La quête silencieuse (mais pas tant que ça) de Keyru
© Keyru, photo de courtoisie
Par : Myriam Bercier
MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, pleins feux sur Keyru.
Keyru est un projet indie pop montréalais. Le sextuor est composé de l’auteur-compositeur-interprète David Lalonde, Jean-Gabriel Lalonde (basse), William Bergeron (guitare), Ugo Narval-Hallé (piano), Antony Beaulieu (saxophone) et Simon Pesant (batterie). Ces derniers offrent une pop délicate et texturée avec des textes qui recherchent l’humain.
Le nom du projet, Keyru, n’est pas anodin : il signifie courir en islandais et symbolise le rythme de la vie de nos jours, ainsi que le désir de se propulser le plus loin et le plus fort possible, le tout, dans une urgence de vivre. Leur premier EP, Everything is a Quiet Quest, paraîtra le 20 août prochain. D’ici là, trois chansons sont disponibles sur les plateformes d’écoute en ligne : Everything I Gather, Everything is a Nameless Feeling et Everything is a Self-Discovery. Cette dernière est née d’une profonde humilité face aux désirs de découverte et de guérison. Elle traite d’amour, certes, mais également du faussement acquis, d’acceptation, du pardon ainsi que du sentiment immense qui nous envahit quand on réalise que ce qu’on cherchait, tout ce temps, était nous-même.
© Keyru, photo de courtoisie
J’ai eu la chance de m’entretenir avec David Lalonde, la voix derrière ce projet musical. Nous avons parlé, entre autres, de la naissance du projet, de Everything is a Quiet Quest ainsi que d’un projet assez spécial! Sans plus attendre, voici notre discussion!
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
David : Ça a commencé entre amis au secondaire. C’étaient des moments qu’on vivait ensemble où on chantait du Mumford & Sons ensemble, tous collé en se donnant de l’amour en même temps. C’était vraiment un vibe. J’ai commencé à chanter plus fort que les autres; j’ai découvert ma passion en le faisant et en trouvant dans la musique quelque chose qui guérit aussi. La joie de la musique, le fait que ça rassemble les humains et que ça nous rassemble tous autour d’une même trame sonore, je trouve ça spécial.
Myriam : Comment le projet est-il né?
David : Mon projet est né par l’entremise d’un de mes premiers amis du secondaire, William Brandl. Depuis son secondaire deux, il produit de la musique chez lui. Il faisait de petits beats homemade, j’allais chez lui et on en faisait ensemble. Bon, moi je ne faisais rien à part lui donner mes commentaires (rires). Il n’a jamais arrêté depuis de faire de la musique. Il publiait des chansons instrumentales sur Soundcloud. J’ai commencé à faire de la musique de mon côté, j’avais un petit studio chez moi. J’ai téléchargé une de ses chansons instrumentales et j’ai ajouté de la voix. J’ai chanté pendant 25 minutes sur la trame, puis je lui ai envoyé en lui demandant si on faisait quelque chose avec ça. Il m’a dit que c’était cool et qu’il y avait des bouts qui sonnaient bien. Donc on est allés chez lui, on a tout décortiqué, et cette chanson est devenue la chanson titre du EP qui s’en vient en août. C’est unique. Depuis ce temps, évidemment, il y a eu 30 versions, il a fallu qu’on atterrisse sur une version officielle, ce qui était un défi, mais il y a quelque chose d’assez magique dans tout le processus qui a mené jusque là.
Myriam : Comment as-tu rencontré les autres membres du groupe?
David : Au fur et à mesure. Quand on a fait une chanson avec la trame instrumentale de William, on est allés chercher de l’aide : un guitariste, un saxophoniste, des musiciens autour de nous, parce qu’on en a quelques-uns dans notre entourage. Peu à peu, ils ont mis leur son, certains sont restés, d’autres sont partis depuis. Ceux qui restent sont des gens qui ont décidé de donner de l’importance au projet volontairement, malgré le bénévolat du début. Dans tous les projets au début, on doit essayer, et ce n’est pas payé, évidemment. C’est entre amis, donc on se donne, on s’entraide. Ceux qui ont le projet dans le cœur encore sont dans le groupe et représenteront Keyru dans les prochaines années.
Myriam : Peux-tu me parler un peu de Keyru justement? Quel genre de musique faites-vous ?
David : Nous faisons du indie pop. Il y a une base acoustique, car les chansons sont composées par moi-même avec ma guitare au début. Je compose la chanson puis je l’arrange avec mon producer William Brandl. On y ajoute de l’électro, des beats, on ajoute ce qui fite dans le vibe, selon ma direction artistique. Ça donne du indie pop, c’est ça mon son, ça a l’air! Je le découvre de plus en plus. Dans le second album, je sens que j’ai tracé mon chemin vers un son plus précis, car on commence déjà à plancher sur le second album. Ça a vraiment évolué depuis qu’on fait de la musique. On change avec les années, nos goûts musicaux, notre direction artistique changent, on se définit de plus en plus. J’ai hâte de dévoiler le deuxième album aussi, ça fait longtemps que le premier album est sur la table.
