Première du spectacle Odysseo à Montréal
© Catherine Leclerc/MatTv.ca
Par : Maxime D.-Pomerleau
Mercredi avait lieu la première du spectacle Odysseo de la troupe québécoise Cavalia, qui souligne cette année son quinzième anniversaire. Après plus de sept ans en tournée, le spectacle s’arrête à Montréal, sous les lumières du pont Jacques-Cartier. Une rare occasion pour les Montréalais de voir les arts équestres dans toute leur splendeur.
Après un amusant quiz sur la production et ses stars à quatre pattes, les lumières s’allument et, derrière un voile diaphane, on voit les premiers chevaux entrer sur scène. C’est comme dans un film, mais en vrai. La magie opère. On retient notre souffle devant tant de pureté et de beauté. On est immédiatement ému, emballé, impressionné de voir autant de chevaux, et d’aussi proche. Au cours du spectacle, ils sont souvent une dizaine, voire une quinzaine, et parfois plus de 30 chevaux en même temps sur scène, dont un cheval miniature, qui apporte tout un punch à un numéro!
Les numéros équestres alternent avec des numéros de cirque contemporains, notamment un numéro d’accro et de main à main aux images très originales, et un numéro de cerceau ballant avec une dizaine d’acrobates. Les tableaux nous montrent tour à tour la grâce, la force, l’écoute des chevaux, et l’agilité de leurs cavaliers téméraires, ou jockeys acrobates, on ne saurait comment les nommer après les avoir vu exceller au trick riding. Debout, sur le côté, la tête en bas, sous le cheval, aucune position ne semble impossible à réaliser. Ne faites pas ça à la maison!
Deux tableaux sont particulièrement envoûtants, inspirés du classique carrousel. Le premier, véritable carrousel géant qui descend du ciel, avec ses chevaux de bois, sur lesquels se tiennent quelques acrobates. Entre chaque cheval, un mât chinois rotatif, autour desquels s’amusent trois couples. Nos yeux ne savent pas où se poser durant cette danse lascive tellement les artistes sont nombreux et leurs prouesses, subtiles. De plus, les mâts chinois rotatifs tournent dans le sens contraire de la rotation du carrousel, perturbant notre perception. L’effet est hypnotisant.
Dans la seconde partie du spectacle, cette même idée du carrousel revient, cette fois, dans un numéro de tissus aériens. Quatre écuyers sur leurs majestueuses montures laissent doucement s’envoler quatre femmes dans leur tissu blanc. Elles exécutent des figures de contorsion avec le tissu et le harnais dont elles disposent, au-dessus des chevaliers. Les tissus étant attachés à une sorte d’hélice dans la structure, il est possible de les faire tourner à la cadence des chevaux, par exemple, lorsque les hommes tiennent les tissus, contrôlant ainsi la vitesse du mouvement. Cela crée de fortes images, certaines rappelant la danse des cordelles du Moyen Âge. C’est d’autant plus frappant qu’il n’est pas fréquent de voir des tissuistes réaliser des figures ensemble, puisque c’est une discipline exécutée surtout en solo ou en duo avec un même tissu.
Les chevaux sont de 13 races différentes, du populaire Paint Horse au fin Quarter Horse, en passant par le pur race espagnol et le fier cheval arabe, si bien mis en valeur dans ce numéro de domptage de Sylvia Zerbini, la femme qui murmurait à l’oreille des chevaux. Les acrobates et artistes proviennent également de partout au monde; du Canada, des États-Unis, de l’Europe, de la Russie, du Mexique, de l’Australie, du Maroc… et parlent donc plusieurs langues. S’il n’y a qu’un message à retenir, c’est celui en soussou, une langue parlée sur les côtes de la Guinée, dont sont originaires plusieurs acrobates du spectacle. Dans un numéro d’acrobaties au sol et de percussions africaines, la foule est invitée à répéter O walu guere moufan! (vous découvrirez au spectacle ce que cela veut dire) Une bouffé d’énergie et d’optimisme spontanée!
Après un détour par la Voie lactée et une excursion dans une caverne glacée, on se retrouve au sommet d’une colline avec une chute, où l’on voit un élégant cheval en contre-jour réaliser différentes marches ordonnées par son maître. C’est un brillant subterfuge pour cacher le bas de la scène, qui s’est changé en lac! Rapidement le cheval descend piaffer dans l’eau, où il est rejoint par plusieurs compagnons pour un dernier tour de piste.
On doit une partie de cet enchantement à la scénographie, en tout point réussie. Les projections sur l’immense écran en arrière-scène sont redoutablement efficaces pour nous faire voyager dans différentes parties du globe. Les transitions sont fluides; on est immergé dans une nouvelle ambiance et ça se passe sous nos yeux, sans qu’on s’en rende compte. Les rideaux métalliques qui forment une forêt, tout en délimitant l’espace de jeu pour chaque tableau, ne boguent même jamais! On voit également très bien les musiciens et les chanteuses, baignant dans une lumière dorée, dans des mezzanines de chaque côté de la scène. Un seul bémol : certains segments présentent trop de répétitions, particulièrement dans les numéros de voltige, donc l’effet de surprise ou d’émerveillement s’affaisse, et on pourrait resserrer le spectacle qui est quand même d’un bon 2 h 30.
Cavalia, c’est plus que de la magie commerciale, ou un divertissement à grand déploiement qui utilise les animaux pour notre plaisir (bien qu’il soit légitime de soulever la question). C’est surtout une allégorie sur ce lien de confiance si fragile entre l’humain et la nature, entre l’Homme et l’animal. Alors que tout semble s’écrouler autour de nous, à coup de camion bélier, de discours haineux et de tweets de menaces nucléaires, au coin des rues Ste-Catherine et de Lorimier, sous le Grand Chapiteau Blanc, quelques 50 artistes et 70 chevaux recréent un peu de beauté, pour un monde qui en a bien besoin.
#Odysseo
Photos par © Catherine Leclerc/MatTv.ca
Texte révisé par : Johanne Mathieu