy Emmanuel, un guitariste australien pour qui la guitare n’a plus de secret. Au-delà de son talent, c’est sa générosité en tant qu’artiste qui m’inspire le plus !
La chanson qui t’obsède en ce moment?
G : Je suis tombée sur « Higher Power » de Coldplay hier dans une playlist en courant. Je n’ai jamais autant aimé courir que pendant ces 4 minutes-là !
A : « Beyond », de Daft Punk ! Quand le célèbre groupe Daft Punk s’est séparé récemment, j’ai réécouté leurs albums et cette chanson-là joue pas mal depuis !
Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
G : Y en a une tonne… ! La 1re qui me vient en tête en ce moment ce serait « Quand les hommes vivront d’amour » de Raymond Lévesque
A : « Rêver mieux » de Daniel Bélanger !
Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
G : Oh là là ! Ça change tout le temps ! Je crois qu’en ce moment, c’est une des chansons qui n’est pas encore sortie, qui se retrouvera sur la 2e partie de l’album qui sortira à l’automne. Elle s’appelle « Reviens ». Je n’avais jamais rien composé de semblable avant.
A : « Chemin Freeman », de mon premier EP du temps où je jouais en solo… cette chanson me suit depuis longtemps et c’est une chanson qui me représente encore bien.