Séducteur brutal
Un plan incliné forme la scène, à l’arrière, des passerelles descendent vers les coulisses. Pas de décor, que la lumière crue du soleil. Richard (Sébastien Ricard) adresse ses premières paroles aux spectateurs, les impliquant dans son ascension sinistre au pouvoir.
Durant la pièce, il se tourne souvent vers le public pour livrer ses machinations. Le procédé inspire aussi Kevin Spacey dans House of Cards. Puisqu’il s’adresse directement à lui, le public devient un témoin de premier plan, mais impuissant, des stratagèmes du duc de Gloucester pour devenir Richard III, roi d’Angleterre.
Le pouvoir est la fin qui justifie les moyens : mentir, ruser, éliminer ses rivaux. L’actualité de cette pièce de Shakespeare écrite en 1591 est toujours palpable aujourd’hui. Richard manœuvre pour qu’aucun prétendant au trône n’entrave son chemin. Quantité d’opposants seront tués sous ses ordres.
Lorsque le conseiller de Richard, son complice le duc de Buckingham, considère qu’il exagère, il sera trucidé à son tour. Pourtant, le tyran n’est pas fou, il est lucide. Par exemple, sa séduction incite lady Anne (Sophie Desmarais) dont il a occis le père et l’époux à se marier avec lui… pour s’en débarrasser plus facilement par la suite.
Un tel assoiffé de pouvoir démontre toute son intelligence dans les mots qu’il choisit pour convaincre ou laisser à croire aux hommes de s’allier à lui. Si les femmes sont impuissantes dans cette pièce, elles ne sont pas dupes. Ainsi, lady Anne, reine Marguerite (Monique Miller), reine Élizabeth (Sylvie Drapeau) et la duchesse d’York (Louise Laprade) décèleront que Richard n’a aucun projet politique. Il veut le pouvoir pour le pouvoir.
Richard n’aura aucun doute jusqu’à un rêve prémonitoire la veille d’une bataille. Seule la mort peut étancher sa soif de pouvoir.
Brigitte Haentjens signe la mise en scène, tandis que Jean-Marc Dalpé a traduit le texte à sa demande. La distribution est impressionnante, vingt comédiens jouent une trentaine de personnages. Au TNM jusqu’au 4 avril.
Crédit photo : © Yves Renaud