La dernière création de Rhodnie Désir
Par : Marie-Christine Jeanty
C’est une véritable symphonie humaine en toute élégance et finesse que nous offre RD Créations avec le spectacle Symphonie de coeurs présenté dans le cadre de Danse Danse à la Salle Wilfrid-Pelletier. Après avoir abordé la crise climatique dans sa pièce MWon’d, la chorégraphe Rhodnie Désir poursuit sa démarche documentaire en s’inspirant des témoignages de spécialistes et de patients de l’Institut de cardiologie de Montréal et de l’Istituto Cardiocentro de Ticino à Lugano. Une façon pour elle de prendre le pouls de l’âme humaine. Symphonie de coeurs se veut une recherche tant scientifique qu’artistique sur le coeur, son système et ses failles. Les témoignages recueillis auprès des médecins et des patients ont permis à la chorégraphe de produire un vocabulaire artistique et une gestuelle propre à Symphonie de cœurs.
Ce spectacle à grand déploiement est donc l’aboutissement de trois ans de recherche. La musique a été composée par Jorane; elle est interprétée par 60 musiciens de l’Orchestre métropolitain dans la fosse de la Salle Wilfrid-Pelletier – sous la direction de Naomie Woo. Sur la scène, en présence des danseurs, on retrouve le beatmaker et concepteur sonore Engone Endong, ainsi que le percussionniste et flûtiste Lasso Sanou. Ils sont présents sur la scène tels deux passeurs qui font le lien entre deux mondes. Le corps est bien sûr fondamental, mais dans Symphonie de coeurs, chaque composante joue son rôle, la scénographie est particulièrement étoffée ainsi que l’éclairage.
Il y a un immense miroir qui surplombe les têtes et qui permet de voir l’oeuvre sous différentes facettes, comme pour le chirurgien et le patient lors d’une opération. Il y a ce mur en arrière-scène qui vient servir de toile pour projeter des images évoquant l’organe du cœur, les vaisseaux sanguins, le sang qui circule dans nos veines, rouge et bleu; des bâtons plantés dans ce même cœur deviennent outils de création de pulsations, arythmie, polyrythmie. La lumière, quant à elle, joue avec les microtextures, les transitions et la nuit. En plus de tout ça, les costumes viennent transformer et enrober les corps selon les tableaux. Le public a été soufflé par l’aplomb et la physicalité des interprètes. Chacun.e a su habiter avec prestance le grand plateau qui pourrait en intimider plus d’un.e. Tout au long de ce spectacle, les pulsations cardiaques se mêlent aux rythmes afrocontemporains.
La créatrice a su faire preuve de beaucoup d’ingéniosité dans sa mise en scène. C’est donc avec élégance doublée de souplesse que les interprètes ont su donner vie avec peu d’éléments scéniques à ce qu’on peut imaginer être un caillot de sang, des artères etc. Si certains tableaux ont peut-être semé la confusion chez le public, la finale spectaculaire l’aura sublimé. C’est un véritable hymne à la vie que ce dernier tableau nous offre. C’est ce que l’on appelle un véritable wake-up call, un appel du pied pour nous rappeler la fragilité de l’existence humaine et nous dire c’est maintenant ou jamais. Certains spectateurs croisés après la représentation y ont vu une métaphore de la planète et de l’humanité qui doit absolument se réformer au risque de disparaître et de faire exploser la planète Terre. Peu importe l’interprétation, une chose est claire, il faut vivre!