un magazine web axé sur la culture d’ici

On vous présente : Julien Sagot

Julien Sagot, un vol planant dans un zeppelin érotique et poétique


© Julien Sagot, Crédit photo : Philippe Richelet

Par : Myriam Bercier

MatTv vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. On continue en beauté avec Julien Sagot.

Le nom de Julien Sagot rappelle peut-être quelque chose aux gens qui ont suivi de près l’histoire du rock alternatif québécois des années 2000. En effet, ce dernier était le percussionniste du groupe Karkwa. Il est également un auteur-compositeur-interprète d’origine française qui arrive au Québec à 13 ans, qui a une fibre créative aventureuse, cohérente et en contrôle. Sa voix oscille entre celle de Serge Gainsbourg et de Tom Waits.

Pendant toute l’aventure KarkwaJulien Sagot compose ses chansons de son côté. Le groupe décide de prendre une pause en 2011, et en 2012, Julien Sagot fait paraître son premier album solo, Piano mal, dont le nom lui provient d’une installation de l’artiste Joseph Beuys « qui a recouvert un piano à queue d’une couverture en feutre grise qui a un gros motif de croix rouge » décrit le quotidien La Presse. On y retrouve des tableaux sonores cinématographiques qui offrent des explorations sonores intéressantes.


© Julien Sagot, Crédit photo : Philippe Richelet

Si cet album est fait dans une certaine urgence de se retrouver devant un vide, son deuxième album, Valse 333, lancé deux ans plus tard est fait dans un contexte bien différent. Fait dans une volonté DIYDo it yourself (faites-le vous-mêmes), Valse 333 offre un son plus personnel et abrasif que son petit frère. Il sera également nommé album francophone de l’album aux prix Juno.

En 2017, Julien Sagot continue dans sa lancée et fait paraître Bleu Jane, son troisième album. On retrouve ses ambiances cinématographiques et planantes ainsi que son vocabulaire imagé. Le 12 mai 2021, il lance son quatrième album nommé simplement Sagot. Les thèmes abordés dans cet album sont variés, passant de la violence politique à l’imaginaire tordu, s’arrêtant, le temps d’une chanson, sur la douceur érotique. On y retrouve toujours sa poésie sombre et ses mélodies atmosphériques.


© Pochette officielle du dernier album de Julien Sagot, Sagot. Photo de courtoisie

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Julien Sagot la semaine passée. Nous avons parlé, entre autres, de son envie de faire de la tournée avant même de vouloir faire de la musique, l’importance d’une meilleure rémunération pour les musiciens et musiciennes, de l’influence du cinéma sur sa création et les éléments nécessaires pour une bonne chanson (selon lui).

 

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Julien : Qu’est-ce qui m’a amené à faire la musique? Ça, c’est une bonne question, hein? Je pense que j’avais envie de faire de la tournée avant de faire de la musique. J’avais envie surtout de monter dans un camion, de louer un camion puis de foutre le camp. C’était avant tout la soif de voyage. C’est ce qui m’a attiré le plus en fait dans le trip, puis après ça, la musique, c’est venu par la musique que j’écoutais et ce qui me faisait tripper. J’avais envie de tout jouer en même temps, mais je n’arrivais pas à me décider. Ce qui fait que finalement je ne suis pas devenu un bon technicien, mais je suis plus devenu un bon arrangeur-compositeur. Ça m’a permis de toucher à plus d’instruments, à faire plusieurs choses en même temps. On peut dire que ça m’a sauvé les fesses une coupe de fois. Par exemple, la pandémie a touché de plein fouet les techniciens, les accompagnateurs beaucoup, tandis que quand tu es auteur-compositeur, tu fais tes créations, tu fais tes choses, tu peux toujours t’en sortir davantage.

