L’amour est mort, vive l’amour!
©Eva-Maude TC
Par : Marie-Claude Lessard
Thème universel à l’inspiration intarissable, le couple continue de semer les passions en se moulant aux réalités et perturbations sociales troubles de chaque génération. Avec la pièce Dans le champ amoureux, présentée à l’Espace Libre jusqu’au 25 novembre, l’auteure et comédienne Catherine Chabot donne vie à une union convenue pour certains et atypique pour d’autres qui force tous les spectateurs, peu importe leur âge, à se confronter à leurs propres habitudes et idéaux.
À l’instar de Table Rase (à laquelle participe d’ailleurs Catherine Chabot) qui enchaîne les supplémentaires depuis sa création, Dans le champ amoureux est le fruit d’une approche hyperréaliste autant dans l’écriture que dans la mise en scène signée Frédéric Blanchette. L’intimité de la salle de l’Espace Libre se voit décuplée grâce à un décor d’une chambre à coucher en désordre située au centre des estrades. Le public ne peut faire autrement que de se plonger entièrement dans l’univers houleux d’un couple de futurs trentenaires tiraillés dans leurs rêves et désillusions. L’une (Catherine Chabot), auteure et barmaid originaire du Saguenay, se laisse emporter par les lubies philosophiques de l’autre (Francis-William Rhéaume), quitte à perdre toutes les traces de sa personnalité véritable. Ressentant toujours de l’affection l’un envers l’autre, ils s’enfoncent pourtant dans une relation toxique et insatisfaisante où la passion charnelle dévorante a été remplacée par des disputes venimeuses.
La soirée hautement représentative des récentes années de vie commune du duo qui est illustré pendant un 75 minutes habilement ficelé happe l’auditoire par son réalisme sidérant. Impossible de ne pas se reconnaître dans les réparties, les sujets qui passent du coq à l’âne de même que dans la nudité quotidienne dépourvue d’érotisme (pour spectateurs avertis uniquement). Cette bulle truffée de contradictions, de fausses promesses et de mensonges blancs entraîne introspections et discussions tant le travail de Catherine Chabot (encore plus affuté que celui effectué pour Table Rase) ne laisse absolument rien au hasard. Philosophie, altérité, le spectre de l’ex, les doutes, la peur de tout perdre, les désirs insolvables trouvent écho dans une structure cohérente volontairement éparpillée pour mieux démontrer la complexité des relations amoureuses. Les dialogues portent en eux des sous-textes savoureux et dénotent une maîtrise de la langue française qu’il faut consommer plus d’une fois pour en découvrir toutes les subtilités et réjouissances. La construction des personnages s’avère tout aussi impeccable. Équilibrant avec prodige la tristesse, la joie, le désespoir, l’anxiété et la colère, Catherine Chabot éclipse presque ses comparses masculins, Francis-William Rhéaume et Fayolle Junior Jean, qui, de leur côté, cernent avec intelligence les stéréotypes de leur composition pour en tirer des performances authentiques et nuancées.
À voir à deux, que ce soit avec l’autre moitié ou non, pour enfin échanger sur les multiples visages de l’amour sans détour.
Texte révisé par : Annie Simard