Didier Lucien, seul sur scène
Crédit photo : Jacinthe Perrault
Par Bella Richard
Il y a quelques jours à peine, le comédien Didier Lucien se faisait cadeau, pour ses 50 ans, de sa toute nouvelle création Ai-je du sang de dictateur ? Cette pièce de théâtre, habilement mise en scène par Guillaume Chouinard, était présentée pour la première fois le 27 janvier dernier et sera performée jusqu’au 11 février prochain, à L’EspAce Libre. Le seul performeur ? Didier lui-même transportant le spectateur au cœur de l’ironie de l’histoire, incarnant tantôt un animateur de télé ignorant tout de sa propre culture, tantôt le dictateur François Duvalier, celui qui, malgré son charisme et son éducation classique, a contribué à vider Haïti, coupable d’épouvantables atrocités : « Il est la raison pour laquelle je suis ici […] la raison pour laquelle je suis sur la scène maintenant, c’est à cause que lui a vidé le pays », a-t-il affirmé lors d’une entrevue radiophonique, justifiant ainsi l’excitation engendrée par l’incarnation d’un tel personnage sur scène.
Le tout commence par un récit de Lucien expliquant l’existence, la raison d’être même de cette pièce. Né en 1967 à Port-au-Prince, Didier Lucien est arrivé au Québec à l’âge d’un an. Il n’a donc aucun souvenir d’Haïti. Dans ce même récit, le comédien raconte qu’il a eu peine à s’identifier, et encore aujourd’hui, à notre peuple québécois, qui, curieux, lui posait et lui pose toujours de nombreuses questions quant à ses origines, la couleur de sa peau, son pays… La pièce commence. Didier s’incarne lui-même, jouant l’animateur d’un documentaire, qui, suivant des caméras imaginaires, est chargé de raconter la chronologie de l’histoire allant du massacre du peuple Tainos par les colons espagnols à l’arrivée au pouvoir de Duvalier, alias « Papa Doc ». En arrière-plan, un écran géant projette de fantasques personnages animés imageant, dans un épique et truculent périple, les descriptions historiques de l’animateur. Ce dernier est rapidement confronté à son ignorance et envahi par un très fort sentiment d’incomplétude. Il capitule alors à la soif de connaître, d’apprendre sur ses origines et se laisse entraîner à Haïti, où il se heurte à deux séismes : celui qui vient de frapper le pays de plein fouet et son propre tremblement de terre intérieur.
Crédit photo : Jacinthe Perrault
Le comédien incarne sur scène, en plus du dictateur dupliqué à l’écran, une grande chanteuse créole vêtue d’une robe magistralement colorée ainsi qu’un menaçant bourreau qui nous ordonne de nous bander les yeux. « Ton bonheur, c’est que pendant que je te parle, je ne te frappe pas […], mais comme toute chose, le bonheur est éphémère. Je vais te poser des questions et tu vas me fournir des réponses. Je prendrai tout ce qui n’est pas une réponse pour une insulte. […] comme toi j’ai une femme et des enfants, mais je veux que tu saches que si tes réponses ne me plaisent pas, je lâcherai les loups sur les tiens », nous lance notre imposant intimidateur.
Immersive, mais nous laissant tout de même sur notre faim, cette œuvre théâtrale nous permet certainement de comprendre une infime parcelle de la réalité de Didier Lucien, cet « homme du Sud qui connaît la poésie de l’hiver et qui [voulait] voir son pays avant de mourir. »
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Texte révisé par : Ho-Chi Tsui