C’est extrêmement triste parce que même le dernier album, tu vois, moi j’ai toujours travaillé avec beaucoup de musiciens sur mes disques. Et puis Bleu Jane, mon avant-dernier que j’ai fait, j’ai engagé tous mes amis. J’ai travaillé avec des musiciens incroyables, comme Michael Stein, puis j’arrive à la fin du disque, je n’ai pas trois pièces dans mes poches. Là, je frappe un mur. En plus, nos redevances sont de plus en plus minces au niveau des droits d’auteur puis de ce qu’on nous prend sur les plateformes de téléchargement (Spotify, iTunes), c’est carrément du vol fait que, au bout du compte, ça touche encore une fois les créateurs, mais ça touche encore tout ce qui est connexe à l’industrie du spectacle, les soundmen, les studios, ça touche une industrie énorme.

Myriam : Je pense à ça, tu es autodidacte, toi, comme musicien, c’est ça?
Julien : Oui, je n’ai pas été ni à l’université, ni rien, mais j’ai commencé à prendre des cours de guitare classique. Ça m’a un peu pompé. Finalement, le piano m’intéressait beaucoup, ce qui fait que je me suis mis au piano. Après ça, je voulais jouer dans un groupe, mais je me suis rendu compte que je n’étais pas assez fort au piano et à la guitare, donc je me suis mis à jouer plus des percussions, de la batterie. Ça m’a permis de faire la tournée avec Karkwa pour commencer. Ça fait que ça, c’était une bonne excuse, puis j’ai dû me raffiner un peu parce que je n’étais pas le plus prompt. Je n’ai jamais été super courageux, je n’ai jamais mis les heures interminables pour apprendre un instrument, mais quand tu n’as pas le choix puis tu es devant le fait accompli, tu finis par le faire et mettre les heures qu’il faut. Alors j’ai pas mal appris sur le terrain.

Par la suite, j’ai commencé par acheter un ordinateur, à étudier le son. C’est venu un peu au cours du chemin. C’est-à-dire que j’ai tout le temps été un peu devant le fait accompli : « okay, bon bah là, je n’ai pas le choix, il faut que je fasse face à la musique. » Je crois que, au final, ça m’a toujours intéressé, sinon je me serais lassé rapidement. J’ai compris que si je voulais une entité, quelque chose de personnel, il fallait vraiment que je me mette à travailler les timbres et les sons et m’y intéresser sérieusement, parce que vu que je ne suis pas dans la recette, vu que je suis quand même dans la musique populaire. Mais je ne suis pas dans une démarche de recette où ce que je fais est toujours un peu le même truc. Je cherche tout le temps à trouver des environnements, des ambiances un peu différentes, ça m’oblige toujours à raffiner mon son, à faire un peu d’expérimentation, à toucher à l’électro acoustique, à m’intéresser à plusieurs univers. Ce qui fait que ça, ça m’a enrichi, c’est enrichissant. Puis, ça me permet à chaque fois d’aller ailleurs.

Pour le dernier album, je me suis retrouvé un petit peu face à moi-même parce que pour être honnête, premièrement, j’avais plus d’argent (rires). Puis même avec l’argent des subventions que j’avais, ça reste que c’est extrêmement mince. Aujourd’hui faire un disque avec… on te donne 20 000$, il faut que tu fasses un disque. On parle d’un mix, d’un mastering, de deux ans de compos. Si je calculais mon temps, en fait, je n’arriverais pas dans mon argent (rires). C’est presque impossible. Tu le fais parce que tu es passionné et que tu as vraiment envie de proposer quelque chose de différent. Ce qui m’est arrivé, c’est que pour le dernier, j’avais commencé à travailler à la maison, puis là, d’un seul coup, je me suis dit : « finalement, ça a du sens ce que je suis en train de faire. Les drums, je les fais, les guitares, les pianos, tout ça. » Puis là, je me suis dit : « bah finalement, ça tient debout… Est-ce que je vais vraiment réengager des musiciens pour refaire ce que j’ai fait ? » Finalement, j’ai eu confiance en ce que j’avais fait. J’ai appelé mon vieux chum Antoine Binette-Mercier puis il m’a fait un mix absolument incroyable. On a loué du matériel, on est allé à tâtons, on a appris aussi sur le tas. On avait du temps vu que je devais le fini au mois d’avril dernier (rires). On a eu presque six mois pour faire le mix, donc on a vraiment pris notre temps. J’ai appris beaucoup de choses encore une fois ; à chaque fois que je finis un disque, j’apprends des choses. C’est ça ma paye (rires).

