Un rationnel émotif
Par : Marie-Claude Lessard
Objectivement Parlant de Louis T débute par un montage vidéo résumant l’actualité du présent siècle au son de Compter les corps des Vulgaires Machins. Cette introduction plutôt sombre et risquée pour un spectacle d’humour expose efficacement le style sérieux de l’humoriste qui parvient à ponctuer ses sujets politiques de savoureuses anecdotes familiales ne tombant jamais dans les clichés.
Complice avec le public dès les premières minutes, l’ancien collaborateur à l’émission Entrée principale commente la société québécoise et internationale avec mordant. Vêtu d’un complet classique et de sneakers blancs, Louis Tremblay de son vrai nom se moque plus précisément des décisions gouvernementales et d’affaires en matière de santé, de sécurité, d’armes à feu et de religion.
Il appuie ses observations avec des images et des statistiques projetées sur grand écran, ce qui apporte une autre dimension, franchement rafraîchissante et divertissante, à ses blagues. Même si son opinion transparaît forcément, l’humoriste se concentre d’abord à étaler les faits sur un ton pince-sans-rire qui dévoile toute l’absurdité de certaines manchettes. Les exemples les plus marquants et hilarants grâce à leur illogisme s’avèrent le fameux stationnement soi-disant souterrain du CUSM et quelques commandements complètement farfelus issus, entre autres, de la Bible et de la Torah. D’ailleurs, ce segment, qui clôt le spectacle d’une longueur parfaite, est le moment phare de l’oeuvre.
Celui qui rappelle incontestablement Guy Nantel, car il s’adonne également à l’humour engagé, se distingue de ce dernier en ne l’imitant jamais et en restant fidèle à sa personnalité réservée. Il se permet des gags croustillants et légèrement salés qui feront réfléchir plusieurs et enrager d’autres. Celui, aucunement méchant, sur Martin Deschamps est déjà inscrit dans les annales du milieu de l’humour grâce à son effet de surprise. Lorsque Louis T fait grincer des dents certains spectateurs et qu’il sait qu’il a presque franchi la ligne, il met cela sur le dos du syndrome d’Asperger, qu’il explique avec justesse.
Parfois, Louis T peut paraître froid, car il affiche un côté rationnel inébranlable. Or, même s’il déclare qu’il est peu émotif, car son syndrome le limite à sept émotions au lieu de 72 (la palette d’émotions d’un être humain dit « normal »), son caractère tendre et doux se développe en toute subtilité, notamment lors du discours de remerciements, première médiatique oblige. Bref, l’artiste transmet habilement sa passion et ses idées sans faire la morale, ce qui donne droit à une soirée à la fois sympathique et pertinente.
Louis T sera de retour à la Cinquième Salle de la Place des Arts les 6, 7 et 8 avril. Il parcourra ensuite tout le Québec pendant quatre mois avant d’entamer l’écriture d’un autre spectacle plus collé à l’actualité, constamment en évolution.
Texte révisé par : Annie Simard