Iannicko N’Doua : le courage de plonger en soi

Depuis quelques années, d’autres récits émergent et nous plongent directement dans des réalités  ancrées dans le Québec d’aujourd’hui parsemé de mixité sociale et culturelle. Neige sur Abidjan entre dans cette lignée de nouveaux récits qui jettent un éclairage sur d’autres histoires auxquelles on peut tous s’identifier quoi qu’à la base très intimes. Lié au parcours personnel d’Iannicko N’Doua, Neige sur Abidjan prend racine dans un voyage qu’il effectue en 2008 lors de sa première visite en Côte d’Ivoire, le pays d’origine de son père . Un Fils et un Père se retrouvent après plus de deux décennies de séparation et de correspondance.

Les premiers jets de la pièce ont été écrits alors que Iannicko N’Doua étudiait en théâtre, au Collège Lionel-Groulx. À ce moment, il se disait alors simplement qu’il fallait garder une trace de son périple. au pays. de son père, la Côte d’Ivoire: « Quand j’ai fait ce voyage, j’ai pressenti que c’était un moment charnière dans ma vie, que c’était une histoire qui allait m’habiter. Le texte est resté dans mes tiroirs pendant des années, mais je savais qu’ultimement c’était le récit auquel je retournerais, le jour où j’aurais le courage de m’y attaquer. » Après avoir passé environ une décennie dans ses tiroirs, que N’Doua a eu le courage de plonger, en lui-même. Cette pièce est à la fois un geste de réconciliation et d’amour.

Ces thémathiques logent donc au coeur de la pièce et ce même lorsque des aspects plus douloureux de l’histoire sont évoqués tels la séparation et l’abandon.  Les situations et les personnages de Neige sur Abidjan s’inspirent de la réalité, mais l’auteur a ensuite pris une distance pour fignoler le récit. Il dit à propos de la pièce : « Il y a des échanges entre père et fils où on revisite un souvenir, donc on le réinterprète, on le fantasme. » Au Père et au Fils, s’ajoute la figure du Griot, gardien de la mémoire de plusieurs générations de leur lignée familiale. Ce dernier invite le Fils à expérimenter un nouveau rapport au monde en interrogeant ses souvenirs et sa perception de la réalité. Hamadoun Kassogué (grand homme de théâtre vivant au Mali) joue avec justesse, le rôle du Père et du Griot.

La présence du Griot renforce efficacement la mise en scène ancrée entre deux cultures. L’auteur et le metteur en scène (Marc Beaupré) ont réussi à plonger le public dans la position du Fils lorsqu’il découvre cet univers inconnu qu’est la Côte D’ivoire ainsi que cette nouvelle famille. Le choc culturel est vécu à travers différents sens, par la conception sonore et vidéo qui complément bien le récit. Dans une dramaturgie ancrée dans un récit très intimiste, l’auteur convie le public à une exploration profonde et sensible de la filiation, de la distance et de la mémoire. Il y a probablement  un côté plus cathartique dans le processus qui entoure cette pièce. Une pièce qui nous aura fait rire et pleurer.

Neige sur Abidjan