Délicieusement cru et nutritif
Par : Marie-Claude Lessard
En 2011, The Simpsons a parodié le célèbre studio d’animation Pixar en présentant, dans un épisode, un court-métrage intitulé Condiments. Ce segment, appliquant à la lettre les méthodes de dessins qui font la renommée du studio, mettait en vedette des aliments (une gaufre, un pot de beurre d’arachide, une bouteille de ketchup…) tentant de s’enfuir pour ne pas être les victimes des fringales des humains. Party de saucisses, film de Greg Tieran et Conrad Vernon, qui prend l’affiche aujourd’hui, semble être, de par ses personnages et ses procédés techniques, un prolongement (involontaire?) à Condiments. Une continuation drôlement plus irrévérencieuse interdite aux moins de 16 ans. Parce que oui, malgré ses affiches colorées aux abords inoffensifs, le long-métrage de 90 minutes n’incarne en rien un film d’animation conventionnel qui s’adresse aux enfants. Parents, vous êtes avertis : cette offrande risque de traumatiser votre progéniture à vie!
Même les gens majeurs et vaccinés de ce monde sortiront d’une projection de Sausage Party complètement chamboulés. Du propre aveu du comédien canadien Seth Rogen, l’un des scénaristes du film ainsi que la voix anglaise du personnage principal, le script repousse les limites de la vulgarité afin que les blagues que les créateurs souhaitaient le plus conserver passent le test de la censure. D’un point de vue comique, cette décision donne droit à de jouissifs moments de franche hilarité. Les gags et irrésistibles clins d’œil à des personnalités connues, pour la plupart extrêmement crus, étonnent et séduisent car ils propulsent la comédie d’animation à un tout autre niveau, encore plus déstabilisant et rafraîchissant que celui affiché dans Team America. La moralité déficiente de certaines intrigues déclenchent forcément des rires jaunes, car, face à des images fuckées dans le simple but de l’être, les spectateurs ne savent tout simplement pas comment réagir.
Cette comédie, qui a pris plus de 10 ans à voir le jour car bien des studios étaient réticents à la produire, présente un synopsis d’apparence simple qui dissimule pourtant des réflexions pertinentes. Des aliments en vente dans un immense supermarché croient que, lorsque des humains les choisissent pour être dans leur panier, se dirigent dans un paradis où ils vivront enfin libres… et pourront baiser comme des bêtes avec n’importe quel aliment (ou être vivant) qui leur plaira! Frank la saucisse et Brenda le pain brioché souhaitent être sélectionnés par la même personne afin de consumer enfin leur amour. Or, lorsqu’un pot de moutarde au miel retourne au magasin et raconte l’aventure cauchemardesque qu’il a vécue, tous les aliments seront confrontés dans leurs valeurs. Qui dit vrai? Est-ce qu’un paradis existe réellement? Est-ce qu’une croyance est meilleure qu’une autre? Ce parallèle avec la religion, et toutes les atrocités qu’elle entraîne présentement sur la planète, bénéficie ici d’un traitement habile qui, sans jamais alourdir le ton léger de l’oeuvre, provoquera sans l’ombre d’un doute bien des discussions dans les chaumières. Évidemment, ce propos d’ordre philosophique se noie par moments, particulièrement lors du traumatisant mais irrésistible acte final, dans un humour gore sans fondement. Même si certains passages n’apportent rien de pertinent et qu’ils existent que pour choquer, force est de constater que cela fonctionne magnifiquement!
Les personnages sont bien développés. Les artisans ont réussi à extraire le potentiel comique des caractéristiques physiques et les fonctions uniques à chaque aliment, ce qui crée comme résultat des répliques absolument truculentes. Les artistes qui campent les protagonistes font preuve d’un brillant sens de l’autodérision, tout spécialement l’humoriste Adib Alkhalidey qui interprète la voix québécoise d’un pain pita rempli de préjugés. De son côté, Réal Béland interprète le méchant de l’histoire, rien de moins qu’une douche vaginale mal engueulée qui ne manque pas de piquant! On espère que Party de saucisses connaîtra un vif succès commercial et critique afin qu’il engendre des petits tout aussi cinglants!
Le film est à l’affiche depuis le 12 août.
Note : 3.5/5
Texte révisé par : Matthy Laroche