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On vous présente : Mélanie Venditti

Projetez-vous dans la pop aérienne de Mélanie Venditti


© Mélanie Venditti, photo de Kelly Jacob

Par : Myriam Bercier

MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, je vous présente Mélanie Venditti.

Mélanie Venditti est une autrice-compositrice-interprète-réalisatrice-altiste (violon alto). Elle participe aux Francouvertes en 2017 et lance un EP sans titre la même année, dont l’une de ses pièces, Phare, est dédiée à sa mère schizophrène (« Quand tu somnoles et ne dis rien, j’oublie que tu es schizophrène » peut-on l’entendre chanter dans cette pièce de sa voix douce).

En 2019, elle revient avec son premier album, Épitaphes, un album intime et bouleversant. Épitaphes, c’est un album-concept du double deuil de l’artiste : la mort de sa mère et un amour incompatible. Cet album lui sert afin de dire tout ce qu’elle aurait voulu pouvoir dire à sa mère, dont elle apprend la mort en sortant du métro Mont-Royal, moment mis magnifiquement en musique dans la chanson Comme un film. Elle attendra près d’un an et demi avant de sortir cet album porté par sa voix douce et ondulante. Son écoute se fait d’un bout à l’autre, comme s’il ne s’agissait que d’une seule et unique pièce.

En avril 2021, c’est au tour de son deuxième EP Projections de voir le jour. On y retrouve un son plus électro que dans Épitaphes, un son évidemment plus sunny également, avec une rythmique de pop aérienne, le tout, soutenu par des paroles sérieuses sur les relations qui échouent et les partenaires désagréables. Cet album autoréalisé et autoproduit s’inspire du mouvement #MeToo.

J’ai eu la chance de parler avec Mélanie Venditti la semaine dernière. Nous avons parlé entre autres de ce qui l’a poussé devant la scène après avoir accompagné moult artistes, de sa pièce Je n’ai jamais vu de ciel si noir, de son rôle de réalisatrice sur Projections et de ses projets d’été! Sans plus attendre, voici notre discussion!

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amenée à faire de la musique?
Mélanie : J’ai fait une audition quand j’avais cinq ou six ans pour aller dans une école avec un volet musique, moitié académique moitié musique, à l’école Le Plateau à Montréal. J’ai été acceptée, puis à partir de la deuxième année, j’ai commencé à apprendre le violon et la flûte à bec (rires). Je faisais aussi de la chorale. […]

Myriam : Avant 2017, tu accompagnais des artistes émergents au violon, notamment Philippe Brach et Mathieu Bérubé. Quand as-tu décidé de te lancer dans ton projet solo? Quel a été l’élément déclencheur?
Mélanie : En 2017, j’ai commencé à monter des chansons avec des amis musiciens, puis je me suis inscrite aux Francouvertes et j’ai été prise! Donc là, ça me donnait comme un but, une échéance… c’est vraiment ça, l’élément déclencheur.

Myriam : Qu’est-ce qui t’inspire pour créer une chanson?
Mélanie : C’est souvent quand je vis quelque chose de très fort sur le plan émotif ou que je vois quelqu’un vivre quelque chose de fort aussi. C’est vraiment ça, ça part de sentiments beaucoup.

Myriam : As-tu un processus de création que tu utilises toujours?
Mélanie : Habituellement, je crée la musique avant les paroles. Mais là, avec mon dernier EP, j’ai essayé de faire l’inverse. Essayer de créer la mélodie de voix d’abord, avoir des idées de texte d’abord, de chercher ensuite des accords qui fitent au piano. Parce qu’habituellement, je prends ma guitare et c’est plus intuitif, instinctif. Le piano, ça me ramène à quand j’étudiais la musique, c’est plus… je vois plus ce que je fais, je comprends mieux ce que je fais, et c’est le fun ce processus-là.

