Quand le talent et l’intensité sont au rendez-vous!

Par Lynda Ouellet
C’est ce samedi 23 novembre à la salle Wilfrid-Pelletier que l’Opéra de Montréal nous a présenté l’œuvre du créateur Janáček. Mise en scène par Atom Egoyan, cet opéra traite de sujets dramatiques tels que la jalousie, la grossesse illégitime, le crime, la violence et la rédemption. Quelle anticipation pour l’auditoire que d’y assister dans une atmosphère pratiquement moderne.
La cheffe d’orchestre Nicole Paiement a dirigé les musiciens de l’Orchestre métropolitain avec excellence laissant toute la place à l’expérience théâtrale et musicale. Chanté en tchèque, avec sous-titres anglais et français, Atom Egoyan a su habilement concocter une ambiance scénique qui a mis en valeur tout le talent des chanteurs.
Tristesse, violence et espoir!

Au premier acte, Jenůfa aime Steva, il est beau mais irresponsable. Elle est enceinte de ce beau charmeur narcissique. Laca, son demi-frère, est amoureux fou de Jenůfa et sa jalousie dévorante lui fait commettre un geste ignoble ; il la défigure. Arrive la mère adoptive, sèche et rigoureuse, qui refuse à Steva la main de Jenůfa. C’est dans la place publique que se déroule cet acte.

Au deuxième acte, nous sommes dans la maison de la mère adoptive prénommée la Kostelnička. Suite à la naissance du bébé de Jenůfa, Kostelnička craint le scandale car Steva, lâchement, refuse d’épouser Jenůfa. Tandis que Laca, repentant et sincère, veut toujours l’épouser. Toutefois, seulement si l’enfant est mort. Prétextant sauver Jenůfa de son horrible destin, Kostelnička emmène l’enfant et le jette dans la rivière glacée.

Pour la finale, le troisième acte, on se retrouve dans une salle de banquet. Croyant que son enfant soit mort naturellement pendant son sommeil, Jenůfa accepte la demande de mariage de Laca. Pendant la cérémonie, la nouvelle tombe, l’enfant retrouvé dans la rivière est celui de Jenůfa. Kostelnička avoue son crime. Là où on est un peu ébahi, c’est que Jenůfa comprend son geste et lui pardonne. Et tout se termine lorsque Laca s’engage malgré tout à faire sa vie avec Jenůfa, malgré ses malheurs dont elle se dit être responsable. Ils finissent ensemble. Pour cela, le public devait faire un effort et revenir à la morale pré-révolution tranquille pour assimiler toute cette pensée d’alors.
Là où nous avons accroché vraiment, c’est dans la prestation formidable de tous les chanteurs. Ils étaient nombreux : Marie-Adeline Henry (Jenůfa), Katarina Karnéus (Kostelnička), Edgaras Montvidas (Laca) et Isaiah Bell (Steva) pour ne nommer que ceux-ci. Aucune faiblesse d’aucun, cet opéra, d’une grande acuité, a exigé de leur part de transmettre l’intensité dramatique et la subtilité des sentiments dans une partition qui exigeait une totale maîtrise de leur voix. L’auditoire a compris la tension morale autour de la Kostelnička. Le meurtre de l’enfant nous heurte. La tragédie, nous la ressentons.
La musique, la mise en scène et les décors pour amortir les émotions!

Que dire de la direction musicale de l’OM par Nicole Paiement. Ici, pas d’airs qui nous trotteront en tête au retour. La musique sert le thème, la prose musicale est directe, une rythmique alignée sur le drame, pas de temps morts.
Egoyan est un maître de la mise en scène et nous l’a démontré une fois de plus. À première vue, pas d’artifices extravagants, quoiqu’il nous ait réservé quelques surprises et quelques effets scéniques. Jamais ceux-ci n’ont porté ombrage aux chanteurs. Une transposition moderne, chapeau à la conceptrice des décors et des costumes, Debra Hanson, qui a su apporter la touche contemporaine.
Aller à l’Opéra, c’est souvent voir des valeurs sûres et traditionnelles. Avec Jenůfa, on découvre un opéra révolutionnaire par son sujet et ses émotions. Les représentations se poursuivent les 27 et 30 novembre. Il faut voir.


