Camouflage écrit
Le 18 octobre dernier, le théâtre Quat’sous présentait la première de la pièce Parent et amis sont invités à y assister mise en scène par Christian Lapointe sur un texte d’Hervé Bouchard. Disons-le tout de suite, ce spectacle s’adresse à un public averti. L’écriture de l’auteur prend beaucoup de place sur l’histoire, dissimulant des malheurs ordinaires derrière une poésie québéco-québécoise, à mi-chemin entre Marc Favreau et Réjean Ducharme.
Le récit nous raconte l’effet de plusieurs décès sur une famille du Saguenay, à moins qu’il ne s’agisse du récit de leur vie où la mort sévit. L’œuvre est suffisamment hermétique pour nous laisser de la marge de manœuvre, octroyant libre cours à notre interprétation. Le sens n’y est pas essentiel. La perte de sens, ou même son absence, agit d’ailleurs comme un fil conducteur.
Le personnage principal, la mère, se trouve prisonnière d’un carcan que l’auteur a rendu joli, mais dont on ne comprend pas bien l’origine. Est-ce la mort de son mari qui lui a scié les membres, la disparition de l’un de ses enfants ou tout simplement les vicissitudes d’une vie difficile? La réponse est inutile et s’égare dans le présent, comme dans le passé et le futur.
La mère croit représenter le centre, mais en fait elle flotte en périphérie. Le centre c’est le texte, avec ses syllabes sifflantes comme « scier », « chier », « chien ». Un texte qui a mal à quelque chose, mais qui ne le nomme jamais clairement.
Ce texte transformé en pièce de théâtre est porté par une équipe d’acteurs solides, tels des atlas, les épaules endolories d’un monde trop lourd de mots. Notons la redoutable efficacité vocale d’Ève Pressault qui anime ses personnages malgré le masque anonyme dont on a affublé les comédiens. Des masques qui bloquent parfois la perception de l’avalanche poétique.
Ainsi, dans une forêt de symboles, on a masqué les individus et camoufler l’ordinaire. L’imprécision de tout ça nous laisse sur notre faim, mais nourrit nos questionnements.
Les autres interprètes sont Sylvio Arriola, Lise Castonguay, Tiffany Montambault et Gabriel Szabo. Les billets pour le spectacle sont disponibles sur le site du Quat’sous.