Myriam : Est-ce que tu dirais que c’est important pour les musiciens, du moins là, en 2021, d’être capable de faire le plus de choses possible? Parce que je t’écoute, puis tu es capable de faire tous les instruments, tu es capable de faire quasiment un album tout seul, il te reste juste le mix à « maîtriser » de ce que je comprends…
Julien : Ce que je dirais aujourd’hui aux musiciens, c’est oui d’en faire le plus tout seul, d’apprendre beaucoup. En fait, ce que je dirais tout simplement, c’est qu’il faudrait être assez solidaires en ce moment pour pouvoir être capables de faire valoir nos droits et de se faire payer correctement. Ça, ça serait déjà la première chose parce que je trouve que c’est quand même inadmissible que l’on se fasse voler comme ça et que le gouvernement nous « pitch » des subventions pour avoir bonne conscience parce qu’ils ne veulent pas s’attaquer au vrai problème, tu comprends? C’est-à-dire qu’on nous balance un bout de cash comme ça, comme un bout de gras de viande puis « bon, bah, débrouillez-vous avec ça. »

Dans les faits, moi, je ne demanderais peut-être pas de subventions si on me payait mes droits d’auteur correctement quand on télécharge mes chansons gratuitement sur internet. Ce que je veux dire par là, c’est que je n’ai pas de conseil à donner aux techniciens parce que ce sont des gens… Quand tu as passé ta vie à apprendre un instrument, c’est extrêmement complexe, extrêmement long, très difficile, puis quand tu vas à l’université, tu te raffines dans tes choses. Un moment donné, on ne peut pas tout faire, on n’est pas des centres commerciaux. Je ne suis pas pour cette espèce de « Je vais tout faire, je vais te faire du pain, je vais danser, je vais faire la caméra, je vais… » Non. Je veux dire, un moment donné, c’est le fun quand tout le monde travaille, puis c’est le fun quand la job est répartie vers des spécialistes, parce qu’au final je crois qu’on finit par perdre en qualité, tu comprends ? C’est-à-dire que oui, je peux faire la batterie, je peux faire une job correcte, mais ça ne sera jamais les subtilités d’un gars qui a 10 ou 20 ans de carrière en batterie et qui ne fait que ça. Oui, on peut faire beaucoup, oui, les ordinateurs nous aident à faire beaucoup de choses. Mais ça reste que c’est au détriment de la profession. Je crois que ça serait plus simple si on nous payait comme il faut, que les droits d’auteur étaient corrects. Pour moi, ça me permettrait d’engager des gens, de revenir un peu comme comme à l’époque où on fait les choses comme il faut. Mais le problème, c’est que l’argent est encore sur la table. C’est juste un gros aspirateur central qui fait juste pomper, puis ça va juste dans deux poches au lieu d’être réparti dans la culture. C’est ça qui est un peu dommage.

