Critique de Symphonie de la tempête de verglas du compositeur Maxime Goulet
Par : Annie Dubé
La triste crise du verglas célèbre cette année son 25e anniversaire. Étiez-vous parmi ceux qui l’ont vécu de près? Chose certaine, si vous viviez au Québec dans les jours qui ont suivi la tempête du 4 janvier 1998, cette catastrophe naturelle qui a marqué la province évoque une forme ou une autre de souvenirs, allant du drame glaçant à la solidarité. Nul doute que la plus grande catastrophe naturelle d’ici a marqué les esprits de toutes sortes de façons, et c’est le cas du talentueux compositeur Maxime Goulet, qui a tenu à rendre hommage à ceux qui ont été au coeur de l’épisode, ainsi qu’aux personnes qui ont malheureusement payé de leur vie cette tragédie climatique, aux allures de décors étrangement féériques… Il a eu l’idée remarquable de composer sa première symphonie inspirée de cet événement qui sort de l’ordinaire. Voici donc, mesdames et messieurs, nos impressions au sujet de Symphonie de la tempête de verglas.
Alors que de nombreux Québécois ont connu l’expérience du fameux triangle noir, une zone du territoire sans accès à l’électricité en plein hiver pendant de longues périodes, d’autres ne l’auront vécu que par la procuration à la télévision. Ce fut le cas de ma maisonnée, dont le courant a flanché à peine quelques secondes avant de revenir, ce qui n’empêche en rien de vivre l’expérience sonore dans toute son ampleur, puisque le compositeur québécois a su rendre, en 35 minutes, toute la palette d’émotions qui ont pu traverser les cœurs et les esprits à l’époque, et ce, de la plus jolie manière.
Une symphonie bien québécoise
Avec ses quatre mouvements (Tourmente, Chaleur, Noirceur, Lumière) on passe de la gravité à l’espoir, de la chaleur humaine aux nuits glaciales plongées dans la noirceur. D’un bout à l’autre, le talent de cet artiste, fortement inspiré par la métaphore météorologique, est sans équivoque et limpide. Certains moments vous surprendront, tels que la deuxième piste, Chaleur, qui vous fera swinger du pied comme si vous étiez en plein centre d’une gigue folklorique ou d’un spectacle de Riverdance, mais en beaucoup mieux…
Voici quelques extraits afin de vous mettre l’eau à la bouche…dans les tympans!
Sondé au sujet de ce que représente ce moment historique pour lui, Maxime Goulet confie : « J’avais 17 ans en 1998. C’était la première fois que je réalisais à quel point notre bien-être est directement lié à la situation environnementale. Et c’est d’autant plus vrai maintenant, puisque notre mode de vie dépend encore plus de l’électricité et les effets des changements climatiques se font ressentir de plus en plus. »
Et qu’est-ce que ça lui fait, de voir ce moment prendre vie sous la forme de sa première symphonie? « La tempête de verglas est un thème assez riche et inspirant pour pouvoir le développer une œuvre en quatre mouvements de longue durée. C’était fascinant de s’y replonger pour y puiser des idées artistiques. »
Cette pièce magnifique fait œuvre de mémoire, mais est aussi un important rappel de l’importance de se serrer les coudes en cas de catastrophes, collectives et individuelles. Profondément québécoise, cette symphonie est indéniablement une œuvre universelle qui, espérons-le, pourra voyager hors de nos frontières, afin de faire goûter sa magie tragique à l’international.
La crise du verglas, 25 ans plus tard
Enregistrée avec L’Orchestre classique de Montréal, sous la direction de Jacques Lacombe, la symphonie a fait appel à plusieurs musiciens qui ont été victimes de la crise du verglas. « La plupart des musiciens qui ont joué sur l’album ont vécu la crise du verglas. Ils ont été les premiers à me dire à quel point l’œuvre les replongeait dans leurs souvenirs de la tempête. J’ai reçu le même écho des gens qui ont écouté l’enregistrement par la suite. »
Voilà donc une petite épopée musicale qui mélange l’intime et le collectif. Une âme particulière se fait sentir lors de l’écoute de cette performance, ma foi, sublime.
Bien que la musique d’orchestre ne soit pas nécessairement le style musical le plus populaire de nos contemporains, il serait précieux de pouvoir s’approprier le plaisir de découvrir ce jeune talent d’ici, qui, tel un Mozart PQ (ou alors, insérez le nom de votre compositeur préféré!), a de quoi fasciner les mélomanes de tout horizon. Il est clair qu’il fait oeuvre utile avec cette création, et que tous les Québécois sont gagnants d’ainsi redécouvrir ce moment de grande résilience lors de l’Histoire récente, et de ne pas oublier les défis environnementaux à venir pour les futures générations.
Ludique, originale et essentielle, Symphonie de la tempête de verglas mérite d’être entendue, ici comme ailleurs. Elle saura réveiller chez plusieurs d’entre nous des souvenirs qui ne demandent qu’à se déposer dans la mémoire collective, afin de faire la paix avec ce qui fut une grande épreuve pour plusieurs familles endeuillées.
Bien que l’œuvre rende un hommage posthume à la fois sobre et splendide aux victimes décédées durant ce drame, c’est une lumière au bout de tunnel sombre, que l’on retient. Une précieuse beauté, vaste et complexe, en émane.
Voilà une symphonie québécoise qui mérite de circuler d’une oreille à l’autre et qui alimentera les discussions. Elle est disponible pour achat sur le site de ATMA Classique, et vous pourrez également vous gâter avec quelques pièces supplémentaires sur l’album, telles que les pistes des œuvres Toute une journée, et Histoire de pêche.
À noter que la symphonie sera jouée en première mondiale devant public le 20 juin 2023 à La Maison Symphonique, lors du concert Le feu et la glace. De notre côté, on ne voudrait pas manquer ça.
Alors, qu’est-ce que vous et vos proches, qui avez peut-être traversé cette épreuve entre l’Humain et la Nature, en pensez? Ici, on est fans, il n’y a pas de doute! À partager avec vos amis adeptes de splendeur : c’est un précieux cadeau à leur faire!
Crédit d’illustration de couverture : Annie Carbo
Vous pourriez être intéressé par ces articles :
Je t’écris au milieu d’un bel orage : quand le tonnerre frappe les cœurs
Chantons Noël avec Rafael Payare : le public au cœur de l’OSM
Un. Deux. Trois. de Mani Soleymanlou : épique
Songe d’une nuit d’été à l’OSM : entre le théâtre et la musique!