Retour sur le Pouzza Fest Jour 1
©Maryse Phaneuf/MatTv.ca
Le 18 mai, c’était Noël pour les amoureux du punk, alors que le Pouzza Fest entamait sa huitième édition, au Quartier des spectacles. On commence par naturellement se rassembler au Jardin des bières, et c’est 2 Stone 2 Skank qui sonne le glas de la journée de travail. Heureuse de les avoir vus peut-être pour la première fois sur scène depuis mon Cégep, leur emplacement dans l’horaire leur a cependant nui. Il y avait encore peu de public présent, et leur musique aurait été aussi mise en valeur avec les groupes du dimanche après-midi au parterre.
Je sacrifie la fin du set pour aller à la table ronde Les femmes de la scène/Women in Music, organisée par le Pouzza Fest et animée par Hélène McKoy, co-fondatrice du festival. Les invitées de marque comprenaient entre autre Shawna Potter, musicienne et chanteuse de War On Women, les batteuses Andrea Silver et Cindy Caron, Sarah Litt, critique musicale, la relationniste torontoise Melanie Kaye, Isabelle Gentes de l’agence Preste et Dorothée Parent-Roy, membre des Vulvets et travaillant chez Believe Digital. Un échantillon solide témoignant de la présence et l’apport des femmes dans l’industrie musicale, notamment canadienne
Plusieurs sujets ont été débattus, à commencer par l’épineuse question des quotas de femmes dans les programmations de festival et le harcèlement sexuel que plusieurs subissent quotidiennement. La discussion n’est pas restée en surface, en approfondissant le sujet des micro-agressions, les biais féminisés de la couverture médiatique de la scène et les doubles standards sexistes que vivent les musiciennes. Caron et Silver disaient toutes deux devoir constamment se justifier lorsqu’elles achètent des baguettes dans des magasins de musique, et reprendre les gens car non, ce n’est pas un cadeau pour leur chum ou leur frère, c’est pour elles, parce ce qu’elles jouent de la batterie! Même son de cloche du côté de Litt et Potter, qui rappellent aux journalistes que « Female fronted » n’est pas un style de musique, comme on ne dit pas « White dudes fronted music ». Les journalistes doivent cesser d’insister sur la présence de femmes dans un groupe et plutôt se concentrer sur la musique et le travail exécuté par ces dernières, sans le comparer au son des groupes d’hommes, qui représentent la norme. Car Silver ne joue pas comme un homme, elle joue comme une femme, et l’une des meilleures de la scène.
Finalement, la problématique du langage très genré qu’est le français, comparé à l’anglais, dans laquelle se déroulait la discussion, a été soulevée. Rappelant que la communauté punk est ouverte aux différentes expressions d’identités de genre, il est parfois difficile d’être aussi inclusif en français qu’en anglais, et certaines initiatives se penchent sur la question, comme le Rock Camp for Girls. En terminant, Potter s’est adressée aux jeunes filles, enfants et toutes personnes marginalisées qui voudraient faire de la musique avec ces mots : « Women, queer, trans, whatever… Your presence in punk IS punk. You ARE punk. Fuck everybody else! ». Quel moment gratifiant et inspirant, qui teintera toute la fin de semaine.
Oh My Snare!, qui était récemment en spectacle sur la Côte est américaine, a réchauffé les Foufs 2.0, un nouveau lieu franchement intéressant où se produire. Rappelant un peu l’espace des défunts Underworld ou Absynthe, la « salle » est au deuxième étage des Foufounes électriques, à l’opposé de la salle principale. Junior Battles enchaînait immédiatement, alors que War On Women se produisait au Jardin des bières. Le groupe hardcore punk de Baltimore a offert une excellente performance. Les textes vindicatifs livrés par Shawna Potter confirment la place unique de W.O.W. dans la scène punk engagée, bien que le groupe soit encore jeune. Les pièces entraînantes parlent de harcèlement de rue, de culture du viol, de transphobie et d’autres enjeux sociaux. Pas étonnant qu’ils soient de bons amis d’Anti-Flag!
Le temps d’écouter The Press Corpse, Fuck Police Brutality et Turncoat, direction Foufounes électriques pour le premier show réunion du festival, Brixton Robbers! Le groupe de punk-rock mélodique a offert une performance impeccable, mais on le sentait un peu sur le pilote automatique. Il y a eu un bon échantillon de chansons entre les deux albums, à commencer par There Once Was a Taxi Driver, June 22nd, Bright Light, O Street, Carved Livers et plusieurs autres, incluant leur reprise de Rock Lobster! Max Ledoux, guitariste aux débuts du groupe, est même venu interpréter quelques pièces. Ça n’a pas paru qu’ils n’avaient pas joué depuis six ans! Je découvre Tsunami Bomb, que je n’avais jamais vu en spectacle. Le groupe, fondé en 1998, a réussit sa cure de jeunesse et s’approprie la scène avec une bonne performance musicale et vocale. Leur dark-punk combiné au son du hardcore du sud de la Californie mettait la table en douce pour le reste de la soirée, qui allait pas mal brasser.
On reste sur place pour le dernier concert, à 1 h du matin, de A Wilhelm Scream, fleuron du hardcore mélodique depuis près de deux décennies. Le quintette underground a brûlé les planches des Foufs et offert un bon mélange de Partycrasher et Mute Print. Le public était en délire. Le lendemain a été dur pour les trentenaires présents, mais la soirée en a valu la peine!
Plusieurs événements devraient se pencher sur le fonctionnement organique du Pouzza Fest et prendre des notes sur leurs initiatives. Activités familiales, table ronde sur la force des femmes dans l’industrie musicale (alors que tous les diffuseurs fuient comme la peste ce sujet), programmation dans la zone paritaire et un engagement ferme d’être un lieu sûr pour tous les festivaliers. Peu de festivals peuvent se vanter de développer un sentiment d’appartenance aussi fort à une communauté que le Pouzza Fest.
#Pouzza8
Crédit photo : ©Maryse Phaneuf/MatTv.ca
Texte révisé par : Marie-France Boisvert