Vendou : Un vent de douceur dans le monde du rap
© Vendou, crédit photo : Villedepluie
Par : Myriam Bercier
MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, on se laisse porter par le mumble rap de Vendou.
Demi-finaliste aux Francouvertes de 2020, membre du collectif Les Fourmis et du groupe l’Amalgame, on ne peut pas dire que le rappeur montréalais Vendou chôme. Il a remporté cinq prix au festival Vue sur la relève ainsi que neuf victoires sans défaite dans le combat des mots de l’émission radio-canadienne Plus on lit. Ce dernier point s’explique notamment par le côté littéraire très important dans ses paroles et dans ses influences. Il a lancé trois EPs en carrière et un premier album au mois d’avril dernier nommé Millénium.
© Vendou, crédit photo : Mahélie Boulanger
Lorsqu’on prête oreille au travail de Vendou, on découvre de la musique au croisement du rap, de la pop et de l’indie, le tout, dans une ambiance intime, douce et parfois suave. Son album Millénium ne déroge pas à cette ligne artistique. Les 14 pièces de son album sont supportés par le travail de Mathieu Rompré (batterie), Tom Lunaire (guitare), Pierre-Mathieu Babin (dj) Mathias (basse et claviers) ainsi que de Gaël Auclair (réalisation et composition). Sa pièce Drôle de rêve faite en collaboration avec FouKi permet aux deux artistes d’ouvrir une fenêtre sur leur passé, leur adolescence et leurs débuts de carrière pour en arriver où ils sont maintenant.
J’ai eu la chance de parler avec Vendou la semaine passée. Nous avons parlé entre autres de son nom, de collaboration et de Millénium, son nouvel album. Sans plus attendre, voici notre discussion!
Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
Vendou : C’est venu comme ça, avec le temps, par les gens avec qui je me tenais vers la fin du secondaire et au début du cégep. On avait cette passion commune pour le rap. J’ai commencé à voir des gens qui me ressemblaient sur la scène du rap. Des artistes comme Mac Miller, ça m’a vraiment donné envie de voir si je pouvais faire ça aussi. Ça a commencé pour le plaisir au début, sans trop de prétention ni de vision, mais avec le temps, on a développé une passion et un talent pour ça.
Myriam : Pourquoi avoir choisi le nom de Vendou?
Vendou : À vrai dire, je n’avais pas choisi le nom de Vendou au début. Je m’appelais Windu au début, en référence au personnage de Star Wars. Mes amis ont commencé à m’appeler Dou, à cause du Du à la fin. Le win(d) est devenu ven(t). C’est vraiment un nom qu’on m’a donné, et je trouvais que ça me représentait bien, donc je l’ai gardé. C’est un surnom d’amis qui est devenu mon nom d’artiste.
Myriam : Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire des chansons?
Vendou : Plusieurs choses. Parfois des choses assez simples, comme les relations que je vais avoir avec mes amis, avec des gens autour de moi. Il y a beaucoup d’introspection dans ma musique, des réflexions et des questionnements. Parfois je me parle à moi-même aussi. Tout ce que je trouve grandiose, comme la nature, l’univers, le temps; tous ces trucs qu’on connaît, qu’on côtoie sans penser qu’ils sont grands et inconnus, m’inspirent beaucoup.
Myriam : As-tu un processus de création? Si oui, lequel?
Vendou : C’est assez freestyle quand je fais de la musique. Ça part souvent de la musique, de la pièce composée. Je vais l’écouter et essayer de me concentrer sur ce qu’elle me fait ressentir, où est-ce qu’elle m’amène à l’intérieur de moi. J’en discute avec ceux avec qui je fais de la musique pour voir si on a le même feeling par rapport à ce qu’on écoute. Ensuite, je vais poser des mots de mon bord. On travaille ensemble pour trouver les mélodies, mais tout ce qui est le texte, je vais m’appliquer de mon côté pour le faire. On enregistre, puis on laisse ça mijoter quelques temps. Puis on va retravailler dessus, faire de nouveaux arrangements, rajouter des éléments musicaux, des instruments live ou rajouter des paroles. On fait ça au fur et à la mesure, et on se laisse aller par comment on se sent et ce qu’on veut transmettre à l’instant précis et au moment présent.
Myriam : Tu as parlé de tes collaborateurs musicaux, comment les as-tu rencontré? Comment ont-ils joint ton projet?
