Hommage à l’immortelle Pauline
Par : Luc Lecavalier
Après des premières représentations à succès au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en 2023, Camille Paré-Poirier revient avec Je viendrais moins souvent, présentée à la 5e Salle de la Place des Arts et mise en scène par Nicolas Michon. Cette histoire, c’est celle-là même de Camille et de sa grand-mère, une relation particulière entre deux parents éloignés que la comédienne raconte avec sensibilité et poésie.
Pour cette pièce, Camille Paré-Poirier avait les mêmes intentions que celles qui l’ont d’abord poussée à réaliser un balado (Quelqu’une d’immortelle) avec les enregistrements de conversations avec sa grand-mère, Pauline. Des enregistrements réalisés entre 2017 et 2021, et qui n’avaient, au départ, aucun objectif artistique.
Malgré soixante-dix ans d’écart, les deux partagent plusieurs points communs : elles aiment toutes deux lire, écouter de la musique et se retrouvent toutes deux dans une période de transition. Camille s’installe à Montréal et tente de percer en tant que comédienne. Pauline, en perte de faculté, est transférée dans un CHSLD. Toutes deux doivent s’adapter à leur nouvelle réalité, chose qui les rapproche. Elles deviennent un support moral pour l’une et l’autre.
Perdre et garder le contrôle
Lorsqu’elle la visite, Camille doit lui rappeler le nom de ses enfants et le sien. En perte de motricité, elle devient bientôt incapable de tenir une fourchette pour manger. Sans compter des épisodes de démence qui lui font perdre la raison. En revanche, quand son état est stable, Camille profite de la sagesse, des conseils et du brin de folie qui habitent Pauline et qui viennent certainement nourrir une part d’elle. Elle lui parle aussi des nombreuses péripéties qui ont marqué sa longue vie (92 ans aux moments des premiers enregistrements) et de sa rencontre avec son compagnon de vie, Yvon Paré, décédé en 2012.
L’histoire prend une nouvelle tournure quand la COVID débarque et que Camille doit s’en tenir à des appels téléphoniques pour garder contact. Et comme beaucoup d’aînés, l’isolation en CHSLD durant la pandémie aura des effets dévastateurs sur Pauline, de sorte qu’au retour de l’isolement, Camille ne la reconnaît presque plus. Finalement, elle finit par venir moins souvent, car devant la situation, elle a déjà fait son deuil, un « deuil blanc », soit un deuil avant décès par anticipation.
Une pièce très (trop) personnelle mais ô combien touchante
À travers l’histoire très personnelle, Camille Paré-Poirier aborde des sujets qui nous touchent tous, comme la perte de repères, l’abandon, l’isolement et le sentiment d’impuissance. On voit tout l’amour que portait l’interprète pour son aînée, sa ténacité et son caractère même si, comme elle le mentionne elle-même, elle doute des motifs qui la poussent à garder contact. En plus d’une franchise assumée, la comédienne de 31 ans use d’une très bonne altération entre dialogues narratifs et enregistrements sonores, faisant de Je viendrais moins souvent une œuvre originale et inspirée.
L’histoire garde toutefois un cachet assez sombre, ce qui donne une allure un peu pessimiste au récit. De la façon dont elle le décrit, Camille vit des moments tristes avec sa grand-mère, mais aussi des moments de joie. Il aurait été agréable de visiter davantage ces moments, question d’équilibre. L’histoire est néanmoins poignante et directe, deux qualités qu’on a l’habitude de trouver dans du théâtre de qualité.
La pièce est présentée jusqu’au 27 avril à la Place des Arts avant de partir en tournée au Québec. Visitez le site Web pour obtenir des billets.