Henri Chassé joue l’enfant curieux
© Caroline Laberge
Par : Sébastien Bouthillier
Le metteur en scène Michel Poirier adapte Conversations avec un enfant curieux, le récit biographique de Michel Tremblay. Nana et Gabriel, les parents du jeune Michel, répondent à ses questions dans le cinquième texte où le célèbre écrivain raconte son quotidien. Guylaine Tremblay incarne avec une justesse touchante la mère, tandis que Sylvain Marcel convainc dans son rôle de père.
Bien que l’action se déroule sur le Plateau du Mont-Royal, dans le quartier où Michel Tremblay a grandi dans les années 40 et 50, la mise en scène évoque Key West. L’auteur habite cette ville à la pointe sud de la Floride depuis une trentaine d’années. C’est depuis cet endroit qu’il se remémore les questions qui fusaient de son esprit et les personnes qui ont marqué son enfance.
Les réponses apodictiques que sert Nana, la mère, à son fils Michel rappellent Encore une fois, si vous permettez, hommage à la femme la plus marquante de sa vie. Présentée au printemps 2016, la pièce mettait aussi en scène mère et fils, joués par les mêmes comédiens. Ici, d’autres personnages les entourent, mais le récit demeure aussi touchant parce que chacun retrouve sa mère à travers celle de Michel.
Trois familles s’entassant sous le même toit afin d’économiser l’argent, Michel et ses parents partagent leur maison avec la grand-mère paternelle, dont Danielle Proulx révèle le caractère aimable avec lui, mais entêtée envers sa mère. Le père travaille le soir, les moments de rencontre avec son fils se font plus rares, mais il en profite pour le taquiner quand il lui laisse croire qu’il a acheté le pont Jacques-Cartier.
À l’école, Michel suscite l’impatience de son institutrice, mademoiselle Karli (Isabelle Drainville), par les questions qu’il soulève l’une après l’autre. Aucune réponse n’est définitive parce que l’enfant en doute et questionne à nouveau dessus : les pourquoi se multiplient pour remonter toujours plus loin vers le fondement des choses.
Mademoiselle Karli, exaspérée, envoie Michel chez la sœur directrice de l’école (Michelle Labonté) auprès de qui il recommence son cycle infini de questions dans une logique enfantine implacable. L’espièglerie et la candeur de Michel ont aussi raison de l’aimable patience de sa mère qui lui recommande d’écrire au pape si ses réponses sur la sainte trinité ne le satisfont pas.
« Nana, c’est une maman universelle. Voilà une des grandes forces de Michel Tremblay. Voilà son génie », affirme le metteur en scène Michel Poirier. Avec son franc-parler et ses gestes d’impatience qui trahissent pourtant son amour débordant, Guylaine Tremblay devient la mère de tous les Québécois durant le spectacle. Elle qui s’exclame « enfant insignifiant! » quand elle ne sait plus quoi lui répondre…
Enfant insignifiant!, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 3 février.
Crédit photo : Caroline Laberge
Texte révisé par : Annie Simard