un magazine web axé sur la culture d’ici

Une année en un an : Pierre-Yves Roy-Desmarais transforme minutes et fromages en explosions de rires

Une folie parfaitement maîtrisée à placer au sommet de l’humour

Pierre-Yves Roy-Desmarais
Crédit photo : Charline Clavier

Par : Bruno Miguel Fernandes

Mercredi soir dernier, à l’Espace Saint-Denis, Pierre-Yves Roy-Desmarais lançait la première médiatique de Une année en un an, son deuxième one-man show. Un titre à la fois absurde et logique, comme tout ce qui vient de cet humoriste au cerveau aussi rapide qu’un solo de air guitar. Après avoir raflé les Olivier du spectacle et de l’auteur de l’année, ainsi que le Félix du spectacle d’humour, les attentes étaient hautes.

Et disons-le franchement : Une année en un an fait partie des meilleurs spectacles d’humour que j’ai vus. Dès les premières minutes, la salle s’est retrouvée happée dans un véritable marathon du rire, et ce n’était que le début.

Une fausse vie future, un délire léger pour chauffer la salle

La soirée s’est ouverte avec Sam Boisvert en première partie qui a livré un segment solide et bien ficelé. Son humour, plus traditionnel, tournait autour de l’amour, des projets de vie et de quelques savoureuses jokes de papa. Dans un élan de délire, il s’est lancé dans un riff sur son rêve d’avoir… une ex-femme! Il imagine alors une fausse vie future pleine de situations farfelues et d’un enthousiasme contagieux à l’idée de vivre la vie après le divorce. Ce moment, à mi-chemin entre sketch et confession, a fait rire fort sans jamais forcer le trait. Un amuse-bouche parfait : juste assez pour réchauffer la salle sans vider la batterie avant le show principal.

Attention : le continuum espace-rire ne survivra pas à ce qui suit

one-man show
Crédit photo : Charline Clavier

Le spectacle s’ouvre de manière aussi étrange que brillante. Pierre-Yves ne monte pas tout de suite sur scène : il s’adresse d’abord au public depuis les coulisses, comme pour casser le quatrième mur avant même de l’avoir construit. Il remercie les spectateurs d’être venus, mais précise qu’ils ne verront pas tout à fait Pierre-Yves Roy-Desmarais ce soir. Disons qu’il se présente sous une version différente de lui-même : plus cool, plus rapide, plus « mou ». D’entrée de jeu, le ton est donné : on ne sera pas dans un simple enchaînement de numéros, mais dans un univers plus grand que nature, parfaitement assumé.

Ce qui frappe chez lui, c’est à quel point son humour est musical. Il joue avec le rythme et le temps comme un batteur joue avec le tempo. Par moments, il enchaîne les blagues à un rythme fou, sans laisser le temps de respirer ni de comprendre ce qu’on vient de vivre. On se fait happer par la cadence, comme emporté dans une avalanche de punchs et de revirements absurdes. Puis, à d’autres moments, il ralentit tout. Il installe un long silence, nous laisse deviner où il s’en va… avant de prendre un virage à 90 degrés qu’on n’avait pas vu venir.

Et encore une fois, quand il ne parle plus…il chante! Ses chansons ne sont jamais là pour meubler entre deux blagues. Elles prolongent le délire, ajoutent une couleur ou un contrepoint absurde. Musicalement, il passe d’un style à l’autre avec une aisance déconcertante : soul, reggaeton, folk, hip-hop, chaque toune sonne juste et garde la salle embarquée. Il y explore la nostalgie, la famille ou sa jeunesse avec autant d’humour que de sincérité. Ces moments musicaux agissent comme de vraies respirations ou plutôt comme des accélérations bien dosées qui ponctuent le spectacle avec un rythme parfait.

Et c’est aussi que Pierre-Yves fait confiance à l’intelligence du public. Il assume pleinement ses blagues d’ados tout en sachant qu’elles servent souvent un propos plus réfléchi. Il joue sur cette ligne où la stupidité devient une forme d’art, où le too much devient précisément le bon dosage. Et disons-le : qui n’a jamais ri à une bonne blague de pénis?

Quand la scène devient terrain de jeu

Crédit photo : Charline Clavier

Certains sketches méritent d’être soulignés notamment la scène du restaurant O.Noir, où les sens se brouillent et où le public devient complice de la confusion, ou à ces moments filmés en close-up qui transforment la scène en laboratoire de comédie physique. Et puis, il y a les accessoires, utilisés avec un mélange d’audace et d’autodérision. Chaque fois, on se surprend à passer du « wow, c’est ben cave » à « ah ben oui, c’est brillant! » et souvent dans le même instant.

Et tout passe par le corps. Il parle autant avec ses jambes qu’avec ses mots, ses soupirs collés au micro qu’avec ses sourcils. Chaque geste est millimétré, chaque déplacement devient un gag potentiel. On le sent en pleine maîtrise de son espace : il joue avec la scène comme d’autres jouent avec un instrument. Et de cela, il y a cette critique qu’on lui a déjà faite que son humour était trop cartoon. Honnêtement, Pierre-Yves, si tu lis ça : garde ce défaut. C’est un gigantesque compliment. Même chez Disney, on préfère les versions animées aux adaptations live parce que c’est plus vivant, plus coloré, plus expressif. Ton univers aussi. Il respire la vie, le timing, la folie bien dosée.

Et c’est justement dans ces excès assumés que naît le meilleur du spectacle. Le dernier quart de la performance plonge dans une délicieuse absurdité, née d’un concours où quelqu’un y aurait remporté « un an de fromage ». Une idée qui, pour Pierre-Yves, défie toute logique. Cette confusion devient prétexte à une montée d’autodérision, un délire maîtrisé où il pousse l’absurde jusqu’à sa limite sans jamais perdre le public.

Après le fromage, les coeurs fondent aussi

Mais au-delà des rigolades, il y a un moment de sincérité désarmante. Pierre-Yves y parle du personnage qu’il incarne sur scène, de la fine ligne entre celui qu’il joue et celui qu’il est. À travers un jeu de caméra ingénieux, il s’invite lui-même à monter sur scène, comme pour se dire qu’il est assez, qu’il peut être vu. Sous le rire, il y a un appel à l’authenticité, à se faire confiance malgré nos doutes.

Dans cette dernière séquence, où tout culmine en un medley électro de ses meilleures répliques et one-liners, le spectacle prend des airs de célébration de soi : sincère, éclaté et parfaitement absurde.

Pour vrai, allez voir Une année en un an. Difficile d’en dire plus sans gâcher les surprises, mais une chose est sûre : c’est vraiment cool, vite et mou. Et avec cette quantité phénoménale de bonnes blagues, on a l’impression de vivre une année entière de rires… en un seul show.