Un double drame inaudible, mais parlant
Par : Annie Dubé
Jusqu’au 17 juin au Théâtre du Nouveau-Monde est présenté la courte pièce Royan – La professeur de français, venue de l’autre côté de l’Atlantique.
Sous forme de monologue, l’actrice française Nicole Garcia occupe, à elle seule. l’espace nébuleux de cette cage d’escalier, où erre une professeure vieillissante et pleine de solitude. On y découvre progressivement la détresse de femmes, ravalées et recrachées, tout au long de ce récit qui appelle à la profondeur et au mystère des existences.
D’une durée d’une heure quinze sans entracte, la pièce nous fait voyager quelque part entre la tête de sa narratrice et de ce qui la hante, entre le passé de son élève Daniella qui a commis l’irréparable et son histoire à elle, à réparer.
Difficilement audible, mais bien ressentie
La prestance de l’actrice impressionne puisque de nombreux problèmes à bien entendre chacun de mots somptueux du texte de Marie NDiaye n’ont pas su complètement nous faire décrocher. Que ce soit par notre oreille moins adaptée à une actrice européenne sur cette scène ou les évidents problèmes de micro, qui semblaient constamment déranger l’artiste, qui tentait de se jouer dans les cheveux subtilement pour arranger ces bogues, il fallait inspirer le respect pour que le public du TNM, mercredi soir, soit touché au cœur, malgré ces problèmes forts élémentaires dans le monde des arts vivants. On se désole pour les artisans de cette technologie dans les pattes.
C’est donc dans un esprit d’empathie que le public a chaleureusement applaudi l’intention de cette pièce plutôt que le résultat parfait.
Errer entre deux vies
Cette pièce, qui se déroule comme un long tapis psychanalytique sans jamais se rendre au bout, arrive cependant à tisser une toile entre les deux fils conducteurs de cette histoire embrumée, où la détresse des unes et l’impossibilité des autres d’entendre l’indicible, qui leur est trop à fleur de peau pour vouloir agir devant ce qui ressemble à des vies gâchées par la lâcheté des adultes ou leur dureté.
La mise en scène de Frédéric Bélier Garcia est métaphorique aussi bien qu’abstraite, et la musique ajoute au sentiment de tension dramatique efficacement.
Une performance inégale entre l’actrice et le son, mais tout de même, un texte d’une richesse qui intrigue tout au long et qui transmet malgré tout l’humanité de ses artisans et personnages.
Le savoir-vivre en 2023
Il faut dire qu’on souligne la concentration de l’artiste au cours de la pièce, qui a dû affronter moult sonneries de téléphones soi-disant intelligents. Il est choquant de voir qu’un public constitué majoritairement de cheveux poivre et sel n’apprend pas, malgré les messages, malgré le savoir-vivre, malgré les sonneries des autres qui devraient les effrayer d’être les prochains à commettre ce faux pas de bienséance minimale dans un lieu de communion artistique.
Public, aidez vous un peu à ne pas ruiner les spectacles que vous allez voir. Il se peut que quelques-uns se souviennent autant de vous que de la trame sonore de la pièce, mais sans le talent ni l’intention bienveillante.
Texte Marie NDiaye
Mise en scène Frédéric Bélier Garcia
Avec Nicole Garcia
Production Les Visiteurs du Soir
Crédit de couverture : Jean-Louis Fernandez
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