Orchestre Métropolitain : une fin de saison en émotions avec l’intense Sixième de Mahler
Par : Annie Dubé
Lors du concert de l’Orchestre Métropolitain (OM) qui clôturait en beauté sa programmation 2023-2024, j’ai tenté de mettre le doigt sur ce qui différencie cet orchestre des autres merveilleux ensembles que l’on peut entendre à la Maison Symphonique de Montréal. Je pense que les mots que je cherche sont : Yannick Nézet-Séguin. Avec son style énergique et sa présence conviviale, on sent un réel désir que tous se sentent les bienvenues sans jamais abaisser le niveau. Et ceux qui avaient des billets en main lors de ce concert en après-midi, on peut dire qu’ils étaient des chanceux.
En plus d’entendre Alap, en hommage au musicien québécois José Evangelista, décédé récemment, c’est toute une traversée de l’univers de l’existence qui s’est déroulé dans nos tympans, sans entracte et dans la continuité, vers la complexe Sixième symphonie de Gustav Mahler.
En s’adressant au public avec le naturel qu’on lui connaît, le chef de l’OM nous avait bien préparés, en parlant d’un équilibre entre les contraires, qui allaient habiter la salle de concert lors de cette performance.
À la fois cadré et éclaté, cette performance nous tenait entre les tourments et la sérénité, et nous avancions non pas vers la lumière d’une fin joyeuse, mais littéralement vers des coups de marteau, un instrument géant pour le moins inusité, conçu pour l’occasion. Pourtant, en rien nous n’étions assommés par l’expérience enivrante dont nous avions goûté à la saveur éphémère, d’une haute intensité émotive tout au long de ces deux heures.
Alap
La pièce d’Évangelista a débuté comment un lent éveil, un lever du jour vers une grande aventure musicale, à pas de géants. Que de beauté empressée de naître à vitesse fulgurante! J’ai cru remarqué une danse de bras particulièrement agile de la part de Nézet-Séguin, animé par la vivacité de son orchestre tant aimé. Une transe envoûtante, une grandiose magie.
La Sixième de Mahler
Puis, sans perdre leur élan, les musiciens se sont lancés dans Mahler. Un début sanguin, l’énergie pourpre du compositeur autrichien nous emporte à partir de la trace encore fraîche en mémoire d’Évangelista. Les deux mondes se fondent dans la continuité pour ne faire qu’un moment d’arts vivants.
On pogne le fix, comme on dirait. Nous étions hypnotisés par cette balade aux quatre coins du monde sphérique de la Sixième de Mahler. Tiens, on dirait des bruits qui rappellent la musique de Jaws, tout d’un coup? Oui! La contrebasse sort son aileron de la mer musicienne : Pow!
Voyage aux pays des rythmes étranges, exotisme sonore colonisé et libre à la fois, les nouveaux mariés imaginaires de cette symphonie roulent vers la lune de miel autrichienne avec des conserves accrochées à la bagnole en fracassant la brise des champs sauvages!
On finit par se sentir comme des astronautes de l’inattention transcendantale. La musique entre par les pores de l’épiderme; saturés d’intensité nous sommes. Sur le bord de devenir marteau. Tranquille déclin funeste…. Boum! On sourit.
Finale sur pleurs d’enfant qui résonnent au loin dans la salle : éclats de rires et applaudissements sans fin. Une finale parfaite.
Chapeau! Ou plutôt… Marteau?
Crédit de couverture : François Goupil – Orchestre Métropolitain
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