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S’enjailler : sororité moderne et robuste!

Un 90 minutes qui passe trop vite!

S’enjailler
Crédit photo : Valérie Remise

Par : Marie-Christine Jeanty 

En allant à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, je ressentais ce que je qualifierais d’anticipation joyeuse. La prémisse m’avait séduite, certains des visages sur l’affiche m’étaient familiers, je me disais enfin, des femmes qui me ressemblent, qui vont parler d’autre chose que nos souffrances (on en parle mais autrement). De l’autre côté, je me disais, c’est audacieux, c’est coloré comme sait l’être la programmation du CTD’A, mais j’avais aussi une appréhension par rapport aux réactions de gens à l’extérieur des communautés noires. Un confrère rencontré en matinée se questionnait sur la trop grande présence de diversité sur nos planches cette année et me disait « c’est bon,  mais je pense que c’est plus pour toi! »

En écoutant mes voisines de siège qui semblaient être de la même génération que les protagonistes tout en étant caucasiennes, le pari était gagné. L’amitié entre jeunes femmes, c’est universel certes, certains référents culturels de la pièce peuvent être nichés, mais les jeunes montréalais d’aujourd’hui embrassent comme jamais la mixité sociale et culturelle. Le langage employé dans laquelle la pièce a été écrite en est la preuve flagrante, car c’est le langage des jeunes Montréalais qui y est célébré. S’enjailler signifie s’éclater en argot ivoirien. Avec cette pièce, l’autrice Stephie Mazunya, (qui joue également dans la pièce) a voulu représenter des femmes noires dans un contexte plus léger et plus actuel.

CTD'A
Crédit photo : Valérie Remise

Elle souhaitait créer des personnages qui sont des millénariales, des universitaires, qui sortent, qui parlent de leurs relations amoureuses. Certes on pourrait trouver que certaines thématiques ont été évoquées trop rapidement ou que l’on a effleuré trop rapidement les liens qui unissent les quatre protagonistes : Naïca, Keza, Safia et Chloé interprétées avec brio (en plus de l’autrice) par Naïla Louidort, Carla Mezquita Honhon et Malube Uhindu-Gingala. Dans S’enjailler, le public est transposé dans la vie quotidienne de 4 colocs dans ce qu’elle a de plus vivant : des conversations franches, colorées, ponctuées d’émotions diverses ou encore de pas de danse ou de paroles de chansons voire les deux à la fois.

Tout y passe : la sexualité, les relations interraciales, les relations avec nos parents dans les familles immigrantes, la découverte de soi comme femme, le véganisme, le féminisme, très d’actualité quoi. C’est un 90 minutes qui passe trop vite pour tout ce qui a été dit! On en aurait pris plus sur un sujet en particulier. Peu importe, il s’agit d’une première pour l’autrice, et on espère pas la dernière! C’est une pièce qui mérite d’être vue  par le plus grand nombre, femme noire ou pas.

CTD'A salle Jean-Claude-Germain
Crédit photo : Valérie Remise

C’est une incursion dans un monde qui sera peut-être loin de vous et vous déstabilisera peut-être. Une chose est sûre, c’est divertissant et rafraîchissant d’être face à une offre audacieuse. La mise en scène de Sophie Cadieux, en collaboration avec Mathilde Boudreau, et  l’ensemble de la scénographie (l’environnement sonore donne le ton) mettent bien en valeur le propos de cette pièce : des femmes noires qui tentent de cultiver leur joie et de conserver de la légèreté face à la vie et ses travers.