Myriam : Tes EP et ton album ont un son vraiment différent, comment développes-tu ton son?
Mélanie : Je vois vraiment mon deuxième EP comme la suite du premier, je trouve que les EP se ressemblent plus que l’album. L’album, je le vois vraiment comme une grosse parenthèse entre les deux parce que je vivais ce que je vivais, j’avais perdu ma mère donc c’était une façon de me sortir de ce deuil-là, c’était hyper cérébral, je pensais beaucoup à ça, alors que mes EP c’est plus dans le let it go, dans le « ah, j’ai une idée de son pour ça, ben je vais y aller », je ne me pose pas de questions à savoir quel son je veux vraiment. Je ne fais que faire des choses que j’aime, et j’aime beaucoup de sons, de genres de musique. Je ne veux pas me restreindre à un son ou une esthétique. C’est important pour moi qu’un artiste ne reste pas stationnaire dans son art.

Myriam : Tes textes sont quand même assez personnels, tu viens d’en parler, ton album a été fait après la mort de ta mère, je pense notamment au malaise que peut causer Je n’ai jamais vu de ciel si noir de par l’intimité du texte, est-ce que parfois tu te censures ou tu te laisses complètement aller?
Mélanie : Je te dirais que sur mon album, il y avait beaucoup moins de censure, c’est vraiment au je, c’est vraiment super direct mon rapport avec les chansons, alors que pour mon EP dernièrement j’ai essayé de me dissocier un peu des chansons. Des fois, le je c’est moi, mais des fois ce n’est pas moi, des fois le tu ça peut être moi… j’ai l’impression que les textes de mon dernier EP seront moins malaisants peut-être (rires).
Myriam : Je pense que c’est quand même un beau malaise. En lisant sur toi, c’était souvent ça qui ressortait, le choc que crée cette chanson-là, donc je voulais te demander si tu te censures ou pas du tout. Ce n’est vraiment pas « cette chanson m’a choquée et je ne peux plus jamais l’écouter », c’était vraiment la question de la censure…
Mélanie : Il y a vraiment beaucoup de gens qui m’ont parlé de cette chanson-là en particulier, et pour moi c’était une des moins… j’avais l’impression que c’était celle qui était une des plus faciles à écouter. C’est drôle ce qu’on perçoit de nos propres chansons versus les gens qui les écoutent. J’avais l’impression qu’il y en avait d’autres qui étaient bien plus intenses.
Myriam : Peut-être que ça s’inscrivait plus dans un truc personnel pour toi? Je pense que à Comme un film, par exemple, celle-là, pour moi elle est frappante, je trouve que c’est l’une de tes plus frappantes, je me suis demandé ce qui venait de se passer, beaucoup plus que Je n’ai jamais vu de ciel si noir… C’est probablement une expérience partagée ou quelque chose comme ça… J’ai l’impression que, ce qui frappait les gens, c’était l’intimité du « ça ne marche pas notre relation, tu as essayé et ça n’a pas fonctionné » et les gens se sont dit « ça m’est déjà arrivé » je ne sais pas…
Mélanie : J’avoue que cette chanson-là… je trouve ça important qu’on ose ne pas se mettre dans un beau rôle dans une chanson, parce que je trouve que souvent on se sublime soi-même à travers nos chansons, on veut souvent avoir le dernier mot, on veut tout le temps paraître mieux. C’est important pour moi, dans mon album Épitaphes, de ne pas faire ça. C’est sûr qu’on n’est pas parfaits… écoutes, ça arrive de ne pas se faire aimer par l’autre, et c’est bien correct, il ne faut pas en avoir honte.

Myriam : As-tu trouvé ça difficile de te remettre à la table à dessins après cet album très personnel et intime?
Mélanie : C’était tout le contraire en fait. Ça a été vraiment fluide, je ne suis pas une fille qui s’installe et qui se dit « là, il faut que j’écrive ». Je laisse vraiment ça venir à moi. Pour moi, c’est toujours naturel d’écrire, il n’y a jamais de force, et je ne veux pas qu’il y en ait.