Vendou : Je les ai rencontré au fil du temps. J’en ai rencontré un premier en travaillant sur une pièce collaborative sur laquelle j’avais été invité. Après cette pièce, on avait connecté et il m’a envoyé de la musique pour faire une première chanson ensemble. En studio, il est accompagné d’un autre de mes collaborateurs qui est aussi musicien dans mon groupe quand on fait le spectacle. À travers des spectacles que j’ai fait, j’ai rencontré X, Y personne et j’ai fait des connections. Puis, on amène les gens au studio travailler sur tel ou tel morceau, dépendamment de ce qu’on recherche et ce qu’on veut y rajouter.
Myriam : Tu as fait le choix d’utiliser des instruments sur tes chansons et sur scène plutôt que d’utiliser du sampling ou des sons électroniques, pourquoi?
Vendou : Je trouve que ça ajoute de l’âme à la musique en général. Après ça, on n’est pas un orchestre symphonique, on a quand même ce côté de samplings et de drum machines qui est la manière de faire le rythme dans le rap. C’est assez caractéristique et on veut rester là quand même. Après, c’était d’avoir un projet plus hybride, plus intéressant à aller voir; comme il y a des musiciens on peut jammer sur les chansons. Plutôt que la chanson termine comme sur l’album, on peut rajouter des segments. C’est vraiment juste pour donner plus d’âme, plus de valeur et plus de plaisir, car c’est le fun de travailler en gang plutôt que de travailler seulement avec une personne.
Myriam : Comment as-tu développé ton style?
Vendou : À force d’essais et d’erreurs, je pense. J’ai beaucoup évolué dans des groupes, au début du moins, avant de me lancer en solo. Je fais partie d’un méga collectif de 30 personnes appelé Les Fourmis. Là-dedans, il y a mon groupe, l’Amalgame. On est cinq dans ce dernier. Si tu veux trouver ta place dans le groupe, c’est important d’amener ton identité, d’être toi-même, de ne pas essayer de faire comme untel ou untel. Regarder ce que les autres font et comprendre ce que sont ta place et ton rôle, ce que tu peux amener et faire pour amener un plus-value. J’ai développé mon style aussi en me questionnant sur ce que j’avais envie d’être. C’est comme ça que tout ce côté suave, mélancolique qui me représente bien en tant que personne s’est transmis dans ma musique.
Myriam : Outre de te permettre de trouver ton identité artistique, est-ce que ça t’a amené autre chose, le fait de faire partie de plusieurs groupes et/ou collectif, comme par exemple Les Fourmis ?
Vendou : Oui, c’est sûr, car c’est le fun de faire partie d’une scène, d’une communauté, c’est le fun sur plusieurs points. Il y a toujours une espèce de compétition saine, on voit comment les autres évoluent dans leurs projets, on s’inspire les uns des autres pour monter nos structures, comment on va mettre en marché notre projet, ce qu’on va faire de différent. On se regarde beaucoup les uns les autres pour trouver des idées qui sont différentes et s’inspirer de certains modèles. Tu apprends beaucoup en regardant les autres, comment ils font en studio et sur scène. Je pense que c’est juste normal d’être à l’écoute, de regarder autour de soi pour apprendre. J’ai toujours été assez éponge dans la vie, donc j’ai beaucoup appris des gens qui m’entourent et j’apprends encore beaucoup d’eux à tous les jours.
Myriam : Tu collabores sur les chansons de plusieurs artistes, pourquoi?
Vendou : C’est le fun, premièrement, d’être invité sur des projets d’artistes X, Y. J’ai eu beaucoup d’invitations sur des projets qui ne sont pas du rap, et j’aime ça, car ça m’amène vraiment ailleurs. Ça me permet de sortir un peu de mon monde, tout en gardant ma couleur et mon identité. Quand je reviens à mes projets, je suis moins dans des œillères car j’ai pu expérimenter. Ça m’a permis de découvrir de nouvelles personnes, être en contact avec de nouvelles scènes. Ça me donne de la belle visibilité pour mon projet, pour mon nom. Je dis ça, mais ce sont toujours des collaborations que je fais car quand on m’envoie la musique, j’aime ça et que les gens qui m’approchent je les respecte et je les admire aussi. Pour moi c’est naturel de collaborer. C’est win-win pour tout le monde, autant pour ceux qui m’approchent que pour moi qui m’implique dans d’autres projets.
Myriam : Comment s’est passé la création de ton premier album en carrière, Millénium?
