Compositeur et Compositions, une seule entité

Par : Marin Agnoux
Pour clôturer les quatre jours de festival, M pour Montréal s’accompagne du FIJM et les Torontois de BadBadNotGood s’invitent dans l’une des plus belles salles de Montréal, l’Olympia.
Entre quatre discussions et cinq marches, mon ami photographe me dit : « On se croirait dans un festival en plein air ». C’était vrai : l’Olympia, remplie, voyait la foule s’asseoir à terre, là où elle le pouvait, entre les concerts, dans l’attente du prochain. L’impression que M pour Montréal en avait fait courir certains qui auraient vraiment voulu tout voir, mais comme tout bon festival, on ne peut pas tout voir. Ce qui est sûr, c’est que ce soir, l’Olympia ne présentait pas un siège vide laissé à la poussière.
Dans le noir complet, lorsque les murs rouges de la salle ne se discernent plus, notre oreille se concentre pour saisir les premiers sons qui s’échapperont. Sous un projecteur blanc et des images répétitives filmées comme en VHS, le compositeur Colin Stetson, accroché à son saxophone, s’embarque dans une boucle perpétuelle. Le son n’a plus de silence, plus un seul trou : la respiration circulaire ne laisse plus son souffle s’arrêter et l’instrument ne laissera pas la note s’essouffler à la mort.
En quatre pièces expérimentales, entre musique ambient et composition contemporaine, Colin Stetson traverse les tensions et le relâchement en passant par le rêve. Certaines sonorités plus claires apaisent, certaines d’un roc étouffant crispent nos muscles. L’immensité de cuivre du saxophone basse impressionne le regard, mais son son, lui, ne s’oublie pas.

Colin donne corps à la musique dans une répétition incessante qui finit par prendre vie sous une forme d’émotion. Rien ne nous relâche : jusqu’au bout de sa dernière œuvre, l’artiste ne laissera pas un bruit s’arrêter. Le sentiment de ne pas avoir l’espace pour laisser respirer, pour encaisser nos émotions, submerge. La foule, omnibulée par ces sons, sort à peine d’un rêve éveillé : la dernière note s’est envolée, notre souffle la suit sans crainte.
Après une demi-heure où l’on reprend nos esprits, nous sommes fins prêts à accueillir nos voisins ontariens. La salle s’éteint de nouveau, les sirènes et les guitares si connues de War Pigs se mettent à résonner. Sous la montée d’applaudissements et la voix d’Ozzy Osbourne, BadBadNotGood font une entrée assez spectaculaire. Devant un grand drap blanc aux projections psychédéliques, BBNG se lancent dans une course effrénée de jazz fusion rappelant quelques groupes japonais des années 80.

La souplesse des notes du EVI (Electronic Valve Instrument) se lie au synthétiseur de manière parfois presque spirituelle ; les batteries et les percussions, elles, jouent un jeu de contradiction, s’évitent pour ne pas se marcher dessus, mais la basse et les guitares leur donnent le rythme à suivre. Le funk inarrêtable, coureur de renom, joué par le groupe, laisse à la foule la place pour danser sous les couleurs des lumières projetées sur scène. Dans un jazz aux multiples influences, BadBadNotGood s’amuse entre amis : Alexander Sowinski, Leland Whitty et Chester Hansen, s’accompagne sans cesse de nouvelle tête. Le batteur ne s’arrête plus de parler, nous crie dessus pour danser, et le public se réjouit d’une telle énergie. Quand la douce fantaisie de ce soir se finit, l’on ne repart pas l’esprit vide : le rêve commencé par Colin Stetson et entretenu par BBNG n’a pas eu de mal à marquer nos pensées


