Myriam : Le premier album est sur la table, mais il n’est pas encore sorti, il sort en août, n’est-ce pas?
David : Exact. On a quand même pris notre temps.
Myriam : Mais il devait sortir en mai, non?
David : Oui, mais à cause de la pandémie, évidemment, on a repoussé. On avait une session de studio le 16 mars 2020 pour finir les pistes officielles du EP, et tout a fermé le 15 mars donc… (rires) Ça a tellement retardé à cause de cette date, mais on est tous dans le même bateau.
Myriam : Pourquoi avoir choisi ce nom?
David : Il y a eu plusieurs noms : il y a eu Mannequin au début, mais on a réalisé qu’il était déjà pris en fait (rires). On s’est redirigés. C’était une session de brainstorm avec mon frère, qui fait également partie du groupe et produit le second album. On s’est assis, et c’était un brainstorm exigeant : on essayait plein de mots, on allait sur Google Translate pour voir ce qui pourrait être intéressant dans d’autres langues. C’est l’islandais qui a eu mon attention. J’écrivais des mots et à moment donné j’ai écrit courir, ça a donné keyru, on s’est regardés et on s’est dit que ça sonnait bien, que c’était simple. Donner un nom au projet, c’est un des défis, et il fallait atterrir sur quelque chose avec lequel on se sent bien, qu’on assume et qu’on veut transporter.
Myriam : Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire des chansons?
David : Je te dirais que le premier album, c’était vraiment une rupture amoureuse, comme si ce n’était pas cliché (rires). Mon processus de création, c’est que je peux faire quelque chose de banal, puis une idée, une phrase ou une mélodie va apparaître et je la note sur le moment. J’ai des centaines de notes avec le temps, donc je finis par m’asseoir, j’attends d’avoir une mélodie que j’aime, une suite d’accords puis je reprends mes notes et des fois je peux partir de seulement une phrase. J’improvise, je compose, je mets ça dans mon logiciel et ça donne quelque chose.
Myriam : Vous allez lancer votre premier EP en août, peux-tu nous en parler un peu?
David : C’est Everything is a Quiet Quest. Ça, c’est la chanson dont je parlais plus tôt que j’ai créée avec William Brandl, sur une de ses trames instrumentales. Ça a été un des éléments déclencheurs pour partir un groupe que d’enregistrer sur cette trame. J’ai composé autour du son qui en était sorti. C’est un album avec un concept : tous les titres commencent par everything. Jusqu’à maintenant, il y a Everything is a Self-Discovery, Everything I Gather et Everything is a Nameless Feeling qui sont sorties en ce moment. On peut les diminuer à I Gather, Nameless Feeling, Self-Discovery, mais je voulais pousser le concept plus loin et dans un certain sens, j’ai l’impression que c’est vrai, que tout est une découverte personnelle, que tout est un sentiment sans nom et que c’est nous qui le définissons. Ce sont des titres assez généraux qui peuvent amener l’auditeur à l’interpréter selon ce qu’il veut et sa situation du moment, tout en laissant place à la liberté dans l’écoute. Everything is a Quiet Quest est une de mes plus grandes réalisations depuis que je suis sur Terre. Par rapport à mes défis plus personnels, mes réussites, mes relations, j’ai l’impression qu’il y a tout le temps la petite voix dans notre tête qui nous aide à vivre, à prendre une décision et à tout faire, et dès qu’on met des mots au silence, je pense que c’est le début du chaos. Je pense que souvent, la meilleure réaction face à la vie, c’est le lâcher-prise. J’ai l’impression que c’est ça, la quête silencieuse, de lâcher-prise le plus souvent possible dans sa vie par rapport à ce qui peut nous arriver. Clairement, en 2020, on l’a vu, on est dans un monde assez imprévisible, il peut arriver beaucoup de choses. On peut en parler pendant des heures, de la COVID par exemple ou de peu importe le problème qui nous arrive dans notre vie, mais il faut continuer à avancer, il faut prendre son courage et aller à l’autre étape.
Myriam : Comment as-tu développé ce son? Quelles sont vos influences?
David : Je te dirais qu’on a beaucoup d’influences. Pour le premier EP, c’était Sufjan Stevens, The National, Bon Iver, Frank Ocean, Ben Howard… Je trouve qu’ils ont un talent pour mélanger l’acoustique et l’électro. J’aime aussi les messages cachés et le fait que tu peux écouter les chansons plusieurs fois et même si ça fait 100 fois que tu l’écoutes, tu découvres encore la chanson. Pour nos chansons, on se fiait surtout à la version initiale en guitare-voix, puis on l’enveloppait comme on voulait. Pour garder la magie et la chaleur du son, on a décidé de rester fidèles aux enregistrements initiaux. Au mastering, on aurait pu enlever des highs pour que ça sonne plus fort, en contrepartie on aurait perdu la chaleur et le confort quand tu écoutes la chanson. Un bon exemple de cette technique-là, c’est Patrick Watson : il ne risque pas que ça sonne plus fort dans le mastering pour garder la chaleur de son son. On voulait être authentiques.
