Des cris, des chorés, du glam : une soirée métal sans chasse gardée

Par : Bruno Miguel Fernandes
Le métal, c’est un univers immense, peuplé de sous-genres aussi variés que ses fans : du black au prog, du djent au power, avec des intensités et des sonorités qui vont de la douceur mélodique à la tempête sonore la plus brutale. Mais cette diversité, aussi riche soit-elle, vient parfois avec un revers : un certain gardiennage du style, ou gatekeeping, qui s’exerce dès qu’un groupe ose s’aventurer hors des sentiers battus.
Les propositions plus mélodiques, plus expérimentales ou simplement moins portées sur les cris et les riffs agressifs sont souvent vues d’un mauvais œil par les puristes. Comme s’il y avait un manuel non écrit sur ce qu’est ou n’est pas du «vrai» métal.
Cette posture crée des effets pervers. D’un côté, elle prive certains amateurs chevronnés de belles découvertes en les enfermant dans une définition rigide du genre. De l’autre, elle rend le métal beaucoup moins accessible pour les nouveaux auditeurs, qui peuvent avoir l’impression de ne pas être les « bienvenus » s’ils n’entrent pas avec les bons codes.
Pour ma part, je me tiens plutôt du côté de ceux qui croient qu’il y a de la place pour plus d’une forme de métal et que l’ouverture n’enlève rien à la tradition, au contraire. Quand c’est bon…c’est bon.
Et justement, lundi soir à la Place Bell, c’est toute une performance que nous ont donné Black Veil Brides et Babymetal, deux groupes qui occupent chacun une place bien unique dans la métallosphère.
Quand le glam sort les griffes

Black Veil Brides a pris d’assaut la scène avec une efficacité redoutable : un set expéditif de 38 minutes, bien ficelé, sans flafla inutile. Peu de paroles entre les morceaux, quelques « Bonjour Montréal » obligatoires, mais une présence scénique bien sentie, surtout du côté du chanteur Andy Biersack, qui occupe l’espace avec un charisme indéniable, allant chercher les coins de la foule à coups de regards et de poses stylées.
Musicalement, le groupe a offert une première partie bien dosée, alternant hymnes mélodiques et passages plus criés, notamment sur Faithless, Coffin et The Legacy où les solos de guitare et les drop viennent faire vibrer les puristes… et peut-être faire taire ceux qui croient encore que l’esthétique goth-glam n’a plus sa place dans le métal. Sans voler la vedette, BVB a su chauffer la salle avec juste ce qu’il faut d’intensité pour ouvrir la voie à Babymetal.
Petite moment cocasse durant l’entracte : alors que Chop Suey! de System of a Down résonne dans la salle, la foule se met spontanément à chanter en chœur, transformant le moment d’attente en mini-concert collectif. Et à peine la chanson terminée et les gens qui s’applaudissent, les lumières s’éteignent et Babymetal entre en scène avec l’explosif Babymetal Death. Un enchaînement magique.
Fusion Dragonball, chorégraphies J-pop et décibels brutales
Babymetal est un groupe japonais qui mélange métal et culture pop locale, chantant majoritairement en japonais et intégrant dans ses shows des chorégraphies et codes des idoles nippones. Depuis plus de dix ans, le groupe, qui a commencé alors que les chanteuses étaient de jeunes adolescentes, traîne ce débat du gatekeeping dans le monde du métal. Trop pop, trop chorégraphié, pas assez brutal, trop kawaii : les reproches ne manquent pas. Certains puristes refusent même de leur accorder le statut de groupe de métal, comme si l’identité du genre devait passer un test d’authenticité figé dans le temps. Pourtant, difficile de nier que ce qui anime Babymetal, c’est un amour bien réel pour le métal, ses sonorités et son énergie. Leur proposition hybride et assumée bouscule les cadres, et c’est précisément ce qui dérange.
Pour incarner cette approche hybride sur scène, la configuration de la scène mettait de l’avant une plateforme centrale où les chanteuses pouvaient déployer leurs chorégraphies énergiques tandis que les musiciens se tenaient sur les côtés, moins mis en lumière mais bien présents. Ils ont toutefois eu un moment où chacun a pu se mettre en valeur avec des solos enchaînés dans BxMxC, montrant ainsi leur talent. La foule était particulièrement hétérogène, mêlant des fans de tout âge et un public plus féminin que dans la plupart des concerts de métal. La foule ce soir-là était d’ailleurs assez diversifiée, mêlant jeunes, moins jeunes, un public plus féminin que dans certains concerts de métal, et même des enfants, signe que le métal peut toucher toutes les générations.
Le spectacle s’inscrivait dans la tournée Metal Fourth, en référence à l’album du même nom qui paraîtra en août prochain. Ce nouvel opus propose une série de collaborations avec des artistes et groupes reconnus de la scène métal internationale. Une des forces de Babymetal réside justement dans cette capacité à moduler leur son en fonction de leurs collaborations, en respectant l’identité de chacun. Une touche électro assumée sur RATATATA avec Electric Callboy, un soupçon de deathcore dans Song 3 avec Slaughter to Prevail, et même des sonorités indiennes dans Kun Kun, enregistrées avec Bloodywood (le groupe qui devait d’ailleurs assurer leur première partie à Montréal avant que l’entrée au pays ne leur soit refusée). Ces collaborations étaient projetées en arrière-plan lors du spectacle, ajoutant une dimension visuelle à la performance.
La fin du spectacle montait en intensité avec un enchaînement solide : Babymetal a terminé la soirée avec Gimme Chocolate!! avant un rappel énergique. Ils sont revenus pour interpréter From Me to u, une autre collaboration avec la chanteuse-screameuse Poppy, puis ont conclu avec KARATE et Road of Resistance, un titre marqué par une guitare puissante évoquant le style de Dragonforce.
Si vous avez la chance de voir Babymetal en live, je vous conseille de saisir l’occasion. Ce sont des passionnés qui offrent une performance complète, autant agréable à voir qu’à écouter, avec un savant mélange de métal, d’énergie scénique et de spectacle visuel.