Les temps, en ce moment, sont catastrophiques. Juste d’avoir essayé de trouver des musiciens dans mon entourage, ça a été problématique parce que les gars ils ne peuvent pas tenir, alors ils vont chercher des jobs ailleurs. Je peux dire c’est plus possible s’il n’y a plus de spectacles, quand tu dépends uniquement des spectacles pour gagner ta vie. Ce n’est pas viable, ce n’est pas quelque chose qui peut durer. C’est triste quand même, c’est vraiment… La pandémie, peut-être que ça allait de soi dans le sens que ça allait peut-être disparaître dans un avenir proche, mais la pandémie a fait en sorte que ça accélère le processus. Ce que je trouve dommage là-dedans, c’est que c’est comme ça dans beaucoup de corps de métier. La musique, c’est une chose, mais ça touche à toutes les sphères, c’est-à-dire que les machines rentrent dans nos vies, les ordinateurs, voilà, on peut en faire de plus en plus tout seul. Oui, on peut en faire plus, mais le problème c’est qu’il y a des gens qui ont étudié des années pour développer une expertise, pour développer des sensibilités. C’est important. Je trouve que on va finir par… que la qualité du travail va être de plus en plus « botché« . Puis ça, c’est dommage. Ça touche la photographie, ça touche le cinéma. Ça touche vraiment tous les corps de métier. Puis on veut tout le temps couper la pomme en deux, on veut ne pas payer cher. Tu ne veux pas payer cher pour une paire de souliers, c’est sûr que si ce ne sont que des produits de l’étranger, on ne fait plus travailler les gens chez nous puis ça a des répercussions sur tous les niveaux. On ne peut pas juste importer sans exporter, il me semble. Je n’ai pas fait beaucoup d’études, mais il me semble qu’à un moment donné, dans la balance, si on fait juste importer et qu’on n’exporte pas notre savoir, notre culture, nos façons de faire, c’est bien triste…

Myriam : Quand tu disais tout à l’heure que ton album devait sortir en avril, évidemment, pendant la pandémie, il n’était pas prêt quand la pandémie a éclaté ? Tu as repris un six mois après pour le retravailler ou il était prêt et tu l’as re-retravaillé ?
Julien : En fait non, c’est que je devais rentrer en mix au mois d’avril passé, sauf que la pandémie m’a empêché de rentrer en studio parce que je n’avais pas le droit d’y rentrer. Les studios étaient fermés. Donc la pandémie a fait en sorte que je ne pouvais plus sortir mon disque. Je n’ai juste pas pu le finir dans les temps que je voulais. Je voulais rentrer en mix au mois d’avril, début avril, pour finir fin avril pour pouvoir le lancer, donc ça m’a touché complètement.

Myriam : Tu t’inspires d’autres formes d’arts pour faire la musique, comme le cinéma, les arts visuels, qu’est-ce que ça t’inspire? Comment tu t’inspires de ces types d’art là ?
Julien : Je vais t’avouer que je suis un cinéphile fini. J’adore le cinéma, d’ailleurs c’en est dangereux parce que je peux faire des nuits blanches à répétition. Je n’ai pas de fin pour le cinéma, j’en mange comme des jujubes. Ce qui arrive, avec le cinéma, je trouve que c’est vraiment ce qui peut le plus me projeter dans une ambiance, pour trouver un ton pour un disque, parce que je m’y vois. Je me vois dans le son. Je me vois dans l’image. Je vais être capable de prendre l’image que je vois et lui donner un son. Je veux faire l’inverse : je veux prendre l’image et lui donner un son. Je peux prendre des, je ne sais pas, des comportements d’acteur ou de danseur et je vais essayer de leur mettre des mots, je vais me faire un film. Je vais me faire un film à travers un film, mais un film qui reste auditif. Puis dans ma tête, je me recrée un monde dans un monde. Je suis fan des films des années 50, des années 60, des vieux films français d’avant-garde, surtout des collaborations franco-italiennes qu’il y avait dans les années 50 parce que je trouve qu’il y avait une espèce de savoir-faire pour la photographie, cette espèce d’échange de deux cultures comme ça qui fait juste apporter du plus. C’est une époque où on avait chacun savoir-faire européen, tu sais? Les Italiens avaient leur savoir-faire pour le film, pour la photographie, il y avait Cinecittà à l’époque, qui était l’équivalent de Hollywood aujourd’hui. Il y avait vraiment une identité culturelle très forte, alors ça permettait justement d’avoir un échange, d’avoir des avis, d’avoir des façons de s’habiller, de penser, de se coiffer et la mode. Tout avait une répercussion énorme sur la vie, sur le quotidien des gens. Alors je trouve que c’est un terreau super fertile, parce que quand je regarde les films actuels, ce qui m’ennuie un peu, c’est justement cette perte d’identité là, c’est-à-dire qu’on est tous pareils, on loge tous à la même enseigne, on bouffe tous la même bouffe, on s’habille tous de la même façon, ça finit par être complètement insipide et je n’arrive pas à me projeter dans la vie contemporaine. J’ai énormément de mal avec les films en couleurs, ça m’ennuie. Quand je vois un film en couleur, j’ai l’impression que tout est trop clair, qu’il n’y a plus de mystère, que j’arrive à deviner ce qui se passe, alors je trouve ça ennuyeux. Je trouve ça ennuyant. J’adore le cinéma noir et blanc. J’aime le mystère, j’aime les choses cachées. J’aime quand le cinéma fait référence à une culture, à un style. J’aime le cinéma africain. Il y a un film que j’ai vu, il y a peut-être cinq ou six ans, un film belge qui était sorti. Ça m’avait bouleversée, ça s’appelait La Merditude des choses. C’est un film fantastique.

