Des fioritudes pour contrer la solitude
©Antoine Rabeau Daudelin/MatTv.ca
En mars 2014, après un (trop) long hiatus de 28 ans, Serge Fiori lança un magnifique nouvel album homonyme certifié disque platine (80 000 copies vendues), seulement huit semaines après sa sortie. Ne se produisant plus sur scène depuis des années, le chanteur de feu Harmonium ne changea malheureusement pas son fusil d’épaule pour ce disque récipiendaire de 3 Félix. Afin de remédier à la situation, les FrancoFolies de Montréal mirent en branle la soirée-hommage Fioritudes dans laquelle Marie-Pierre Arthur,Alexandre Désilets, Antoine Gratton, Ian Kelly, Daniel Lavoie et Catherine Major revisitèrent le répertoire solo connu et méconnu de Fiori. Puisqu’il se solda par un vif succès populaire et critique, le spectacle d’un soir se transforma en une tournée qui prit son envol vendredi soir dernier au Théâtre Outremont.
Sous la supervision musicale de Marc Pérusse, qui a également réalisé le récent album de Serge Fiori, la première partie des Fioritudes s’attarda exclusivement sur d’anciennes chansons de l’artiste. Catherine Major entama le spectacle en douceur au piano avec la poignante La moitié du monde. Les voix d’Alexandre Désilets et Antoine Gratton se marièrent à merveille pour enchainer avec l’énergique Viens danser. Jouant de manière frénétique sur son minuscule piano en bois blanc, Antoine Gratton transmit avec passion les paroles frappantes de cette oeuvre. En entendant ce couplet (On retrouve nos vieilles nuits magiques/Parce qu’y a pus de musique/Qui est pas faite en plastique/Comme un ballon/Qui tourne toujours en rond/On attend la fin du show/J’sais pas c’qui ont trouvé c’coup-là à faire sauter/Mais comme y reste plus d’effets spéciaux/Y’ont fait sauter l’chanteur), impossible de ne pas dresser un triste parallèle avec l’état dans lequel l’industrie de la musique se retrouve aujourd’hui. Après une bouleversante enfilade de ballades mélancoliques, Marie-Pierre Arthur conclut la première partie en beauté avec la poétique Depuis l’automne.
Sobre et épurée, la mise en scène signée Luc Picard recela d’idées judicieuses, à commencer par la sympathique formule de présentation. Chaque artiste introduisit le suivant avant de joindre les musisciens au besoin pour agrémenter les portées des chansons avec de puissants chœurs. La toile en arrière-scène projetant à l’occasion des formes géométriques colorées accentua également les charges émotives contenues dans les textes de Fiori.
Consacrée exclusivement à l’album de 2014, la seconde partie traduisit brillamment la solitude et l’individualisme contemporains mis de l’avant dans le disque de Fiori, disque évidemment bien ancré dans son époque. Tous plus déstabilisants les uns que les autres, les écrits formant cet album poussèrent à réflexion. Antoine Gratton démarra sur les chapeaux de roues avec l’excellente Le monde est virtuel, suivie de Crampe au cerveau qui fut le véhicule parfait à Alexandre Désilets pour faire l’étalage de toutes ses habiletés vocales. Ensuite, la salle s’est tue pour s’imprégner de la voix mélodieuse et enchanteresse de Marie-Pierre Arthur sur la déchirante Seule. Sans contredit un instant pivot de la soirée. Quelques minutes plus tard, un invité très attendu apparut sur scène vêtu d’un long manteau. Dès que Daniel Lavoie amorça les premières notes de Chat de gouttière, le public fut en liesse.
Sous un tonnerre d’applaudissements, les musiciens quittèrent la scène pour laisser le champ libre à Ian Kelly. À la blague, Kelly souligna l’ironie de la situation, lui qui attendait en coulisse depuis un certain temps. Armé de sa guitare acoustique, le chanteur, après avoir avoué sa nervosité, offrit une reprise ahurissante de Laisse-moi partir. Sa voix écorchée atteignit des notes hautes fort complexes. Définitivement le moment le plus touchant de cette première. Après cet instant lumineux, Daniel Lavoie rejoignit Ian Kelly pour proposer Zéro à 10, une autre réussite. Pour conclure cet acte, Catherine Major s’appropria la touchante Si bien. Vers le milieu de la chanson, la voix préenregistrée de Fiori complémenta celle de Major dans un enivrant chœur. Du pur bonheur.
Évidemment, malgré son absence, l’âme de Fiori habita chaque pièce. Sa présence fut palpable. Son esprit libre continuera de transcender la génération du baby-boom et les futures, comme le prouva l’euphorie du public pendant les rappels Comme un fou et Ça fait du bien. D’ailleurs, un album studio ou live des Fioritudes s’avérait être un inestimable cadeau!
Fioritudes est actuellement en tournée partout à travers la province. Pour connaître l’horaire, c’est par ici.
Crédit photos Antoine Rabeau Daudelin