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Sciences Po 101 : manifeste vivant de la dissidence par Catherine Dorion

Un spectacle interactif entre révolte, cynisme et espoir

Catherine Dorion
Crédit photo : Photo officielle

Par : Élizabeth Stone

Catherine Dorion, ancienne députée et artiste multidisciplinaire, revient sur le devant de la scène avec Science Po 101, Traité d’insoumission à l’usage du vrai monde. Cette pièce documentaire interactive, coécrite avec son ex-attaché politique Vincent Massé-Gagné et mise en scène par Alexandre Fecteau, propose une réflexion profonde sur l’engagement citoyen et la capacité d’agir face aux défis sociopolitiques actuels.

Drôle, humble, à la fois documentaire et théâtrale, un peu alarmiste et juste assez provocatrice, la pièce interroge le totalitarisme insidieux, l’impact des publicités, les changements politiques au main des grandes entreprises, l’impossibilité de demeurer soi-même lorsque l’on fait partie de la vie politique, publique, de la peur de prendre parole au travers des milieux, de la routine qui aliène, de l’inaction, etc. C’est cependant avant tout une réflexion brutale sur le pouvoir.

SCIENCES PO 101
Crédit photo : Photo officielle

Dorion s’attaque au totalitarisme moderne : pas celui des bottes et des matraques, mais celui plus vicieux de la conformité, du « ça toujours été de même » qui nous endort et nous rend complices de notre propre impuissance.

Entre le cours magistral et la thérapie collective

Présentée comme une fusion entre un cours académique et une séance de thérapie de groupe, la pièce sollicite activement le public. Pas le temps de s’écraser dans son siège : dès l’entrée, le public est plongé dans un sondage interactif qui braque un miroir sur nos peurs collectives — effondrement climatique, autoritarisme rampant, démocratie en déclin.

On n’est pas là pour regarder passivement, on est là pour se faire shaker. Ici, les spectateurs sont invités à participer à un sondage en ligne sur leurs préoccupations face à divers scénarios mondiaux. Là, on doit partager ce qui nous donne envie de vivre profondément. Les résultats sont compilés et, suivant le ton de la pièce, tout est statistique, recherché et fondé dans ce qu’avance l’équipe de Sciences Po 101.

Dorion
Crédit photo : Photo officielle

Ces interactions créent un engagement entre les émotions du public et les thématiques abordées sur scène qui est tout à fait cohérente avec le sous texte de la pièce : ne soyez pas passifs devant les changements du monde. Impliquez vous, refusez le conformisme muet. Dans une entrevue intimiste avec Alain Deneault, Dorion approfondit cette idée de dissidence ordinaire : comment, au quotidien, résister aux structures qui nous écrasent?

Des témoignages anonymes révélateurs

Au-delà de l’interaction en temps réel, Sciences Po 101 intègre des témoignages anonymes de citoyens issus de divers secteurs — fonction publique, éducation, santé — qui partagent leurs expériences de censure ou de répression liées à l’expression de leurs opinions politiques. Ces récits illustrent les défis auxquels sont confrontés ceux qui osent s’exprimer dans des environnements souvent contraints.

Ce traité de révolution scénique offre une tribune à celles et ceux qui, souvent dans l’ombre, résistent sans bruit. La mise en scène se distingue par son minimalisme. Un rétroprojecteur et des acétates constituent les principaux outils visuels, utilisés de manière créative pour illustrer les propos des acteurs. Cette simplicité scénique permet de focaliser l’attention sur le message et l’interaction avec le public, renforçant l’impact des discussions engagées.

Crédit photo : Photo officielle

Un appel à la cohérence entre ressenti et action

Sciences Po 101 est bien plus qu’une performance : c’est un cri de ralliement. Loin d’un simple constat, la pièce cherche à provoquer une prise de conscience et à encourager une action concrète. Dorion et son équipe déconstruisent le théâtre pour en faire un espace de lutte, un laboratoire d’idées, une secousse collective. Ce n’est pas un show qu’on regarde passivement, c’est une expérience qui marque, qui dérange, qui donne envie de reconstruire autrement.

Parce que résister, dans cette pièce, ce n’est pas juste un acte individuel, c’est un legs précieux pour les générations futures. C’est un devoir, un besoin, une urgence. Loin de rejeter l’utopie, la pièce se veut une véritable ode au « pelletage de nuages », cet art nécessaire de nourrir la réflexion critique, les penseurs, les artistes et tous ceux qui contribuent à faire le monde autrement.

Crédit photo : Photo officielle

En déconstruisant les codes du théâtre traditionnel, Catherine Dorion et son équipe façonnent une œuvre engagée, où le public n’est pas un simple spectateur, mais un maillon essentiel de la réflexion. Résister n’est pas qu’un acte individuel : c’est un legs aux générations futures. Pour tous ceux qui tombent lentement dans le cynisme et l’impuissance en ce moment, ne marchez pas mais courez voir la pièce de Catherine Dorion à la Cinquième Salle de la Place des Arts du 8 avril au 11 octobre 2025.