Myriam : Je sais que tu as produit et réalisé ton dernier EP, Projections, comment ça s’est passé?
Mélanie : Ça s’est full bien passé, mais c’est sûr que c’est plus difficile d’avoir du recul sur ses propres chansons. J’ai comme objectif de carrière de réaliser d’autres artistes dans un avenir proche, mais l’affaire c’est que souvent, quand on est une femme, on ne nous donne pas l’occasion de le faire. C’est pour ça qu’il y a beaucoup d’artistes comme moi qui s’autoréalise dans le but de montrer que « moi aussi je suis capable, essayez-moi! » Au départ, c’est vraiment parce que je n’avais plus de budget pour engager quelqu’un pour m’aider, donc je me suis dit « je vais le faire moi-même et en plus, je sais que je suis capable ». C’est un peu plus difficile de le faire pour ses propres chansons parce qu’on n’a pas de distance, mais en même temps, c’est vraiment le fun d’avoir le contrôle sur tout et d’essayer de se distancier de ses chansons. C’est un bel exercice, je trouve, à faire. Je ne le ferais pas tout le temps par contre (rires).
Myriam : Est-ce que tu penses que c’était un one time deal dans le sens où tu vas le faire une fois, ou est-ce que tu penses que tu vas le refaire, mais entretemps ça se peut que tu retournes travailler avec d’autres gens puis qu’après tu le refasses toi-même?
Mélanie : Deuxième option. Je pense que je vais le refaire, mais je pense que j’ai envie aussi de collaborer avec du monde. Je trouve que pour un EP c’est parfait, parce que tu ne vas pas t’aliéner trop sur six chansons, mais quand tu en as douze, ce n’est pas pareil. C’est le fun de se laisser la liberté de se dire « je ne vais peut-être pas le refaire, je vais peut-être le refaire, on verra ce qui va arriver. »

Myriam : Qu’est-ce qui t’attend en 2021?
Mélanie : Plein d’affaires. Entre autres, peut-être un deuxième EP parce qu’en fait j’avais commencé un album puis je l’ai séparé en deux parce qu’à ce moment-là, je n’ai pas eu la subvention que je convoitais, parce que tous les artistes se sont mis à écrire en même temps et tout le monde a demandé ses subventions en même temps, donc c’était hyper contingenté, donc je me suis dit « je vais sortir moins de chansons et les répartir ». Il y a d’autres chansons qui s’en viennent. Durant cette année, j’ai travaillé avec d’autres artistes que leurs chansons vont sortir, je vais continuer de faire du studio, d’accompagner d’autres gens. Ce n’est jamais pareil et c’est ça qui est le fun.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Mélanie : Quels sont tes projets pour cet été?
Finir mon troisième EP (ou peut-être album), quelques shows, une résidence artistique au Moulin du Bic, déménager dans ma nouvelle demeure, finir Pokémon Snap à la switch, du studio et des arrangements à composer pour d’autres artistes, faire un vidéoclip, jardiner.

 

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Je crois que ce serait une pièce instrumentale, quelque chose que j’aime écouter à répétition comme dlp 1.1 de l’album The Disintegration loops de William Basinski

2. Ta chanson de rupture préférée?
Ce n’est pas vraiment une chanson de rupture, mais mettons quand tu fréquentes quelqu’un, et que ça doit se terminer …
I’m not in love de Kelsey Lu

3. Ta chanson d’amour préférée?
Reste de Constance

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage?
Constance

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Il y a un temps dans ma vie où j’écoutais presque chaque soir avant de m’endormir Tabula Rasa de Arvo Pärt

6. La chanson qui te rend le plus heureux?
J’espère que pas trop de gens vont rire de moi ici, mais depuis l’adolescence, la chanson qui me rend la plus heureuse, c’est Island in the sun de Weezer

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup?
Weyes Blood, je suis en amour avec elle

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
C’est pas qu’elle m’obsède, mais je l’écoute beaucoup, Sushi Solitude de Thaïs

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Voilà de Françoise Hardy

10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
Je n’ai jamais vu de ciel si noir