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Prix littéraires GG Books 2017 : les gagnants

Diffuseur de talents et de littérature

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© livresgg.ca/#gagnants

Par : Johanne Mathieu

Le mercredi 1er novembre dernier, l’annonce des gagnants pour les Prix littéraires du Gouverneur général 2017 avait lieu à Ottawa, présentée par le Conseil des arts du Canada.

Fondés en 1936, les Prix littéraires GG Books font partie des plus anciens et des plus prestigieux prix littéraires canadiens. Le Conseil des arts s’occupe de la finance et de l’administration, en plus d’en assurer la promotion depuis 1959. Les finalistes sont choisis par des comités de pairs formés pour chacune des catégories, soit sept en français et sept en anglais. Les Prix littéraires du Gouverneur général font la promotion de la littérature canadienne afin d’inciter les Canadiens à la lecture.

Ils étaient 70 finalistes, et parmi eux, 14 sont les heureux gagnants d’une littérature canadienne florissante. MatTv.ca a interviewé trois de ces gagnants : Serge Bouchard, Louise Dupré et Véronique Drouin.

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© Le Devoir

Serge Bouchard, le conteur nostalgique

Serge Bouchard vient de gagner son tout premier Prix littéraire du Gouverneur général, dans la catégorie essais, pour Les yeux tristes de mon camion. Le livre regroupe une trentaine de courts essais imprégnés de la nostalgie, qu’il soit question de Massassoit, le vieux sage de la nation wampanoag, de Jean-Baptiste Faribault et de Jean-Baptiste-Eugène Laframboise, aventuriers canadiens qui ont bâti l’Ouest américain, ou de la tante Monique de Santa Monica.

Et puisqu’il est autant question de nostalgie dans cette œuvre, qu’est-ce qui rend Serge Bouchard le plus nostalgique du passé? « Dans mon cas, c’est simplement le temps qui passe et la jeunesse qui s’en est allée. C’est des souvenirs, c’est tout un monde qui m’habite, qui m’habite encore et qui va m’habiter jusqu’à ma mort. Un monde qui appartient aux gens de ma génération et qui n’existe plus et qui existe simplement pour moi. Y’a rien de plus humain que de se souvenir d’époques, de contextes, de ceci et de cela. » Selon l’auteur, Les yeux tristes de mon camion est un livre sur le temps qui passe, sur la temporalité, sur le temps qui a passé.

Pour lui, il n’y a cependant pas d’époque particulière qu’il a affectionné plus qu’une autre, qu’il a trouvé plus belle, si ce n’est peut-être ici et maintenant. « Je suis très heureux. Je suis très content. Quand on a atteint la maturité, quand on a atteint une certaine sagesse… On se détend un peu. » Son enfance a aussi été pour lui une très belle époque. « J’ai eu une enfance heureuse, ce qui veut dire que la plus belle époque, ça peut avoir été mon enfance, avec les yeux du merveilleux, les yeux de l’innocence. Donc, c’est une époque très, très éloignée d’aujourd’hui. Beaucoup plus que l’on pense. On pourrait penser à une année, mais c’est plus que des années, des décennies. C’est un monde qui est complètement différent. » Selon M. Bouchard, l’époque d’autrefois est un monde préhistorique qui n’existe plus.

Et qu’est-ce qui différencie cette époque de notre époque actuelle? « C’est la vision du monde, c’est la révolution numérique. C’est les écrans, c’est les objets, c’est le confort, c’est les jouets. Je me souviens que la télévision est arrivée chez nous en 1955. C’est pas du tout, du tout le même monde. On n’avait pas les mêmes objets, on n’avait pas les mêmes cadeaux, les mêmes activités. Même comme adulte, j’ai vécu une vie dans laquelle on n’avait pas d’ordinateurs. On n’avait pas d’ordinateurs personnels, on n’avait pas de téléphones cellulaires… Tout ce qui constitue la vie d’aujourd’hui. »

