…Où nos souvenirs attendaient!

Par : Bruno Miguel Fernandes
Vendredi soir, le MTELUS lance un dé à vingt faces. Au lieu de choisir une classe de personnage, on choisit sa bande sonore : powermetal héroïque, folk guerrier ou bardes allemands au statut quasi mythologique. Entre les sept royaumes d’un power américain bien rodé, les forêts finlandaises où résonnent encore le folk héroïque et la citadelle allemande des légendes du genre, la soirée promet plus qu’un simple alignement de groupes : une campagne entière, jouée en direct, volume au maximum.
Devant la salle, les fans se répartissent déjà en factions invisibles : ceux qui sont là pour tout prendre, ceux qui n’attendent que la prochaine charge guerrière et ceux pour qui ces bardes-là relèvent davantage du culte que du simple divertissement.
Trois groupes et trois façons de raconter des histoires plus grandes que nature : Seven Kingdoms pour le power métal héroïque, Ensiferum pour le folk guerrier, et Blind Guardian, conteurs d’aventures féériques. Restait à voir si, au MTELUS, les dragons ont vraiment pris leur envol… ou si on restait coincés à l’entrée du donjon.
La princesse se trouve bel et bien dans ce château

En première ligne, Seven Kingdoms, formation powermetal venue de DeLand, en Floride, qui a fait de la fantasy son terrain de jeu depuis 2007, portée par la chanteuse Sabrina Valentine, un duo de guitaristes affûtés formé de Camden Cruz et Vince Romard, et le batteur Colton Zeitler.
En entrant dans un MTELUS plein à craquer, on sent déjà l’énergie déborder jusqu’au balcon. Seven Kingdoms ouvre la soirée avec un powermetal classique qui prend instantanément sur la foule.
Le grand vent du Nord

Ensiferum embarque ensuite, porté par une formation complète : Petri Lindroos à la guitare et au scream, Pekka Montin au chant clair, Markus Toivonen à la guitare, Sami Hinkka à la basse et Otto Tierney à la batterie. Avec une discographie qui remonte au début des années 2000 et quatorze albums au compteur, le groupe arrive en terrain conquis, solide dans son identité comme dans son exécution. La dualité entre Lindroos et Montin fonctionne à merveille, même si les micros auraient pu être un peu plus présents dans le mix. Les refrains, eux, percent sans difficulté : mélodieux, puissants, parfaits pour une foule qui n’attendait qu’à chanter avec eux.
Le moshpit s’allume rapidement, et au milieu du set, il se transforme carrément en pirogue humaine en suivant parfaitement le beat de Heathen Horde. Le groupe déroule un setlist qui pige généreusement dans son répertoire, notamment avec Winter Storm Vigilantes, Way of the Warrior, Andromeda et Into Battle, de quoi faire plaisir autant aux vétérans qu’aux nouveaux venus. Et encore une fois, c’est Sami Hinkka qui met le plus de points dans la statistique charisme, totalement habité, souriant, et contagieux dans son plaisir d’être là.
La fin du set s’impose avec In My Sword I Trust, à mon grand bonheur. Foule dedans, band dedans, performance à la hauteur des légendes qui suivront.
Une épopée rejouée, quête par quête

La légende entre en scène : Hansi Kürsch (chant), André Olbrich (guitare), Marcus Siepen (guitare), Barend Courbois (basse), Michael Schüren (claviers) et Frederik Ehmke (batterie). Dès les premières notes de Blood of the Elves, le public ne laisse aucun doute : on est devant une salle qui connaît tout. Absolument tout. Chaque ligne, chaque mélodie, chaque respiration du répertoire de Blind Guardian.
Blind Guardian déroule ensuite l’album Somewhere Far Beyond au complet, morceau par morceau, comme on ouvre un grimoire culte qu’on croyait réservé aux légendes. C’est une occasion rare de vivre l’un des albums phares du groupe dans toute sa prestance. Cette oeuvre met en lumière l’étendue de leur talent, autant dans les arrangements que dans l’interprétation, et rappelle à quel point leur manière de raconter des histoires les place à part dans le paysage du powermetal.
Le timbre unique de Kürsch, parfois perché, parfois presque nasillard sans jamais devenir agressif, reste entièrement au service du récit. Sa façon de phraser, de suspendre certaines syllabes et de lancer les refrains donne vraiment l’impression d’avoir un barde moderne en pleine épopée, plus qu’un simple frontman de métal. Et même si Somewhere Far Beyond date de 1992, tout sonne encore étonnamment moderne et original, porté par cette signature vocale impossible à imiter et par une écriture qui confirme une fois de plus Blind Guardian comme l’un des véritables piliers du powermetal.
Chœurs partagés et derniers sorts lancés

Moment fort : The Bard’s Song – In the Forest. Porté par une foule qui connaît chaque ligne et la chante presque au complet, tandis que Hansi Kürsch observe la scène avec un mélange d’étonnement et de gratitude. L’espace d’un instant, la frontière entre scène et parterre se dissout, et le MTELUS a tout d’une taverne de troubadours échappés d’un roman de chevaliers.
Côté guitare, André Olbrich ne fait que des coups critiques, tous portés droit à nos cœurs de métalleux. Ses solos transpercent la salle : rapides, expressifs, maîtrisés, surgissant dans presque chaque morceau comme une attaque sournoise de voleur parfaitement réussie.
Porté par l’énergie incessante de la foule, le groupe a offert un rappel extrêmement généreux. Il a enchaîné Majesty, Lord of the Rings, Valhalla, puis Mirror Mirror. Et même s’il était déjà passé 23 h, Blind Guardian a ajouté une toute dernière pièce : Lost in the Twilight Hall.
C’était impressionnant de voir ces légendes sur scène : leur maîtrise, leur plaisir sincère, et la preuve très concrète que certaines œuvres demeurent intemporelles, peu importe les années!


