Aimer à mourir
©Simon Paradis/MatTv.ca
Hier soir, c’est dans une salle comble que j’ai assisté à la première de Roméo et Juliette (version ballet) au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. C’est un ballet théâtral et minimaliste que nous ont présenté hier soir les Grands Ballets Canadiens dans une chorégraphie de Jean-Christophe Maillot. Ici, le chorégraphe a choisi de revisité ce classique de Shakespeare sous l’angle de Juliette (Christie Partelow) et de nous faire revivre certains éléments de la tragédie à travers les souvenirs teintés de remords et les sentiments d’impuissance du Frère Laurent (Hervé Courtain).
Jean-Christophe Maillot, estime que Roméo et Juliette est, par-dessus tout, le récit de la jeune Juliette et non celui de Roméo. C’est pour cela qu’il la campe moins enfant, plus adolescente. Celle-ci, promise à Paris, rencontre Roméo lors d’un bal. Elle en tombe bien sûr amoureuse avec intensité et passion. Il symbolise, à ses yeux d’adolescente, l’amour absolu. Roméo (Troy Herring) est un être plus frivole qui cherche à effacer le souvenir de sa dernière conquête, Rosaline. Il rencontre la jeune Juliette au bal et éprouve dès lors des sentiments si puissants qu’elle deviendra son obsession.
La rivalité
Dans la chorégraphie de Maillot, les Capulet et les Montaigu se ressemblent beaucoup plus. Leur rivalité prend plutôt des allures de chamailles d’adolescents teintées d’humour et de provocation. Personne ne semble se prendre trop au sérieux, même Tybalt et Mercutio, les plus colériques des deux bandes. Cependant, un jour, le tout dégénérera et des événements de plus en plus tragiques se succéderont. Somme toute, une version moins sanglante que celles présentées au théâtre ou au cinéma. C’est à travers un foulard rouge que la mort apparaîtra au fil de l’histoire.
Le moment fort pour moi a été dans l’acte 2, la fameuse bagarre qui crée l’effet domino tragique que l’on connaît. Ici, l’intense et tragique atmosphère vient du contraste entre le mouvement ralenti des danseurs et le tempo plus accéléré de la musique. Il faut souligner la justesse de la performance de l’interprète de Lady Capulet (Vanesa G.R. Montoya) dans ce moment si captivant de ce ballet. Son rôle prend ici plus d’amplitude étant donné que le Prince de Vérone n’y apparaît pas.
Moderne et cinématographique
La musique composée par le Russe Serge Prokofiev est interprétée par l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens, sous la direction de Florian Ziemen. Les musiciens font un travail extraordinaire, jouant avec intensité et vigueur, donnant plus d’amplitude à la chorégraphie. Les costumes inspirés de la Grèce Antique avec un accent de modernité donnaient une légèreté aux danseurs et les contrastes de couleurs nous permettaient d’identifier les clans.
C’est donc un ballet plus néo-classique et théâtral, même si le chorégraphe réfute toute étiquette, qui est présenté jusqu’au 28 octobre. Il y a une alternance entre des pointes du ballet classique et des mouvements de danse contemporaine. Cette chorégraphie libre et organique permet à la troupe de briller et de nous faire vivre pleinement la gamme d’émotions de cet amour tragique. L’utilisation des flash-back (avec le Frère Laurent) de mouvements ralentis donne une signature très cinématographique à la mise en scène.
Crédit photo: Simon Paradis/MatTv.ca
Texte révisé par : Ho-Chi Tsui