J’adore le cinéma, ça me permet de me projeter. Là, j’ai vu un film super beau, […] c’est un film en sépia. Il y a deux voix narratives tout le temps, il y a sa voix à lui et une deuxième voix qui parle tout le temps dans sa tête. Puis là j’ai écouté ça je me suis dit « wow, ça, ça ferait un super album. » Ce que je trouve le fun du cinéma, c’est que des fois, c’est juste des brides, des idées, des trucs qui sont jetés un peu comme le jazz. Je suis un fan de jazz. Ce que j’aime du jazz, c’est qu’il y a beaucoup de bouts où l’on s’emmerde, puis d’un seul coup, il y a un moment, un truc de génial qui vient de passer, il y a 30 secondes puis c’était à toi de ne pas le rater. Je trouve ça cool. Des fois, il y a des idées comme ça qui sont lancées, puis c’est à toi de les attraper au vol pour en faire quelque chose, pour aller plus loin dans l’idée, pour les développer. Pareil pour la musique classique et pareil pour le jazz. C’est ça qui me fascine à chaque fois. C’est les idées qui sont « pitchées » et c’est à toi de les attraper. C’est comme la musique classique.

J’adore la musique classique, mais au final tu réalises que bon, il y a beaucoup d’explication, de détour, de mise en scène, je te fais la cour, je te parle et tout ça, puis, quand tu coupes, ça dure une minute 50. Ce n’est pas plus qu’une chanson pop. Le climax, ce que tu attendais, les canons, l’explosion, le moment fort, il n’est pas plus long qu’une chanson pop. Des fois, la musique pop, c’est juste un ramassis pour aller plus vite, pour aller directement au coït si tu veux. On est moins dans le détour, on est moins dans l’explication, la mise en situation.

J’aime tellement de choses. J’aime tellement l’art visuel. Ma femme me fait de super toiles. J’en ai tout le temps à la maison. J’ai tout le temps de beaux tableaux. Je peux m’asseoir, je peux regarder, penser, écrire. Ça nourrit, je ne regarde pas un mur plate. Je me projette dans des choses, j’ai besoin de matière. Par rapport aussi à ce sentiment là en ce moment, on est énormément dans le virtuel, parce qu’en plus on ne se parle plus, on ne se touche plus. Déjà que ce n’est pas très fort là, on s’éloigne de plus en plus. Il va falloir revenir, reprendre contact pour de vrai.