Serge Bouchard trouve également que la littérature d’aujourd’hui a bien changé, par rapport à celle qui se faisait auparavant. « C’est le problème de la littérature aujourd’hui. Tout le monde écrit, tout le monde s’autorise à écrire, y’a pas tellement de paramètres, ce qui fait qu’on mélange à peu près tout, et la vraie littérature disparaît sous la montagne de publications. » Nostalgie, quand tu nous tiens… « Je dirais ceci : dans le monde ancien, le monde préhistorique dont je parlais, les rôles étaient mieux définis et moins interchangeables. On est en crise d’identité. Comme si on voulait tout, on veut être tout au complet. Et quelqu’un peut s’improviser auteur, quelqu’un peut avoir trente ans et écrire sa biographie. Y’en a trop. Trop, c’est trop. Y’a trop de chansons, tout le monde se met à chanter, se met à faire des films… C’est correct, là. C’est un trait de notre civilisation, mais disons que ça vient mettre en l’air une certaine rareté des choses. »

Et en ce qui concerne les Prix littéraires du Gouverneur général, qu’est-ce que cette reconnaissance et ce prix représentent pour lui? « J’en suis bien heureux. Ça représente beaucoup, parce que ça fait longtemps que je suis sur le chemin, ça fait longtemps que je suis sur la route. Ça fait longtemps que j’écris, ça fait plusieurs livres que j’écris. Alors, j’ai exactement la bonne période pour recevoir des récompenses. Quand on est vieux, on reçoit des récompenses et on aime ça. »

Les yeux tristes de mon camion a été publié en 2016, chez Boréal. À la radio, à Ici Radio-Canada Première, il coanime l’émission C’est fou, chaque samedi soir, en compagnie de Jean-Philippe Pleau. Il donne aussi des conférences un peu partout, au Québec et au Canada, devant des publics variés et sur des sujets philosophiques et d’actualité. Pour en savoir plus, cliquez ici.

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© Éditions Bruno Doucey

Louise Dupré, le pari de l’amour

Louise Dupré en est à son deuxième Prix littéraire du Gouverneur général, dans la catégorie poésie, avec son recueil La main hantée. Elle avait aussi remporté ce prix, en 2011, pour son recueil Plus haut que les flammes.

Elle a découvert la nouvelle poésie québécoise autour des années 75-80. « C’est une poésie subversive, très, très moderne, et particulièrement la poésie des femmes. Alors, j’ai commencé à écrire dans ce mouvement-là, parce qu’il y avait des femmes, des femmes extrêmement intéressantes qui écrivaient, et ça m’a aidée beaucoup, stimulée à écrire, moi aussi. »

L’auteure, qui a étudié en lettres à l’université, n’a pratiquement étudié que des ouvrages écrits par des hommes, qu’elle aime beaucoup d’ailleurs. « J’aime beaucoup Baudelaire, Flaubert, Maupassant. » Mais très peu de femmes. « Quand j’ai découvert l’écriture des femmes, pour moi, ça a été comme une révélation. Je me suis dit : « J’ai peut-être quelque chose à écrire, moi aussi. » »

Louise Dupré a été marquée par l’œuvre d’autres auteures, comme Anne Hébert. « J’aimerais avoir écrit sa poésie. J’aimerais avoir écrit de ses romans, comme Kamouraska, comme Les fous de Bassan. » Mais il y a aussi des auteures plus récentes : « Nicole Brossard, Madeleine Gagnon, ce sont de femmes qui ont eu une influence sur moi, Florence Théoret aussi, Louky Bersianik. Plus près de nous, Denise Desautels, Louise Cotnoir. »

Ce qui l’inspire surtout, quand elle écrit, n’est pas tant en général, mais plutôt en particulier. Pour ce qui est du recueil La main hantée, elle part d’un événement très précis : la mort de son chat, qu’elle a dû faire euthanasier. Dans cette œuvre, elle part ainsi de cet événement, sur le fait de devoir décider de la vie et de la mort d’un être, de son chat. Elle se questionne ainsi sur sa propre capacité à tuer. « Je pars toujours d’un petit événement, d’une petite anecdote, et puis ensuite, je généralise. Alors, de là, je me dis, si je suis capable de faire tuer un chat, je suis capable de faire aussi tuer des êtres humains. De là, je remonte à nos racines, à nos racines animales, au Bien et au Mal qui sommeillent en nous. »

Il est ainsi question des manifestations de la cruauté dont nous sommes capables. Et selon elle, qu’est-ce qui peut sauver l’humain de la cruauté, de sa propre méchanceté? « Dans le livre, je réponds que c’est la solidarité, le fait d’être capable de dire « nous », de se dresser ensemble contre la méchanceté, mais aussi l’amour. L’amour, pour moi, en tout cas, je fais le pari de l’amour, pas l’amour érotique, mais l’amour de son prochain. Ce qu’il faut éveiller en nous, c’est notre capacité de compassion. Et je crois qu’aujourd’hui, c’est le pari. »