Vendou : Ça s’est bien passé. C’est sûr que ça s’est fait en deux temps. On avait déjà commencé à travailler certaines chansons avant la pandémie. C’était assez sporadique la manière dont on a travaillé, car j’avais déjà sorti trois EPs et mon projet tournait bien, j’avais beaucoup d’opportunités de spectacles et de projets en général. Je tournais avec FouKi depuis deux ans, j’étais beaucoup sur la route, en spectacle et en train de faire ma marque dans le milieu. Quand la pandémie est arrivée, j’ai eu un grand congé qui m’a permis de mettre le temps que je voulais et de rassembler les producteurs et les musiciens pour mettre la main à la pâte et de travailler un album au complet. Un gros album, comme on n’en voit plus, comme la mode est aux singles. Mais j’avais envie de marquer ce temps-là, de passer cette étape dans ma carrière. Voilà! Ça s’est bien passé! On a travaillé presque deux ans dessus, des premières maquettes jusqu’au mixage, aux vidéoclips et à la sortie. On est en train de le présenter en spectacle un peu partout au Québec, je crois qu’on travaille encore dessus. On est dans le « post-sortie ». On a déjà hâte d’en faire un deuxième.
Myriam : C’est dans l’air, d’en faire un deuxième?
Vendou : Oui, c’est dans l’air. C’est toujours dans l’air de faire de la nouvelle musique. On est quand même très content du résultat qu’on a eu et des retours. On a peut-être un peu plus de pression que pour le premier, comme on arrivait avec quelque chose de nouveau, du moins je pense, dans la scène rap avec ce rapport à la musique plus organique. On sent une petite pression, mais on a aussi envie de bien faire, donc on prend le temps, on en parle entre nous. On veut avoir une direction, une vision avant de commencer pour ne pas commencer à l’improviste. Le premier a été fait comme ça, là on apprend et on veut vraiment faire quelque chose de beau.
Myriam : Tu as fait un lancement un peu spécial, comment t’est venu cette idée?
Vendou : Quand l’album est sorti, c’était en avril. Ce n’était pas les mêmes conditions, la même situation qu’en ce moment au niveau des spectacles, de la COVID; les vaccins venaient d’arriver, je pense. Ce n’était pas une option pour moi de faire un lancement assis dans une salle à moitié pleine. Un matin, je me suis levé et j’ai eu l’idée de construire un jeu vidéo avec un de mes amis qui fait ça dans la vie. Je trouvais ça le fun de réunir les gens dans quelque chose d’un peu plus ludique, qui venait clasher avec le propos de l’album qui est quand même sérieux. Ça venait juste montrer une autre partie de moi qui peut être un peu plus, je ne sais pas comment le dire… frivole et un peu moins sérieuse. On a eu l’idée de monter un jeu vidéo dans lequel chaque participant du lancement avait des missions à compléter, des quêtes à accomplir. Il y avait des cadeaux qu’on donnait, comme des chandails gratuits, on donnait accès à une chanson qui n’était pas sortie encore. Ça a bien fonctionné, et c’était le fun, car les gens envoyaient des vidéos d’eux en train de jouer. Ça faisait un petit rassemblement, même si ce n’était pas en salle et en présentiel.
Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Vendou : Quelle question je me poserais à moi-même? (rires) Je me demanderais : est-ce que tous les bas de choisir d’être un artiste en valent les hauts? Ma réponse serait oui! (rires) Carrément. Je considère encore ce que je fais comme étant émergent au Québec, ça vient avec beaucoup de défis, de oui qui se transforment en non, de peut-être qui se transforment en oui. Ce n’est jamais très stable, on est toujours en train de mettre la main à la pâte, même quand on pense qu’on a réussi à monter une marche, il faut toujours aller pour la prochaine. Ça vient parfois avec des marches qu’on descend. Mais je pense que oui, ça en vaut la peine de mener une vie différente de celle qu’on s’attend mener ou que les autres s’attendent à ce qu’on mène. Les gens de ta famille, tes parents parfois veulent que tu prennes tel chemin. Moi, ça n’a pas été le cas. J’ai toujours été supporté par les gens autour de moi. Après, c’est un risque à prendre et je trouve que c’est plus le fun de vivre comme ça que d’être dans un bureau de 8 à 5. Ça me convient davantage.
1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
1994 – Hamza
2. Ta chanson de rupture préférée?
Objects in the mirror – Mac Miller
3. Ta chanson d’amour préférée ?
Risibles Amour – Nekfeu
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
Morgan & Peet
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
JVLIVS II – SCH
6. La chanson qui te rend le plus heureux.se ?
Vibes – Nemir
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
Mac Miller
8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
Petrouchka – Soso Maness
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Les deux printemps – Daniel Bélanger
10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
Temps en temps