Myriam : Ouais, ça va être un beau défi quand même.
Julien : Ça va être un défi, mais tu vas voir, quand tu chasses le naturel, il revient au galop.
Myriam : Ouais, c’est ce que j’essaie de me dire aussi.
Julien : Ouais, ne t’en fais pas, ça va revenir. C’est vraiment un triste passage, mais je crois que quand ça va revenir, ça va exploser, ça va faire des pétards partout.

Myriam : Oui, sûrement. Mais justement, en parlant de revenir au normal, ça me fait penser à ça. J’avais noté que le 12 mai, tu veux faire un lancement en vrai, hybride. Où en es-tu avec cette idée-là?
Julien : Je ne sais pas. L’idée, c’est que jusqu’à maintenant, le lancement est filmé. Est-ce qu’il va avoir du monde ? Parce que ça commence à être un vrai casse-tête. Je veux dire, faire venir des gens pour finir un show à 20h, faire venir des gens, les faire venir à 17h00 pour qu’à 20h ils soient chez eux, il faut les faire venir à 16h, mais les gens finissent de travailler à 17h… Ça commence à être impossible. Je veux dire, même les salles commencent à regretter d’avoir ouvert parce que ce n’est pas viable, c’est juste impossible. Les gens travaillent l’après-midi, ils ne peuvent pas aller voir des spectacles. (…) C’est vraiment une gestion, puis ça devient impossible aussi parce que je veux dire, on ne peut pas faire tous les spectacles les samedis et les dimanches non plus. En fait, ce n’est juste pas viable du tout là, ça ne marche pas du tout leurs affaires.
Puis on ne peut pas demander aux gens de courir pour aller voir les shows, puis là, « Ah non, écoutez, je suis désolé, je ne ferai pas de rappel, rentrez chez vous, bonne soirée! Dépêchez-vous, vous êtes en retard! » Peut- être que si, au moins, on pouvait signer des papiers de dérogation aux gens qui viennent aux spectacles, ça serait peut-être une chose encore possible, mais c’est juste que là, ce n’est pas faisable. Peut-être que ça serait le genre de chose qu’on pourrait proposer, signer des papiers de dérogation pour… on parle peut être de 20, 30 personnes…
Myriam : Ouais, c’est ça. On n’est pas dans le Centre Bell…
Julien : Exactement ! Je trouve que c’est quand même exagéré. C’est vraiment exagéré. Puis bon en tout cas là-dessus on peut s’en parler. Je veux dire, on ne partage pas tous le même point de vue. C’est l’idée de vacciner la pyramide, commencer par les vieux jusqu’aux plus jeunes, je ne sais pas si c’est une bonne idée, mais bon bref c’est comme ça…

Myriam : Tu as fait partie d’un groupe pendant presque quinze ans puis tu t’es lancé dans l’aventure solo depuis neuf ans, dirais-tu que ton style a évolué? Si oui, comment ?
Julien : Oui, j’ai évolué déjà par le poids de la composition et de l’instrumentation, les textures et les mixes, devoir trancher et prendre les décisions. J’avoue que c’est très agréable !

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Julien : Pour qu’une pièce musicale ou une chanson soit bonne, quels sont tes critères ? L’harmonie (une belle mélodie construite ou déconstruite qui évolue), une bonne rythmique et le choix des timbres, le tout doit évoquer un sentiment (colère, joie, mystère)…

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Une œuvre musical extrêmement longue qui passe par plusieurs sentiments. Sûrement un compositeur Russe (Le sacre du printemps, Igor Stravinski)

2. Ta chanson de rupture préférée?
Pale Blue EyesVelvet Underground

3. Ta chanson d’amour préférée ?
Shake AppealIggy Pop

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
Thelonious Monk

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Goodbye to Language, Daniel Lanois

6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Lilywhite Cat Steven

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
Ariel Pink

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
The Crystal Ship – The Doors

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
N’importe laquelle des Doors

10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
Fraulein