Et que représente ce prix pour elle, cette reconnaissance? « C’est un grand encouragement à continuer. Comme la poésie s’adresse à un petit nombre de personnes qui s’y intéressent, ça permet de mieux la faire connaître, parce que évidemment, ce prix-là donne une très bonne diffusion du livre, une diffusion au Canada anglais, et ça aide nécessairement à se faire connaître et à faire traduire le livre et à faire publier là-bas. »

Actuellement, Louise Dupré prépare un roman, qui devrait paraître d’ici un an ou deux. Elle se produit aussi régulièrement, participe à des spectacles. Récemment, elle était d’ailleurs la marraine du Marathon d’écriture de Québec, une belle expérience, selon elle, magnifique et stimulante.

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© La Tribune

Véronique Drouin, d’illustratrice à auteure

En plus de faire de l’illustration, Véronique Drouin est une auteure pour le moins polyvalente. Elle a à peu près touché à tous les types de littérature. Elle écrit en fait ce qui lui plaît d’écrire, elle y va au fil de l’écriture. Avec L’importance de Mathilde Poisson, un roman jeunesse, mais qui peut toucher un public plus « jeunes adultes », mais aussi adulte, elle gagne son premier Prix littéraire du Gouverneur général.

Ce livre nous plonge dans les questionnements de l’adolescence et de la vie de jeune adulte, en abordant des thèmes difficiles, comme le suicide. Malgré le côté sombre, quelle est la part de lumière de cette période parfois difficile à vivre? « La lumière, à l’adolescence, je dirais que c’est vraiment parce que c’est l’âge de tous les possibles. Disons que la page est blanche. On peut aller dans la direction qu’on veut, y’a pas de balises, on peut essayer de tout. Je m’en aperçois de mieux en mieux. Étant donné que j’ai un fils qui entre tout juste dans l’adolescence, je vois que là, il veut tout essayer. Tout est possible à l’adolescence. »

Ayant commencé sa carrière en illustration, pour ensuite se lancer dans l’écriture de romans, qu’est-ce qu’elle retrouve dans l’écriture qu’elle n’a pas nécessairement avec l’illustration? « Je peux en raconter plus. En illustration, c’est vraiment un cliché d’une scène. C’est certain qu’une image vaut mille mots, on entend ça souvent. Mais je trouve que c’est relativement limité. Je fais souvent des romans qui sont très longs, je peux en mettre un peu plus. »

Mais pour Véronique Drouin, même si l’un n’enlève rien à l’autre, illustration et écriture sont deux entités complètement différentes. Alors qu’elle a découvert qu’il fallait qu’elle fasse de l’illustration pour son propre plaisir, elle est par contre capable d’écrire sous la contrainte. « Je suis capable de le faire jour après jour. Disons que quand j’écris, j’ai pas de limites, tandis que je trouve quand même, en illustration, y’a une limite physique. C’est très, très demandant, c’est épuisant. Mais pas l’écriture par contre. »

Et en ce qui concerne le prix qu’elle a remporté, qu’est-ce que cette reconnaissance représente pour elle? « C’est énorme. Tout d’abord, parce que c’est comme la plus haute reconnaissance en littérature au pays. Donc, c’est d’autant plus surprenant que j’ai comme pas eu tant de nominations ou de mentions avant. C’est comme un peu la totale, tout d’un coup, là. Disons que c’est pas juste une tape dans le dos. C’est quasiment à tomber à terre. »

Cette semaine, le 8 novembre, Véronique Drouin sortira un tout nouveau roman, Cassandra Mittens et la touche divine, qui paraîtra chez Québec Amérique, un roman historique fantastique qui se déroulera dans le Montréal de l’ère victorienne. « Je l’appelle mon X-Men victorien. »

Ainsi, les Prix littéraires du Gouverneur général sont de véritables diffuseurs de talents qui parviennent à faire rayonner la littérature canadienne, française ou anglaise. Parmi ces œuvres, y en a-t-il qui se retrouveront sur votre liste de lecture prochainement?

Pour la liste complète des gagnants, cliquez ici.

Texte révisé par : Annie Simard