Rêves d’adolescents en crise
Par : Sébastien Bouthillier
La recherche d’un sens à la vie durant l’adolescence s’avère une étape vers la maturité. Mais la sagesse dicte de se rebeller contre l’absurdité de l’existence. Si la quête de Murdoch est légitime, l’absolu demeure insaisissable, et il dénonce la résignation des adultes. Il compare l’école à une usine de connaissances dont le directeur manque de courage pour assumer l’ignorance des adultes quant au sens de la vie. À quoi sert-il de savoir quoi que ce soit alors?
Dans le rôle de Murdoch, Philippe Thibault-Denis excelle à s’exclamer « J’le sais pas! » à profusion un long moment durant la pièce. S’il possède une seule conviction, c’est celle-là. Excédé par le trajet d’autobus quotidien jusqu’à l’école, il dénonce qu’une dame lise pour oublier la vacuité de la vie qu’elle mène. L’authenticité de l’adolescence empêchant Murdoch de se résigner, il vociférera contre les rituels insensés reproduits tous les jours par les adultes.
Si Murdoch a le courage, ou l’ingénuité, de s’exprimer, ses interlocuteurs risquent de demeurer sourds à sa parole. Pourtant, lui seul n’a pas été insensible au récit du frère de Boon. Francis La Haye incarne Boon, qui narre Assoiffés. Il retrouve Murdoch et sa mystérieuse amoureuse Norvège quinze ans plus tard; cela le plonge dans ses souvenirs, les aspirations qu’il entretenait, mais qu’il a ensevelies en devenant adulte.
L’immense capteur de rêves symbolise la quête des adolescents. Aussi, le poulpe extrait du ventre de Norvège, qu’interprète Rachel Graton, devient la métaphore de son malaise tentaculaire. Elle s’isolera à cause de lui. Comme les adolescents ne parlent pas ni ne comprennent le langage des adultes, quelques sons suffisent à faire entendre leurs voix comme dans Charlie Brown. L’immense portail au centre de la scène représente la porte d’entrée vers le monde utilitaire ou bien vers les idéaux d’adolescents…
Le saut de quinze ans dans la narration porte la signature de Wajdi Mouawad, auprès de qui le metteur en scène Benoît Vermeulen a contribué à l’écriture de la pièce, jouée en France, en Italie, en Belgique, en Suisse, au Danemark et au Canada depuis 2006. La quête de soi et la mémoire de soi sont des thèmes centraux de l’œuvre de Mouawad, qui ancre l’identité québécoise dans l’universalité. Comme dans sa trilogie Littoral, Incendies et Forêts, les personnages se révèlent des années après les faits par la mémoire qu’en garde l’un d’entre eux qui en fait le récit.
À la codirection artistique de la compagnie théâtrale Le Clou, Vermeulen se consacre au théâtre qu’inspire l’adolescence.
Assoiffés, au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 25 février.
Crédit photo de l’image à la une : ©Jean-Charles Labarre
Texte révisé par : Annie Simard