Retour sur L’Expérience Triptyque au Zoofest
© Marie-Ève Lapointe/Zoofest
C’est bien juste au Zoofest qu’on peut nous convier à un stand up de trois heures. Une formule unique, pour mettre en valeur le langage coloré et tester la mémoire de Yannick de Martino, avec L’Expérience Triptyque, présentée au Monument National, lundi soir. On ne sait pas qui a approché qui, mais toujours est-il que de Martino remontait ses trois spectacles présentés au festival les années précédentes. Un soir seulement, où le public enthousiaste se permettait cette extravagance. Le pari était risqué: allait-on atteindre le point de saturation de non retour?
Le premier spectacle qui a été présenté dans la série des 60 minutes du Zoofest, Moralement gris nous a permis de replonger graduellement dans la tête de l’humoriste nonchalant, qui prend parfois ses airs irrités pour faussement s’indigner sur différents thèmes. Nous partageant sans retenue ses pensées de gars un peu gelé, l’ordre des sujets que de Martino aborde semble décousu, mais le subtil fil conducteur de l’absurde y apporte le sens recherché. On passe des émissions de cuisine aux problèmes adolescents des Ninja Turtles, tout en trouvant des solutions efficaces pour contrer l’obésité et la crise écologique.
© Marie-Ève Lapointe/Zoofest
Le vrai début de la seconde partie n’était pas cette introduction avec une musique douteuse rappelant les ambiances étranges de X-Files, mais plutôt, son improvisation avec le public. Inquiet de savoir si des gens avaient quitté définitivement la salle à l’entracte, il a interrogé quelques personnes du public, et monté un scénario où un couple, assis à l’avant complètement, avait abandonné l’humoriste. Quelle joie ressentit Yannick en les voyant réapparaître, 20 minutes plus tard, déclenchant l’ire de l’assistance. Souvent lourdes avec nombre d’humoristes, les interactions ont cette fois-ci beaucoup apporté au spectacle.
Le show concept Mon coloc comédien m’a aidé avec la mise en scène contient sans doute son matériel le plus absurde, inclassable. On était au bon endroit au bon moment lundi soir pour le voir déconstruire ces expressions du langage populaire utilisées on ne sait pas trop pourquoi. Il déclare au passage son amour pour Brad Pitt qui, selon lui, est si brillant qu’il connaît toutes les espèces de papillons. Son court-métrage expérimental et ses poèmes au visuel éloquent Forêt noire et La goberge ont révélé le génie insoupçonné de Yannick de Martino, et il clôt ce segment sur un montage vidéo de lui et des bébés qui mangent des citrons.
© Marie-Ève Lapointe/Zoofest
Son dernier spectacle, Brouillon, a été présenté à guichet fermé huit soirs l’été dernier, dans le cadre de Juste pour rire. Dans ce spectacle, on retrouvait un Yannick de Martino plus solide dans ses interprétations, mais toujours aussi décalé dans ses propos. Il commence en chansonnier malchanceux, tombé sur la seule guitare à deux dos, et au manche pas trop solide. Ayant dépassé son obsession de la mort, il se lance maintenant dans une carrière de slam et de mots inventés, comme l’excellent « élaboring », quelqu’un qui élabore trop longtemps sur quelque chose d’ennuyeux. Il propose de mettre à jour les noms et prénoms des gens; ainsi, Mahée Paiement devient Mahée Virement Interac. Jean, au pluriel, se conjugue des jeans. C’est peut-être le fait qu’on soit totalement intoxiqué à son humour car dans la salle depuis 150 minutes, mais on ne peut se retenir de rire, même quand il ne se passe rien sur la scène. Entre deux niaisages des membres du public, on peut affirmer que personne ne semble avoir « assiesté » au spectacle, durant sa dernière heure.
Le talent de l’humoriste tient beaucoup dans sa capacité à décrire précisément les pensées absurdes qui nous traversent tous, à un moment ou à un autre de la journée. Chaque phrase est une porte s’ouvrant sur un univers créatif beau et inquiétant. Si un jour Yannick de Martino vend un frisbee avec sa face dessus comme article promotionnel, on l’achète!
#zoofestmtl
Photos: © Marie-Ève Lapointe/Zoofest
Texte révisé par: Louisa Gaoua