Rien de bien mauvais dans ces herbes!
©Éric Yainiri/MatTv.ca
Afin de faire référence au titre Les Mauvaises Herbes, le traditionnel tapis rouge a changé pour une couleur plus appropriée : le vert gazon. Agrémenté de (fausses, rassurez-vous) feuilles de pot, ce dernier a été l’hôte de bien des réjouissances entre les artisans du film et d’estimables collègues comédiens. Très attendu, le plus récent film de Louis Bélanger a attiré la crème du showbiz québécois au Cinéma Impérial lundi dernier. On y retrouvait notamment Élise Guilbault, Antoine Olivier-Pilon, Pierrette Robitaille, Louise Portal, Macha Grenon, Yves Jacques, Sylvie Moreau, Sandra Dumaresq et Vincent Bilodeau.
Le long-métrage relate les déboires financiers de Jacques (Alexis Martin), un acteur modérément connu qui ne parvient plus à contrôler sa passion pour les machines à sous. Poursuivi par un dangereux créancier (Luc Picard) et ses comparses, Jacques s’enfuit dans un autobus qui le conduit dans un trou perdu dans les Laurentides. Là-bas, il fait la connaissance de Simon (Gilles Renaud), un agriculteur solitaire qui cultive du pot en catimini afin de payer une propriété de rêve à son fils (Patrick Hivon) qui ne lui adresse plus la parole depuis des années. Malgré lui, Jacques devient en quelque sorte son otage. S’ajoute involontairement au trio, Francesca (Emmanuelle Lussier Martinez), une jeune employée pour Hydro-Nord qui est venue vérifier les compteurs de la demeure. Entre ces trois personnages, une amitié touchante et inusitée se formera. Lien que la réalité extérieure ternira malheureusement…
Forte d’une critique élogieuse publiée dans The Hollywood Reporter et de son passage remarqué au Festival de Santa Barbara en Californie où elle a fait l’objet d’une supplémentaire à la demande du public, la comédie noire Les Mauvaises Herbes est le fruit d’un travail de longue haleine entre Alexis Martin et Louis Bélanger. Pendant qu’ils tournaient le drame Route 132 en 2009, film qu’ils ont également cosigné, les deux scénaristes cogitaient sur un projet qui aurait pour thèmes principaux l’hiver et la ruralité. Le produit final reflète, en effet, un séduisant esprit campagnard. Au sujet du processus d’écriture, Alexis Martin et Louis Bélanger m’ont confié qu’ils adorent s’échanger la balle. Ils se complètent bien. Ils savent comment tirer profit au maximum des idées de l’autre et procéder aux coupures obligées de certaines scènes, une étape complexe, mais fondamentale me déclare Martin.
Filmer pendant une vingtaine de jours en février, dans le grand froid québécois, comporte son lot de désagréments. Les acteurs ont expérimenté à la dure les températures glaciales des Laurentides. Le thermomètre descendait jusqu’à -39 degrés lors de certaines journées! Si Alexis Martin et Emmanuelle Lussier Martinez ont trouvé les conditions météorologiques extrêmement difficiles, Gilles Renaud, en revanche, m’a avoué que son corps a appris à la longue à les endurer. Ceci dit, les paysages hivernaux ont donné droit à des plans d’une beauté extraordinaire. Le froid redoutable en a valu la peine!
Chaudement applaudi après la projection du film, Louis Bélanger avait raison d’exhiber un large sourire de satisfaction. Il a accouché d’une comédie dramatique imprévisible et absolument rafraîchissante. En guise d’ouverture, un plan séquence mettant en scène Alexis Martin marchant dans la rue au son d’une trame sonore jazz renvoie instantanément à Birdman, œuvre sacrée « Meilleur film » aux Oscars il y a un an. Même si Louis Bélanger a indiqué qu’il avait élaboré cette scène des lunes avant la sortie du film d’Iñárritu, cette dernière donne parfaitement le ton au film. Avec un scénario au synopsis aussi déjanté explorant la solitude, les rêves, la maladie, l’homosexualité et le vivre ensemble, il aurait été facile de tomber dans un n’importe quoi incompréhensible. Or, Martin et Bélanger ont réussi à maîtriser adéquatement le délire proposé. Les personnages sont bien développés, les images hypnotisent et la musique endiablée signée Guy Bélanger accompagne à merveille le tout.
Grâce à l’irrésistible chimie que partagent les têtes d’affiche, le trio d’abord farfelu devient crédible. Sans s’en rendre compte, on s’attache grandement à cette famille atypique. Alexis Martin fait preuve d’une grande vérité. Emmanuelle Lussier-Martinez, véritable révélation, impressionne par son charisme et son accent singulier. Gilles Renaud offre encore une fois une performance déstabilisante qui va droit au cœur. Même s’il n’est présent que dans une seule scène, Patrick Hivon livre une prestation particulièrement touchante.
Les Mauvaises Herbes prendra l’affiche partout au Québec dès le 11 mars 2016. De plus, il ouvrira en primeur le Festival du film de l’Outaouais le 17 mars prochain.
Crédit photos : Éric Yainiri/MatTv.ca