© Keyru, photo prise sur leur page Facebook
Myriam : Tu disais que tu pensais déjà au prochain album, où en es-tu dans ce processus?
David : En ce moment, on est vraiment dans un rush pour une bonne raison : je suis récipiendaire d’une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) en partenariat territorial pour organiser un spectacle au Théâtre Gilles-Vigneault. Je suis en collaboration avec le directeur général et artistique David Laferrière. On organise ça ensemble en ce moment. On va sûrement aller chercher une autre tête d’affiche. Notre plan, c’est d’offrir un plateau double avec une première partie aux bénéfices du Book Humanitaire, un organisme humanitaire à Saint-Jérôme qui œuvre auprès des itinérants. Ce n’est pas encore affiché. C’est pour ça qu’on planche sur le deuxième EP, car le premier ne contient que six chansons, et on aimerait faire 45 minutes et plus de spectacle.
En octobre passé, je suis allé composer pendant un mois dans un chalet sur le bord du fleuve à Saint-Simon-sur-Mer seul pendant trois semaines. C’était toute une expérience! Tout ce que j’avais à faire, c’était composer pendant trois semaines. J’ai composé six ou sept chansons durant ce temps, nous en avons pris quatre et on les arrange, on les mixe, on les produit le plus vite possible mais à distance. On veut finir avant la mi-juillet afin de produire ces chansons en août. C’est pour ça qu’on commence le deuxième album tout de suite.
Myriam : Comment as-tu eu cette bourse?
David : C’est très spécial comment ça m’est arrivé. J’avais fait paraître Eveything is a Nameless Feeling, j’étais en train de pitch la chanson par moi-même, comme je n’avais pas de relationniste de presse à ce moment-là. Je naviguais voir où je pouvais envoyer ma chanson et je suis atterri sur le site de Culture Laurentides, qui est une annexe de la CALQ. J’ai vu qu’il donnait une formation pour remplir des demandes de subvention. Je pensais que c’était des demandes de subvention pour produire un album, mais ce n’était pas pour ça finalement. J’ai appelé, car la formation était le lendemain, et j’ai parlé à une des responsables là-bas. Elle m’a expliqué la formation et je réalise que ce n’est pas du tout ce que je pensais. Donc je décide de laisser tomber. Elle me demande alors si je viens de Saint-Jérôme, ce qui est le cas, et elle me dit qu’il y a, dans le programme, une bourse pour laquelle je peux appliquer. C’est une bourse conjointe entre la ville et la CALQ. Il y a une possibilité de 20 000 $. Donc, avec la responsable, on brainstorm à voir ce que je peux proposer comme projet, au départ je pensais faire un petit festival, mais ça ne fonctionnait pas. C’est alors que l’idée du spectacle m’est venue, mais il fallait qu’il y ait des retombées sur la communauté. Je raccroche pour y penser un peu, en lui disant que si j’ai une idée je la rappelle. J’avais 12 heures pour penser à un projet. Je me suis demandé si je voulais vraiment faire ça, si je voulais m’engager là-dedans. C’est alors que l’idée du spectacle m’est venue, je lui en ai parlé, et on a commencé les démarches. J’ai mis peut-être entre 60 et 80 heures là-dessus, j’ai travaillé fort. Ça a fonctionné, le projet a été accepté, et maintenant nous sommes là (rires).
© Keyru, crédit photo : Fred
Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
David : Si j’étais un journaliste, je me demanderais : comment t’accomplis-tu dans ta passion? Et je répondrais (rires) : par la persévérance, la détermination dans les projets et la réalisation de qui je suis dans mon identité artistique. Je trouve que ça me fait avancer en tant qu’humain et que ça me permet beaucoup de m’exprimer sur ce qui se passe à l’intérieur. C’est possible d’aider les autres par davantage des messages d’amour, du moins je l’espère. La fierté de bien faire joue un rôle aussi dans tout ça.
1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Impossible Soul – Sufjan Stevens
2. Ta chanson de rupture préférée?
About Today – The National
3. Ta chanson d’amour préférée?
Your Song – Elton John
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage?
Elliot Maginot
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Bon Iver – Bon Iver
6. La chanson qui te rend le plus heureux.se?
You Could Be More as You Are – Saâda Bonaire
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup?
Frank Ocean
8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
You’re Not Good Enough – Blood Orange
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Red Stone (Album II)
10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
Faith – Bon Iver